HervB a écrit:zourbi le grec a écrit:Question vraiment naive. Est-ce que le prix payé au dessinateur, et pour l'avance et pour chaque album vendu dépend de la difficulté et de la qualité du dessin ?
Par exemple, j'imagine qu'un dessinateur réaliste au dessin très fouillé ne doit pas être payé comme un dessinateur au style plus sommaire et qui peut produire trois fois plus que le premier ?
Non, puisque dans tous les cas, nous sommes sur des droits d'auteur qui sont calculés sur le prix de vente du livre et le nombre d'exemplaires vendus (au moins des ventes estimées / espérées).
C'est très réducteur comme réponse. Dans la réalité c'est plus compliqué. Le "prix payé au dessinateur", c'est grosso modo, son à-valoir et le taux de son % sur le prix de la BD. Donc oui bien sûr, il est différent pour chaque dessinateur. On ne va pas filer le même à-valoir à un mec qui fait du Schtroumpf qu'à Alexis Nesme par exemple. Parce que dans le deuxième cas, il aura besoin de plus de temps pour réaliser son album. La hauteur de l'à-valoir est donc là pour permettre (en théorie) à l'auteur de pouvoir mener à bien la réalisation de sa BD sans trop de stress d'argent. Donc plus c'est compliqué et long, mieux vaut savoir négocier son à-valoir.
Ensuite, l'à-valoir comme le fameux % sur lequel vous vous focalisez tous, est négociable aussi en fonction de la notoriété de l'auteur, etc...
Et enfin (et surtout) le tirage
Donc
dire que tous les auteurs sont logés à la même enseigne est faux. Ceux qui s'en sortent le mieux, sont au final les plus productifs. Si Bruno Maïorana a lâché la BD, pour ne citer que lui, c'est justement parce que ce ratio temps passé à la réalisation/à-valoir et % (et éventuellement tirage) n'étaient plus en sa faveur par rapport à sa manière de travailler. La négociation ayant ses limites, même l'éditeur le plus sympa du monde, ne peut pas non plus proposer des à-valoir et un % trop important parce que le mec met 2 ans à pondre une BD. Il faut trouver un compromis qui semble juste aux deux parties (même si le rapport de force est largement déséquilibré).
Aujourd'hui, pour la grande majorité des auteurs c'est de se dire "je fais avec parce que j'ai envie de faire de la BD et qui sait, un succès?" tout en ayant un job alimentaire à côté. Et même les auteurs à succès, vivent de plus en plus des "à côtés" que de leur BD propres. Suffit de voir Marini, pour ne citer que lui, qui pond aquarelle sur aquarelle et expos sur expos sachant qu'il se fera plus de fric, plus vite, en vendant ses originaux pondus spécifiquement pour ça, qu'avec ses BD. C'est un peu le même problème des auteurs qui font des interventions dans les écoles parce que c'est plus rentable. Mais au final, ils passent plus de temps à parler de leur métier qu'à le pratiquer.
Je pose la question car j'ai constaté que depuis quelques années, la qualité graphique moyenne a baissé (surtout dans les romans graphiques) et je me demande si c'est lié à la crise actuelle et à la nécessité de produire plus.
Il existe bien sûr toujours des virtuoses du dessin mais je parle de la moyenne.
Le calcul est simple. Comme cela a été dit plus haut « 4,7 % des ouvrages se sont écoulés à plus de 10.000 exemplaires. Les titres représentant « 100 à 10.000 exemplaires représentent les trois quarts des volumes vendus », note le syndicat. »
Soyons optimiste, partons du principe que l’album d’un auteur X est tiré à 10 000 exemplaires et que tout soit vendu. Disons que cet auteur touche 10% sur le prix de vente et que le prix moyen d’une BD tout public c’est 12 euros. Le mec va toucher environ 12 000 euros. Soit moins qu’un Smic s’il a mis 1 an pour réaliser cette BD.
On comprend donc que pour être rentable, il vaut mieux pouvoir produire vite. Si pour la même BD tu mets 4 à 5 mois, ça devient déjà plus intéressant sans être génial non plus. Donc, les dessinateurs qui peuvent produire vite et bien peuvent espérer en vivre. Les autres, à moins d’un franc succès, ça va être compliqué. Ce ratio « temps passé à la réalisation/ce que je gagne » explique aussi en effet la baisse générale de la qualité de la BD parce que tu dois produire vite si tu veux espérer en vivre. Sans parler des « forfaits » qui tirent aussi vers le bas le ratio du prix à la page. Donc quand tu te rends compte qu’au bout du compte t’es payé 40 euros la page, t’as pas envie de te faire chier. (sans parler aussi qu'on publie de toute façon, de plus en plus de gens sans talent mais c'est un autre sujet). D’où le nombre croissant de bouses estampillées « roman graphique » qu’on peut trouver.
Ce système s’inverse quand tu as du succès car ton à valoir est plus important, ton % sur les ventes certainement ainsi que le tirage. Donc à la limite, même en considérant que tu restes dans les standards et que ni l’à valoir ni le % ne soient terribles, si ton tirage est à 1 millions de BD, même si tu n’en vends que la moitié, tu peux te permettre de mettre 3 ans pour faire ta BD (c’est le cas de Delaf pour Gaston par exemple) parce qu’au final, mécaniquement, par le ratio tirage/ventes, ça reste rentable. Mais ça s’applique au 5% de chanceux, « stars de la BD » qui peuvent se permettre de prendre du temps parce qu’ils savent qu’ils vont vendre dans tous les cas, suffisamment pour en vivre même si les conditions de départ de l’à valoir et du % sont dans la norme.
Il y a quand même pas mal de paramètres intrinsèques à l'auteur (sa vitesse d'exécution, sa notoriété, etc...) et aussi extérieurs (tirage, négociation avec l'éditeur, etc...) qui rentrent en ligne de compte pour définir de "combien gagne un auteur". C'est bien pour ça que c'est un sujet tabou et que les rares auteurs et éditeurs présents sur le forum bottent en touche quand on aborde ce sujet...
Mais en gros, pour vivre de la BD, soit tu dessines vite (et si possible bien) pour produire un max dans un temps court, soit tu deviens un auteur à succès. Si tu cumules les deux, alors c’est Jackpot.