nexus4 a écrit:Jean-Yves Delitte vient de publier ce petit texte :
Le mec prêche pour ses intérêts. De là à essayer de démontrer que les politiques qui ont pris une décision sont des cons parce que la décision ne sert pas les intérêts de son secteur ...
10 millions de différence, quelque centimes sur un copieur ? Chaque foyer Belge achète-t-il une nouvelle photocopieuse toutes les semaines ? Il semble y avoir un petit couac dans les chiffres avancés. Ou alors c'est moi qui n'ai pas compris.
Mais ce n'est pas la question.
Les mécanisme de taxe copie sont un non-sens total. Si les revenus de ce monsieur en dépendent à ce point, il a d'autres questions à se poser imho.
Ces mécanismes reposent sur
- Le principe qu'on a le droit de faire des copies. Or ces droits, même quand ils sont inscrits dans la loi (en France, droit à la copie privée), sont largement bafoués par cette même loi (en France, on parle de plusieurs lois plus récentes) ainsi que par les industries récipiendaires de la taxe (Je ne dirais rien sur les BD, mais les blu ray sont bourrés de protection à la limite du foutage de gueule, rendant parfois très compliqué le simple visionnage par le vrai client d'un disque payé avec un logiciel payé sur des équipements qui ont pourtant les compatibilités spécifiques ... à des années lumière d'une version pirate qui se contente d'un clic et que la protection n'a pas empêché d'exister) encouragés à leur tour par la loi citée précédemment (en France, dadvsi interdit de casser les dites protection qui empêche d'utiliser le droit à la copie privée).
- Le principe qu'une copie complète dans le cadre strict de la copie privée (là encore je parle de la France, je ne connais pas la loi Belge mais j'imagine que c'est assez proche, au vu de la taxe dont monsieur Delitte parle), est une vente perdue. Or, le cadre est assez précis. Si je copie un CD (ou tout autre support permettant la distribution large d'une œuvre culturelle) pour le mettre dans ma voiture ou pour le sauvegarder en cas de soucis avec l'original (dont l'achat me donne à priori licence pour profiter de l'œuvre à vie à titre personnel), il est peu probable que j'aurais acheté une seconde copie (et donc payé une 2e fois la "licence" pour profiter de l'œuvre, en sus du second support) si la copie avait été impossible. Bref, on est sur un postulat idiot "1 copie privée = 1 vente".
- Le principe que les droits à la citation (et droits voisins) entrainent eux aussi une diminution des ventes. Or, si les droits de copie, citation, extraits, diffusion [...] de l'œuvre sont bien faits, ça ne devrait pas arriver. Au contraire, très souvent on voit des sociétés de rapaces (aka les sociétés qui gèrent les droits d'auteur) faire des réclamations, plaintes, ou interdictions de choses qui étaient plus de la pub gratuite qu'autre chose. Quoi qu'il en soit si une copie partielle faite dans le cadre de la citation (ou droit similaire) entraine une baisse de vente, alors soit la copie a outrepassé les limites du droit de citation, soit ce dernier est mal défini.
- Que le support, appareil ou service taxé au nom de la copie, va potentiellement être utilisé pour ça. Au mieux on répartit les soi-disant ventes perdues sur l'ensemble des consommateurs (non-)concernés y compris ceux qui ne copieront rien, au pire on fait payer la copie réelle à tout le monde et on en met plein les poches des rapaces.
- Et je ne parle pas de la vielle arrière pensée concernant le piratage, qui donne à certains l'idée que la taxe vient le compenser ... Ce n'est pas l'argument officiel mais il reste rampant. Or, le piratage est interdit, le citoyen ne devrait pas avoir à payer une taxe compensant un acte qu'il n'a pas le droit de commettre.
Bref. Pour moi ces notions doivent disparaitre. En France par exemple, le mécanisme de copie privée et la taxe associée pouvaient avoir du sens lorsque la loi associée a été créée, dans des années 80 où on pouvait copier les cassettes audio (puis vidéo) de ses potes/voisins pour se constituer une collection au prix du support (+ la taxe), remplaçant réellement des ventes d'originaux, et sans être inquiété le moins du monde par la justice pour ces copies. Aujourd'hui c'est devenu un non-sens hallucinant. Et le pire c'est qu'il y a plutôt des pressions pour empirer le problème (toujours en France, avec les idées pour étendre l’assiette de la taxe à des supports plus récents . ... le texte de Delitte semble dire le contraire pour la Belgique, tant mieux).
Et je terminerais par une ouverture sur le droit d'auteur en général : avant de se plaindre de la sorte sur des revenus d'une taxe mal fichue, peut-être se rappeler qu'en Europe (et un peu partout dans le monde, en fait), les droits d'auteur sont *très* protecteurs et puissants. Les œuvres sont protégées pendant des durées extrêmes après la mort de leurs auteurs, qui (si ils ont du succès) peuvent continuer de percevoir toute leur vie des revenus pour un travail effectué en début de carrière, et leurs descendants pour un travail qu'ils n'ont pas fait. Pendant ce temps, les autres droits de propriété intellectuelle (=> brevets) sont bien plus difficile à obtenir (grosse barrière financière), durent bien moins longtemps (20 ans indépendamment de la mort), et protègent moins (le brevet peut être annulé si antériorité, plus difficile pour en prouver la violation, possibilité d'être obligé de vendre des licences (frand), et bien plus précis : un brevet protège un système entier dont un élément seul peut ne pas compter alors qu'un droit d'auteur permet parfois d'attaquer pour quelques notes ou quelques phrases).
Je sais bien qu'il y a beaucoup de différences dans la vraie vie entre les artistes et les ingénieurs/sociétés concernés, que les différences que j'ai citées sont parfois justifiables, et que les modèles économiques qui vont avec ne sont pas les mêmes. Mais il n'en reste pas moins une différence de traitement indéniable, à l'avantage des auteurs/artistes, qui bénéficient de droits très intéressants ... Soyons honnêtes, plus que pour les différences concrètes, surtout à cause de la proximité historique entre les milieux politiques et artistiques (+ depuis le 20e siècle la puissance des lobbys associés) et ce depuis l'époque où l'artiste travaillait presque toujours avec le mécène.