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C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition - 2010-2021

Pour discuter de tous les sujets généraux autour de la bande dessinée, des libraires, des éditeurs et des auteurs

Re: C'est la crise ?

Messagede Lapin Moutarde » 10/06/2018 18:45

Message précédent :
yannzeman a écrit:
Il est possible que les auteurs qui gagnent très bien leur vie dans le système actuel se retrouvent à gagner moins dans un système basé sur le salariat.


J'ai du mal à voir comment.
Les auteurs qui gagnent très bien leur vie, n'accepteront jamais d'être salarié d'un éditeur.
imagine la dégringolade des revenus !
Et puis réciproquement, les éditeurs n'accepteront jamais de salarier des gens pendant un an qui vont faire un album qui va se vendre à 100 exemplaires voire moins (ce qui est monnaie courante aujourd'hui) ce ne serait pas rentable du tout.
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Re: C'est la crise ?

Messagede yannzeman » 13/06/2018 06:38

Jeff70 a écrit:Bref, tu voudrais transformer les auteurs en fonctionnaires ?

Beau programme... :lol:


Ah bon ?
Parce que tous les salariés du privé sont des fonctionnaires ???
ça c'est un scoop... :-D

Pouffy a écrit:
yannzeman a écrit:(oui, je suis pour un système plus égalitaire)


équitable


Oui, c'est le terme plus conforme à ce que je voulais dire.
Dans "égalité", il y a la notion de "gagner tous le même salaire", alors que je voulais plutôt parler de "revenu équitablement réparti entre les salariés, chacun gagnant selon son apport à l'entreprise mais sans disproportion entre les plus gros revenus et les plus bas revenus".

Cela semble choquer certains, ici.
C'est pourtant comme ça que cela fonctionne dans bon nombre de collectivités et dans certaines entreprises, sans que cela ne pose de problème.


Lapin Moutarde a écrit:
Les auteurs qui gagnent très bien leur vie, n'accepteront jamais d'être salarié d'un éditeur.
imagine la dégringolade des revenus !
Et puis réciproquement, les éditeurs n'accepteront jamais de salarier des gens pendant un an qui vont faire un album qui va se vendre à 100 exemplaires voire moins (ce qui est monnaie courante aujourd'hui) ce ne serait pas rentable du tout.



C'est vrai que cela pourrait freiner des auteurs qui gagnent actuellement très bien leur vie ; mais combien sont-ils ?
Et gagnent-ils si bien leur vie que cela ?
Avez-vous des chiffres à ce sujet ?
Est-ce que la bascule vers le salariat leur ferait perdre tant que cela en revenu ?
(sachant qu'au fixe s'ajouterait un variable en fonction des ventes)

Quand aux auteurs qui vendent actuellement 100 exemplaires d'une BD, est-ce vraiment raisonnable de les publier ?
On est dans l'édition à compte d'auteur, là !
Donc ce n'est déjà pas rentable ; pourquoi maintenir une situation qui n'est déjà pas rentable ?

Ma réflexion cherche à stabiliser la situation des auteurs "du ventre mou", ceux qui sont bons mais qui ne parviennent pas à vivre décemment de leur art.
Leurs albums sont noyés dans la masse des albums qui sortent chaque semaine.

Limiter la surproduction en limitant le nombre de projet et en salariant les auteurs, pour leur apporter stabilité, tranquillité d'esprit et revenus réguliers, est-ce si invraisemblable que cela ?
A lire les réactions de certains, j'ai l'impression que le salariat est un système étrange et qui ne s'applique pas au monde de l'entreprise.
Les oeuvres de l'esprit sont un commerce comme les autres ; et les auteurs des êtres humains qui ont droit, eux aussi, à la protection dont bénéficie des millions de salariés.

si certains auteurs n'en veulent pas, ils peuvent demander à bénéficier d'un autre statut, non-salarié, comme dans tout commerce.
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Re: C'est la crise ?

Messagede alambix » 13/06/2018 07:29

Lapin Moutarde a écrit:Et puis réciproquement, les éditeurs n'accepteront jamais de salarier des gens pendant un an qui vont faire un album qui va se vendre à 100 exemplaires voire moins (ce qui est monnaie courante aujourd'hui) ce ne serait pas rentable du tout.


Ta réflexion est un contre-pied total au thème de ce topic.
Si ce qui est "monnaie courante" aujourd'hui c'est les auteurs qui font 1 album par an et en vendent 100 exemplaires, alors pour eux le problème c'est pas la crise, c'est le manque de talent.
Et là, faut clairement songer à une reconversion professionnelle pour résoudre le problème de "leur" crise :siffle:

Je suis cash, mais bon on ne peut pas vouloir à tout prix garantir aux auteurs les mêmes garanties qu'aux salariés traditionnels, et d'un autre côté rejeter sans même l'étudier l'idée de Yann qui va dans ce sens.

Après tout il a raison.
Pour avoir les garanties d'un salarié, il suffit juste ... d'être salarié !
Bénéficier d'une liberté, de s'affranchir des contraintes du salariat tout en bénéficiant des avantages du statut de salarié, c'est un non sens.
Comme on dit trivialement, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

J'avais fait un parallèle avec le statut de micro-entrepreneur. C'est la même chose. Celui qui devient patron ne subit plus les contraintes du salariat, mais n'en a plus non-plus les garanties.

Perso, ton idée yannzeman, je vote pour.
Les petits auteurs qui galèrent actuellement gagnent un statut, un salaire fixe et les garanties du salariat. Fini la crise.
Les gros auteurs (mais qui apparemment sont minoritaires) peuvent rester indépendants s'ils y trouvent leur avantage.
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Re: C'est la crise ?

Messagede Blackfrag » 13/06/2018 23:38

Y'a jamais un Auteur qui donne son avis ici sur la question ou ont est plus censés qu'eux à savoir ce qui doit gérer leur gagne pain ... :siffle: par là j'entends dire que si les auteurs ne viennent pas en parler c'est que tout ça tient de la sphère privé et qu'au final tu peux baragouinner sur 500 pages que ça ne changera pas le système qui est à défendre par la profession elle même. C'est un peu comme si on allait manifester a chaque fois avec les agriculteurs quand ils font grève; es-ce qu'on le fait ? non , et pourtant on bouffe tout les jours ce qu'ils produisent j'ai l'impression que là c'est un peu pareil, on veux se mêler d'un sujet en tant que lecteur ou collectionneur qui nous regarde en fait pas plus que cela c'était juste mon point de vue.
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Re: C'est la crise ?

Messagede alambix » 14/06/2018 07:47

Blackfrag a écrit:Y'a jamais un Auteur qui donne son avis ici sur la question ou ont est plus censés qu'eux à savoir ce qui doit gérer leur gagne pain ... :siffle: par là j'entends dire que si les auteurs ne viennent pas en parler c'est que tout ça tient de la sphère privé et qu'au final tu peux baragouinner sur 500 pages que ça ne changera pas le système qui est à défendre par la profession elle même. C'est un peu comme si on allait manifester a chaque fois avec les agriculteurs quand ils font grève; es-ce qu'on le fait ? non , et pourtant on bouffe tout les jours ce qu'ils produisent j'ai l'impression que là c'est un peu pareil, on veux se mêler d'un sujet en tant que lecteur ou collectionneur qui nous regarde en fait pas plus que cela c'était juste mon point de vue.


:ok: C'est exactement ce que je disais plusieurs pages + haut.
Les auteurs ont bien de la chance que des gens qui finalement n'y connaissent pas grand chose, se décarcassent autant pour eux ...
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Re: C'est la crise ?

Messagede Jeff70 » 14/06/2018 09:15

Le système des auteurs de BD salariés a existé par le passé, lorsque les hebdos de BD (Tintin, Spirou, Pif,...) se vendaient bien et avaient de nombreux abonnés.

Les inconvénients du système sont bien connus: seuls les auteurs salariés par les grands hebdos spécialisés pouvaient gagner décemment leur vie avec la BD.

Les principaux auteurs du journal de Tintin et de Spirou étaient en pratique propriétaires de leurs pages dans le journal.
Ils pouvaient bloquer toute évolution et barrer la route aux nouveaux venus.
D'ailleurs, lorsqu'il est devenu rédacteur en chef du journal de Tintin, Greg ne s'est pas gêné pour dénoncer la "fonctionnarisation" de la profession au profit de quelques uns ( et au détriment des jeunes auteurs qui aspiraient à gagner leur vie avec la BD).
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Re: C'est la crise ?

Messagede yannzeman » 14/06/2018 09:21

alambix a écrit:
Blackfrag a écrit:Y'a jamais un Auteur qui donne son avis ici sur la question ou ont est plus censés qu'eux à savoir ce qui doit gérer leur gagne pain ... :siffle: par là j'entends dire que si les auteurs ne viennent pas en parler c'est que tout ça tient de la sphère privé et qu'au final tu peux baragouinner sur 500 pages que ça ne changera pas le système qui est à défendre par la profession elle même. C'est un peu comme si on allait manifester a chaque fois avec les agriculteurs quand ils font grève; es-ce qu'on le fait ? non , et pourtant on bouffe tout les jours ce qu'ils produisent j'ai l'impression que là c'est un peu pareil, on veux se mêler d'un sujet en tant que lecteur ou collectionneur qui nous regarde en fait pas plus que cela c'était juste mon point de vue.


:ok: C'est exactement ce que je disais plusieurs pages + haut.
Les auteurs ont bien de la chance que des gens qui finalement n'y connaissent pas grand chose, se décarcassent autant pour eux ...


C'est vrai que les auteurs s'expriment peu sur le sujet.

A mon avis, la raison en est simple :
ils mettraient en péril leur situation, si ils révélaient leurs conditions de travail.
De la même façon que je ne peux pas m'exprimer sur mon travail, étant sous le joug de plusieurs obligations (de discrétion professionnelle et de réserve professionnelle notamment).

Cela ne relève pas de la sphère privée, mais des conditions contractuelles entre les différentes parties d'un projet de BD. Et cela relèverait du droit du travail, si les auteurs accédaient au statut de salarié.

L'analogie avec les agriculteurs n'est pas très juste, à mon avis :
D'abord, qui manifeste pour une cause qui n'est pas la sienne ? Quand les cheminots défilent, qui défile mais qui n'est pas cheminot ? Vous, peut-être ? Je ne crois pas. Personne, en général, ne se soucie du sort des autres.
Mais surtout, le défilé et la grève sont des moyens du 19ième siècle, et nous sommes au 21ème siècle.
Il faut donc trouver de nouveaux moyens de pression. C'est vrai dans tous les secteurs (regardez l'échec prévisible de l'action des cheminots ; ils auront fait grève, auront perdu beaucoup en salaire, mais au final, le projet du gouvernement passera, hélas).

Et justement, si vous vous ne faites rien pour les agriculteurs, il y a des gens (dont je fais parti) qui font ce qu'ils peuvent pour soutenir les agriculteurs. Mais pas par la grève ou la manifestation.
Par leurs achats.
En achetant local, en privilégiant la qualité au détriment du prix le plus bas, en achetant bio français (et pas le bio bidon espagnol ou du reste de la planète), en achetant sans pesticide, en achetant des produits non transformés, ou transformés à la ferme, en rejetant les plats déjà préparés, etc...

Dans la BD, et puisque des auteurs se mobilisent pour dénoncer, malgré tout, leurs conditions de travail et/ou les projets assassins du gouvernement (sur la CSG, on a vu des auteurs se mobiliser, non ? avec un relais sur ce forum), et bien j'ai envie de participer, à mon modeste niveau, à la sauvegarde d'un divertissement en péril.

Ou du moins que je perçois en péril.
Avec des auteurs fragilisés dans leur quotidien, sous-payés, obligés de trouver un travail alimentaire et de bosser les soirs et les jours de repos sur leur BD, mis en compétition impitoyablement par des éditeurs financiers.
Mes achats ciblés cherchent à valoriser les auteurs de qualités, mais si ils renoncent à faire de la BD, je serai finalement pénalisé autant qu'eux.

La défense du statut des auteurs est donc quelque chose qui regarde aussi les lecteurs.
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Re: C'est la crise ?

Messagede Brian Addav » 14/06/2018 09:31

les auteurs se sont exprimés, plus d'une fois, dans ces pages.

Et pour ceux qui ont la flemme:
http://www.etatsgenerauxbd.org/etat-des-lieux/enquete-auteurs/
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Re: C'est la crise ?

Messagede yannzeman » 14/06/2018 09:34

Jeff70 a écrit:Le système des auteurs de BD salariés a existé par le passé, lorsque les hebdos de BD (Tintin, Spirou, Pif,...) se vendaient bien et avaient de nombreux abonnés.

Les inconvénients du système sont bien connus: seuls les auteurs salariés par les grands hebdos spécialisés pouvaient gagner décemment leur vie avec la BD.

Les principaux auteurs du journal de Tintin et de Spirou étaient en pratique propriétaires de leurs pages dans le journal.
Ils pouvaient bloquer toute évolution et barrer la route aux nouveaux venus.
D'ailleurs, lorsqu'il est devenu rédacteur en chef du journal de Tintin, Greg ne s'est pas gêné pour dénoncer la "fonctionnarisation" de la profession au profit de quelques uns ( et au détriment des jeunes auteurs qui aspiraient à gagner leur vie avec la BD).


Mais ces auteurs gagnaient bien leur vie, pouvaient s'acheter une maison et ne vivre que de la BD.
Le nombre d'auteurs de BD était aussi régulé par ce système, et ce que cela a produit représente l'age d'or de la BD.

Et j'ai du mal à croire que cela barrait la route aux jeunes auteurs.
simplement les jeunes auteurs étaient d'abord assistants des auteurs confirmés, apprenaient ainsi leur métier dans de bonnes conditions, sans avoir besoin de faire une école couteuse.

ils étaient aussi utilisés par les journaux Tintin et Spirou sur des projets courts type "les belles histoires de l'oncle paul" chez Spirou ou son équivalent chez Tintin, pour leur permettre de s’aguerrir.
Et quand ils se sentaient prêt, ils proposaient leur projet de BD au journal, qui l'acceptait ou pas. Les retours des lecteurs faisaient le tri entre ce qui plaisait et ce qui ne plaisait pas.

Je ne vois pas en quoi cela barrait la route aux plus jeunes. C'est le parcours de Jean Graton, par exemple.

Et si c'est pour se retrouver avec des projets mal foutus, mal écrits, mal dessinés, et qui ne plaisent pas au public, je préfère que les jeunes auteurs prennent le temps d'apprendre.
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Re: C'est la crise ?

Messagede yannzeman » 14/06/2018 09:41

Brian Addav a écrit:les auteurs se sont exprimés, plus d'une fois, dans ces pages.



Sur l'éventualité du salariat aussi ?

(J'ai la flemme de relire toutes les pages du topic...) :oops:

J'ai regardé rapidement le contenu du lien que vous fournissez, sur les états-généraux de la BD, et cela n'indique pas ce que voudraient les auteurs.
C'est juste un état des lieux de leur situation en 2015 (et à mon avis, cela a encore changé, avec l'explosion du numérique ; personnellement, je ne lisais aucune BD numérique il y a 3 ans).
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Re: C'est la crise ?

Messagede Jeff70 » 14/06/2018 11:32

Le salariat se justifiait dans le cas des hebdos de BD de "l'âge d'or".

En effet, ces journaux étaient confrontés à des contraintes éditoriales bien précises: ils devaient sortir un nouveau numéro chaque semaine, et ne pouvaient donc pas se reposer uniquement sur des pigistes qui auraient pu les "lâcher" à tout moment.
D'où l'idée de salarier leurs principaux auteurs.

Mais ces journaux ont aujourd'hui disparu, et il n'est guère réaliste d'imaginer que les éditeurs puissent salarier des auteurs.
En effet, le métier de l'éditeur consiste à choisir, parmi les oeuvres achevées qui lui sont soumises, celles qui méritent d'être publiées. Il doit donc conserver une totale liberté de décision éditoriale.

D'ailleurs, à ma connaissance, même dans les domaines éditoriaux très répétitifs, et dans lesquels il faut produire en permanence pour alimenter le marché ( le polar, par exemple), les éditeurs ne salarient pas les auteurs.

En dehors de ça, je suis d'accord avec toi ( yannzeman) sur le fait que le système de cooptation et de formation des nouveaux par les anciens en vigueur à l'époque dont nous parlons avait ses vertus...
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Re: C'est la crise ?

Messagede vacom » 14/06/2018 11:45

Et puis surtout, ça va à l'encontre d'une tendance générale sur le marché du travail où les boîtes veulent de plus en plus externaliser pour payer au projet, et pas sur la durée (et pas les charges, surtout).

Personnellement, je ne suis pas auteur, mais je suis traducteur indépendant, et je peux vous assurer qu'on retrouve le même phénomène : des traducteurs qui traduisent seuls de leur côté et des clients qui viennent les chercher pour tel ou tel projet, payés au mot, puis quand y a plus de boulot, y a plus rien à payer. Tout benef' pour le client.
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Re: C'est la crise ?

Messagede yannzeman » 14/06/2018 11:51

Jeff70 a écrit:Le salariat se justifiait dans le cas des hebdos de BD de "l'âge d'or".

En effet, ces journaux étaient confrontés à des contraintes éditoriales bien précises: ils devaient sortir un nouveau numéro chaque semaine, et ne pouvaient donc pas se reposer uniquement sur des pigistes qui auraient pu les "lâcher" à tout moment.
D'où l'idée de salarier leurs principaux auteurs.

Mais ces journaux ont aujourd'hui disparu, et il n'est guère réaliste d'imaginer que les éditeurs puissent salarier des auteurs.
En effet, le métier de l'éditeur consiste à choisir, parmi les oeuvres achevées qui lui sont soumises, celles qui méritent d'être publiées. Il doit donc conserver une totale liberté de décision éditoriale.

D'ailleurs, à ma connaissance, même dans les domaines éditoriaux très répétitifs, et dans lesquels il faut produire en permanence pour alimenter le marché ( le polar, par exemple), les éditeurs ne salarient pas les auteurs.

En dehors de ça, je suis d'accord avec toi ( yannzeman) sur le fait que le système de cooptation et de formation des nouveaux par les anciens en vigueur à l'époque dont nous parlons avait ses vertus...


Oui oui, je comprend que le contexte a changé et que les intérêts des éditeurs ne sont pas forcément ceux des auteurs, qui plus est.

Je milite simplement pour une limitation de la surproduction, un meilleur statut pour les auteurs, un retour vers une offre BD plus populaire (en tarifs, en contenu).
Je suis persuadé que ces choix stratégiques permettraient un retour sur investissement plus intéressant et plus pérenne pour les éditeurs, et une situation "gagnant - gagnant" dans les rapports éditeurs/auteurs.

Maintenant, c'est vrai que je ne suis pas du métier, et qu'il y a certainement des blocages qui font qu'une solution, aussi séduisante soit-elle, ne trouve pas forcément l'écho qu'elle mérite, ou qu'elle a déjà été envisagée et rejetée.
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Re: C'est la crise ?

Messagede yannzeman » 14/06/2018 12:02

vacom a écrit:Et puis surtout, ça va à l'encontre d'une tendance générale sur le marché du travail où les boîtes veulent de plus en plus externaliser pour payer au projet, et pas sur la durée (et pas les charges, surtout).

Personnellement, je ne suis pas auteur, mais je suis traducteur indépendant, et je peux vous assurer qu'on retrouve le même phénomène : des traducteurs qui traduisent seuls de leur côté et des clients qui viennent les chercher pour tel ou tel projet, payés au mot, puis quand y a plus de boulot, y a plus rien à payer. Tout benef' pour le client.


Votre situation est différente de celles des auteurs de BD, dans le sens où la notion de liberté éditoriale vous est étrangère, et surtout vous ne connaissez pas les droits d'auteur.

Sinon, effectivement, comme dans tous les milieux professionnels, l'externalisation est à la mode (malheureusement), et elle tend à diminuer les protections des travailleurs, qu'ils soient salariés (comme dans la fonction publique, où on externalise certaines fonctions assurées jusque là par des fonctionnaires protégés par leur statut, vers le privé ; ou dans le privé, où, comme vous l'avez bien expliqué, l'entreprise pousse à se passer de salariés pour faire appel à des indépendants, avec l'exemple Uber).

Mais justement, face à un développement croissant de la précarisation des emplois, on assistera peut-être (pas sur, hélas) à une renaissance du travail salarié ?
Quand les gens vont commencer à mesurer dans quelle merdier ils se sont mis à accepter des emplois type Uber (cad sans protection sociale contre la maladie, par exemple, ou en limitant ses congés, etc...).
A eux, alors, de refuser ce type d'emploi ; sans travailleur, le travail précaire pourrait reculer (oui, belle parole, mais qui résistera mal à la réalité, je le sais, et ça explique aussi pourquoi nos gouvernants ne font rien contre l'immigration, cette armée de travailleurs en puissance).
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Re: C'est la crise ?

Messagede vacom » 14/06/2018 12:39

yannzeman a écrit:Mais justement, face à un développement croissant de la précarisation des emplois, on assistera peut-être (pas sur, hélas) à une renaissance du travail salarié ?


Je pense que ça passera davantage par une revalorisation du statut des indépendants et par une meilleure protection sociale pour les indépendants. Parce que le travail salarié, il fait rêver avec tous les avantages qu'il procure, mais ça ne m'a pas empêché de démissionner d'une très bonne place et de refuser un CDI d'un autre employeur dans la foulée. Quand je regarde autour de moi, je vois plein de gens qui ont plein de projets, et qui auraient juste besoin d'un coup de pouce (ou simplement d'un encadrement juridique un rien plus favorable) pour se lancer. Je pense que c'est ça, l'avenir, pas le retour à une situation dominée par le travail salarié.

Je discutais il y a peu avec ma libraire. Elle me disait gagner à peine plus de 1000 euros en net. Vu qu'elle a épousé un de ses collègues, j'imagine qu'ils gagnent à deux à peine plus de 2000 euros en net. Une misère, donc. Qu'est-ce qui empêche cette personne de monter sa propre librairie plutôt que de travailler au rabais pour une chaîne ? Il y a un risque, bien sûr, mais là elle se contente d'une situation relativement précaire (aujourd'hui, même avec un CDI en poche, on risque à tout moment d'être foutu à la porte, on a juste droit à un petit préavis) pour un salaire de misère. Et sans aucune liberté dans la façon de bosser.

Si on prend mon cas, c'est vrai que je ne connais pas les droits d'auteurs, mais au niveau de la liberté éditoriale, ce n'est pas vrai. Rien ne m'empêche d'orienter mon affaire vers tel ou tel domaine, rien que mes langues de travail me spécialisent par nature, j'ai une expérience spécifique à faire valoir, libre à moi de refuser de faire telle ou telle traduction, de m'associer avec d'autres personnes, bref de développer mon business comme je l'entends. Et franchement, à mes yeux, ça vaut tous les avantages du monde. Je suis sûr que n'importe quel auteur dira la même chose. Pour ma part, j'en ai fini avec le salariat, et je ne pense pas me tromper en disant que la majeure partie des indépendants pensent comme moi.
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Re: C'est la crise ?

Messagede Lapin Moutarde » 16/06/2018 11:32

alambix a écrit:
Lapin Moutarde a écrit:Et puis réciproquement, les éditeurs n'accepteront jamais de salarier des gens pendant un an qui vont faire un album qui va se vendre à 100 exemplaires voire moins (ce qui est monnaie courante aujourd'hui) ce ne serait pas rentable du tout.


Ta réflexion est un contre-pied total au thème de ce topic.
Si ce qui est "monnaie courante" aujourd'hui c'est les auteurs qui font 1 album par an et en vendent 100 exemplaires, alors pour eux le problème c'est pas la crise, c'est le manque de talent.
Et là, faut clairement songer à une reconversion professionnelle pour résoudre le problème de "leur" crise :siffle:

Je suis cash, mais bon on ne peut pas vouloir à tout prix garantir aux auteurs les mêmes garanties qu'aux salariés traditionnels, et d'un autre côté rejeter sans même l'étudier l'idée de Yann qui va dans ce sens.

non c'est totalement faux, c'est pas parce qu'un album ne s'est pas vendu que les auteurs manquent de talent !
C'est une réflexion des plus simplistes.
S'il fallait faire des beaux dessins pour que ça se vende, tu penses bien que t'aurais pas autant d'indigents dans la Bd.

Les raisons sont autrement plus complexes, l'album n'a juste pas trouvé son public, les auteurs ne sont pas connus, l'éditeur n'a pas pris la peine de bien faire connaitre l'album et ses auteurs, l'histoire ne correspond peut-être plus à la tendance du moment, et du coup l'album s'est retrouvé noyé dans toute la production.
On voit bien qu'aujourd'hui la tendance n'est plus trop par exemple à raconter tout ce qui touche à la 2nd guerre mondiale, la tendance en Bd serait aujourd'hui des intrigues qui se passent dans le monde des vignobles ou de la restauration ( on en a des tonnes de séries comme ça, avec une qualité, très inégale)

Je continue de penser que le salariat, n'est pas la solution.
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Re: C'est la crise ?

Messagede nexus4 » 18/06/2018 15:04

42 auteurs interpellent le gouvernement sur leur statut social
http://www.livreshebdo.fr/article/42-au ... tut-social
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Re: C'est la crise ?

Messagede Gurvan » 18/06/2018 15:22

42 ? C'est en rapport avec une certaine référence ?? :lol:

Parce que sinon, vu les effets obtenus par les cheminots, il est certain que le gouvernement tremble, là...
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Re: C'est la crise ?

Messagede Jeff70 » 18/06/2018 15:33

D'autant plus que la France ne parait guère menacée par une pénurie d'auteurs...
En France, quiconque sait à peu près écrire en français rêve de se faire publier... :lol:
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Re: C'est la crise ?

Messagede tzynn » 18/06/2018 15:37

nexus4 a écrit:42 auteurs interpellent le gouvernement sur leur statut social
http://www.livreshebdo.fr/article/42-au ... tut-social


En France, il y avait en 2015 101600 auteurs français rémunérés en France (données CNL, BnF et Ministère de la culture), dont 65000 ont publié cette année là au moins un livre. Le nombre d'auteurs en France est d'ailleurs en croissance d'environ 10% par an depuis 30 ans.

Peut-on dire que ces 42 auteurs représentent 0,04% des auteurs français? Peut-on s'attendre à ce que les 99,96% qui n'ont pas signé sont du même avis ou ont un avis différent? :D Plus sérieusement, c'est quand même con de n'avoir que 42 signatures vu le nombre d'auteurs existants, même si plusieurs des signataires sont de très gros vendeurs (qui doivent d'ailleurs vivre très confortablement).
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Re: C'est la crise ?

Messagede yannzeman » 18/06/2018 15:46

Dans les 42 signataires, il n'y a que deux auteurs de BD, il me semble (Enki Bilal et Pénélope Bagieu).

C'est peu. :shock:

alors soit le monde de la BD va bien (on sait que ce n'est pas le cas), soit ils s'en foutent (ce n'est pas le cas non plus), ou alors ils ne représentent rien aux yeux des autres signataires et n'ont aucun poids dans le monde de l'édition... [:bru:3]
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