Le problème est effectivement la rentabilité de l'opération pour l'ensemble de la filière. Par exemple, les auteurs se sont plaints par le passé de la rémunération qui leur était accordée sur les ventes des versions numériques de leurs livres (versions vendues à prix inférieur), ce qui leur occasionnait une forte diminution de leur revenu, à ventes égales.
Le jeu de la distribution-diffusion et la disparition des coûts de fabrication faisait que l'éditeur, dans la même situation, s'en sortait beaucoup mieux.
(pour ceux que ça intéresserait, j'avais fait le calcul il y a quelques temps, c'est ici -- avec un tableau à la limite du lisible, la faute à un changement de CMS, désolé)Souvenez-vous: les auteurs sont rémunérés en pourcentage du prix hors-taxe. Donc divisez le prix par 3, et vous divisez le revenu de l'auteur par trois également... pour rester à revenu égal, il lui faudrait donc multiplier ses ventes par 3. Et c'est là que le bât blesse.
Parce qu'on se heurte à un truc qui s'appelle l'élasticité des prix. En gros, ça signifie que les ventes additionnelles sont plus ou moins corrélées à la baisse de prix. Par exemple, je vends mon burger 5% moins cher, et hop, je gagne 10% de ventes, parce que les gens ont super envie de manger mon super burger. Et là, l'opération est forcément intéressante pour moi (pour les consommateurs aussi, cela étant).
Le problème, c'est que ça ne marche pas toujours. Il y a des produits pour lesquels cela ne marche pas du tout: les produits de luxe, par exemple, voient même parfois des phénomènes inverses (on augmente le prix, la demande augmente). Le cas Vuitton au Japon en est un bon exemple. Et puis il y a des produits pour lesquels les ventes additionnelles sont très loin de compenser le manque à gagner dû à la baisse de prix -- tout simplement parce que la demande n'est pas là, et que les principaux facteurs limitant les ventes n'ont rien à voir avec le prix.
(en fait, c'est un peu le sujet sur lequel on s'écharpe depuis deux semaines, donc je ne suis pas certain que ma démonstration convaincra ceux qui soutiennent mordicus que le prix est le seul facteur important dans l'acte d'achat)Par exemple, l'immense Stéphane Blanquet produit des trucs absolument incroyables avec sa structure,
United Dead Artists. On y trouve par exemple sa série de grands formats collectifs, format tabloid (donc journal, 16 pages il me semble) vendus autour de 5€, ce qui n'est pas énorme. Mais vu les auteurs qui s'y trouvent, le fait que ce sont des collectifs, que ce sont plus des recueils de dessins, rien ne dit qu'il en vendrait plus s'il baissait le prix à 4€ ou 3€. D'ailleurs, il est très possible que de passer à 6€ ou 7€ n'impacterait pas plus ses ventes. Là, on est clairement sur un titre qui vise un public particulier, du fait de ses spécificités intrinsèques, et qui voit donc ses ventes limitées par des facteurs qui n'ont rien à voir avec le prix.
Ce que je veux illustrer, avec cet exemple extrême, c'est que ce qui peut marcher lorsque Dupuis fait une opération en utilisant ses titres les plus grand-public, ne marchera probablement pas avec le reste de la production. Oui, il est peut-être possible de grappiller quelques ventes d'Astérix ou de Titeuf supplémentaires avec du format souple, mais c'est marginal. Alors que rien n'est moins sûr pour le reste de la production, dont la rentabilité aujourd'hui est déjà fragile...