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C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition - 2010-2021

Pour discuter de tous les sujets généraux autour de la bande dessinée, des libraires, des éditeurs et des auteurs

Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede cedd79 » 12/08/2021 14:57

Message précédent :
Je pensais plutôt au niveau de la filière toute entière : auteur + éditeur + distributeur + diffuseur + libraire, mais au niveau d'un seule série, hein ! :D

Mais d'autres bien plus calés que moi sur la question l'on déjà évoqué mille fois. Je ne dis rien de nouveau.

Complètement d'accord avec toi sur le fait que les syndicats ont toute leur place dans ces négociations qui me semblent... Compliquées...
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Messagede Erik Arnoux » 12/08/2021 16:19

Un syndicat dans un métier d'individualiste par essence même, c'est peine perdue. Comme politiser le sujet. Grand bien leur fasse, mais tzynn a raison dans toute sa réponse ci-dessus..,
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede tzynn » 12/08/2021 16:24

Globalement la répartition c’est (à qlq % près)
10% pour les auteurs
10% pour la fabrication
30% pour le libraire
6% pour l’état
22% pour l’éditeur
22% pour le distributeur qui reprend distributeur / diffuseur

Là dedans l’éditeur et les auteurs sont ceux qui prennent les risques: le premier de ne pas toucher assez, le second sur l’avance si elle n’est pas remboursée, le marketing et sur les retours. Le libraire a moins de risques sauf les comptes fermes, mais a aussi moins de revenus potentiels puisqu’il est limité à son point de vente physique. La vente virtuel étant plus simple. Finalement là où il y a le moins de risque et le plus de marge c’est le distributeur qui est juste un hub logistique et la vente virtuelle. C’est là qu’il faut aller chercher.

Je lis souvent que c’est les auteurs vs les éditeurs qui se gavent mais des éditeurs qui meurent c’est monnaie courante, comme quoi ça doit pas être si simple. Et puis si ça l’était, tout le monde serait éditeur.

Après comme je le disais, on peut passer à 15, 20 ou même 40% de droits, un auteur qui ne vend pas n’en vivra pas et il ne faut pas laisser croire le contraire comme un miroir aux alouettes qu’on peut parfois lire.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede cedd79 » 12/08/2021 16:28

tzynn a écrit:Globalement la répartition c’est (à qlq % près)
10% pour les auteurs
10% pour la fabrication
30% pour le libraire
6% pour l’état
22% pour l’éditeur
22% pour le distributeur qui reprend distributeur / diffuseur

Là dedans l’éditeur et les auteurs sont ceux qui prennent les risques: le premier de ne pas toucher assez, le second sur l’avance si elle n’est pas remboursée, le marketing et sur les retours. Le libraire a moins de risques sauf les comptes fermes, mais a aussi moins de revenus potentiels puisqu’il est limité à son point de vente physique. La vente virtuel étant plus simple. Finalement là où il y a le moins de risque et le plus de marge c’est le distributeur qui est juste un hub logistique et la vente virtuelle. C’est là qu’il faut aller chercher.

Après comme je le disais, on peut passer à 15, 20 ou même 40% de droits, un auteur qui ne vend pas n’en vivra pas et il ne faut pas laisser croire le contraire comme un miroir aux alouettes qu’on peut parfois lire.


Quand tu dis 10% pour l'auteur, tu parles brut ou net ?
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede tzynn » 12/08/2021 16:32

Sur la répartition du prix du bouquin. Après les questions de brut, net, taux d’imposition dépendent de la situation de chacun.
Un auteur en Belgique, s’il est malin, paie qlq % d’impôts sur ses revenus, et avec les exonérations peut frôler le 0% par exemple.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede cedd79 » 12/08/2021 16:33

Je pensais plutôt aux cotisations sociales de l'URSSAF Limousin et de l'IRCEC. L’imposition, c'est autre chose, puisque pour payer des impôts, il faut déjà atteindre un certain montant de revenus.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede tzynn » 12/08/2021 16:38

cedd79 a écrit:Je pensais plutôt aux cotisations sociales de l'URSSAF Limousin et de l'IRCEC. L’imposition, c'est autre chose, puisque pour payer des impôts, il faut déjà atteindre un certain montant de revenus.


J’englobe le tout. En Belgique, tu peux approcher de quelques centaines d’euros tout compris de cotisations et impôts en tant qu’auteur si tu sais comment faire. En France probablement moins.

Après les auteurs de Mortele Adèle qui vendent 6 à 8 millions de bouquins ne sont probablement pas à plaindre. Même s’ils ne touchent que 10% du prix du bouquin il doit y avoir moyen de vivre. A côté de ça j’ai croisé un auteur (mais de romans) qui lui vendait 50 exemplaires de ses bouquins qd il en écrivait un nouveau et il était content. On peut le tourner dans tous les sens, il n’a aucune chance d’en vivre sauf à compter sur la générosité de ceux qui ont bien vendus. Mais si les auteurs prennent des risques, c’est bien pour avoir un bon retour en cas de succès, pas juste pour supporter les non-succès des autres
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede cedd79 » 12/08/2021 16:47

En France, c'est le diffuseur (l'éditeur pour les livres, le producteur pour les films) qui s'occupe de précompter (c'est à dire retenir) les cotisations sociale sur les droits touchés.

Ces droits sont reversés aux différents organismes sociaux. Ils sont de l'ordre de 16 à 17% pour ce qui est de la sécurité sociale en tant que telle (maladie, invalidité, précarité, maternité, retraite de base, etc.) et 4 à 8% pour la retraite complémentaire, sachant qu'en-dessous d'un certain seuil de revenus, cette cotisation retraire n'est pas due.

La bonne chose, c'est que depuis la réforme de la sécurité sociale des auteurs, ceux-ci sont protégés dès le premier euro de droits perçus. Ils ont aussi maintenant la possibilité de s'auto-éditer à compte d'auteur (à la condition de créer une entreprise individuelle) ; ce qui n'était pas possible avant.

C'est vrai que dans ma réflexion, je ne pensais pas forcément à l'auteur qui vend 50 exemplaires. Mais pour le coup, pour moi, cela revient au même pour un entrepreneur qui n'a pas de client. On n'est plus sur une question de succès, mais simplement pérennité pragmatique de l'activité professionnelle.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede klorophylle 34 » 12/08/2021 17:02

Au final il va falloir se rendre compte d'un truc, le schéma est simple:

-Une pléiade de sorties dont chacun ou chacune aimerait bien en vivre (démarche légitime) sauf que comme beaucoup de corps de métiers il y a les cartons, les succès d'estime, les inaperçus et les grosses daubes (oui c'est bien de parler parité ou revenu décent, mais tout le monde n'y aura pas accès au vu de sa production).
Sauf qu'un autre gros hic, beaucoup d'auteurs pensent à tort mériter d'en vivre alors que leurs travaux ne sont pas et loin de là des succès autant commerciaux que qualificatifs.
-Ensuite quand tu revendique un truc aussi juste soit'il, il faudrait une solidarité, or comme le dit Tzynn dans ce milieu hormis ceux qui galèrent qui sont unis (et encore), les autres hormis en parler ne bougeront pas!.

Tu surproduit donc forcément tu laisse une armada de personnes sur la route, est ce choquant, ben c'est comme beaucoup de métiers, soit tu t'impose, soit tu coule et passe à autre chose (et qu'on arrête avec "mais c'est ma passion", ou "je ne sais faire que ça").
Si chacun devait vivre de sa passion ça se saurait depuis longtemps.

Tu vend 300 albums, ben quelque soit la raison, songe à envisager l'hypothèse que tu vivra ne pas de la BD.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede Xavier Guilbert » 12/08/2021 17:19

tzynn a écrit:Globalement la répartition c’est (à qlq % près)
10% pour les auteurs
10% pour la fabrication
30% pour le libraire
6% pour l’état
22% pour l’éditeur
22% pour le distributeur qui reprend distributeur / diffuseur

Là dedans l’éditeur et les auteurs sont ceux qui prennent les risques: le premier de ne pas toucher assez, le second sur l’avance si elle n’est pas remboursée, le marketing et sur les retours. Le libraire a moins de risques sauf les comptes fermes, mais a aussi moins de revenus potentiels puisqu’il est limité à son point de vente physique. La vente virtuel étant plus simple. Finalement là où il y a le moins de risque et le plus de marge c’est le distributeur qui est juste un hub logistique et la vente virtuelle. C’est là qu’il faut aller chercher.

Je lis souvent que c’est les auteurs vs les éditeurs qui se gavent mais des éditeurs qui meurent c’est monnaie courante, comme quoi ça doit pas être si simple. Et puis si ça l’était, tout le monde serait éditeur.


J'ai un gros problème avec cette répartition (qui se base sur le prix HT du livre), parce qu'avant tout il s'agit d'une moyenne (ou plutôt, d'une sorte de côte mal taillée) réalisée pour le livre. Or, d'une part, une moyenne est une donnée extrêmement pauvre, en cela qu'elle peut cacher des situations extrêmement différentes. Par exemple, les trois ensembles suivants correspondent à une moyenne de 10: (8, 8, 9, 9, 10, 10, 11, 11, 12, 12) / (2, 4, 6, 8, 10, 10, 12, 14, 16, 18) / (1, 1, 1, 1, 1, 1, 2, 2, 3, 87)
Ce qui compte, souvent, c'est la distribution (prise dans le sens mathématique du terme).
Par exemple, on voit que côté bande dessinée, l'étude 2016 des EGBD indiquait que le meilleur pourcentage reçu au cours des 5 dernières années par les auteurs était en moyenne de 8,6% (médiane à 9%), et que seul le 3e quartile était à 10%.

Mais au-delà de ces considérations, j'ai un énorme problème avec cette vision simplifiée qui met sur un pied d'égalité auteur et éditeur dans la prise de risque. Il y a des différences fondamentales entre les deux, que je vais essayer de résumer ici:
- l'auteur ne table que sur un seul livre (le sien) pour assurer ses revenus; l'éditeur table sur plusieurs livres, et donc prend moins de risques au final;
- l'éditeur propose à l'auteur une avance puis une rémunération de l'exploitation de son oeuvre (et non pas un financement à la création, c'est important), qu'il base sur ses projections de ventes -- sachant que pour les principaux grands groupes, ils maîtrisent également la distribution/diffusion, donc une large part de la chaîne (seul Glénat n'a pas sa propre structure, à la différence de Média Participations / Delcourt / Madrigall / Hachette). Il est donc possible à l'éditeur d'ajuster sa proposition financière en fonction de ses prévisions -- et si jamais ces prévisions ne sont pas atteintes, c'est qu'il n'a pas bien fait son boulot;
- l'évolution des modèles de rémunérations des auteurs (avec le système généralisé des avances) permet aux éditeurs de dire qu'ils perdent de l'argent sur la plupart des ouvrages, puisque les avances ne sont pas recouvertes. Pas *entièrement* recouvertes, faudrait-il préciser à chaque fois, sachant qu'il est très possible qu'un éditeur rentre dans ses frais (toutes dépenses confondues) sur un ouvrage qui n'a pas encore atteint le point de remboursement des avances. Parce que jusqu'à ce point, ce n'est pas 20% que l'éditeur empoche, mais 30% du prix HT dans la répartition ci-dessus.

Bref, ces trois facteurs (mutualisation des risques sur plusieurs livres, ajustement des avances en fonction des prévisions des ventes sur un outil de distribution directement contrôlé par l'éditeur, et évolution de la structure de rémunération) montrent bien combien cette "prise de risque" est partagée très inégalement entre auteur et éditeur. Et pourtant, dans la répartition, c'est l'éditeur qui récupère deux fois plus que l'auteur.
On notera par ailleurs que côté auteurs de bande dessinée, ce ne sont pas les "auteurs qui vendent 50 bouquins tous les trois ans" qui sont monté au créneau pour dire que non, ils ne pouvaient plus continuer à vivre de leur métier dans les conditions actuelles, mais bien des auteurs en vue, chez des grands éditeurs. Et ça, ça devrait faire réfléchir.
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Messagede Erik Arnoux » 12/08/2021 17:24

klorophylle 34 qui synthétise parfaitement a écrit:Au final il va falloir se rendre compte d'un truc, (…) tu ne vivras pas de la BD.

Et tout est dit, c'est exactement ça, c'est pour ça aussi que à part les 4 jours annuels de surexcitation politisée médiatique à Angoulême "on est tous des frères" (et des sœurs, houla !) retombant ensuite comme un soufflé à peine sorti du four, il ne se passe et ne se passera rien. Chacun pour soi. Cynique ? Même pas. Parce que c'est comme ça que se vit le job.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede cedd79 » 12/08/2021 17:27

Xavier Guilbert a écrit:J'ai un gros problème avec cette répartition (qui se base sur le prix HT du livre), parce qu'avant tout il s'agit d'une moyenne (ou plutôt, d'une sorte de côte mal taillée) réalisée pour le livre. Or, d'une part, une moyenne est une donnée extrêmement pauvre, en cela qu'elle peut cacher des situations extrêmement différentes. Par exemple, les trois ensembles suivants correspondent à une moyenne de 10: (8, 8, 9, 9, 10, 10, 11, 11, 12, 12) / (2, 4, 6, 8, 10, 10, 12, 14, 16, 18) / (1, 1, 1, 1, 1, 1, 2, 2, 3, 87)
Ce qui compte, souvent, c'est la distribution (prise dans le sens mathématique du terme).
Par exemple, on voit que côté bande dessinée, l'étude 2016 des EGBD indiquait que le meilleur pourcentage reçu au cours des 5 dernières années par les auteurs était en moyenne de 8,6% (médiane à 9%), et que seul le 3e quartile était à 10%.

Mais au-delà de ces considérations, j'ai un énorme problème avec cette vision simplifiée qui met sur un pied d'égalité auteur et éditeur dans la prise de risque. Il y a des différences fondamentales entre les deux, que je vais essayer de résumer ici:
- l'auteur ne table que sur un seul livre (le sien) pour assurer ses revenus; l'éditeur table sur plusieurs livres, et donc prend moins de risques au final;
- l'éditeur propose à l'auteur une avance puis une rémunération de l'exploitation de son oeuvre (et non pas un financement à la création, c'est important), qu'il base sur ses projections de ventes -- sachant que pour les principaux grands groupes, ils maîtrisent également la distribution/diffusion, donc une large part de la chaîne (seul Glénat n'a pas sa propre structure, à la différence de Média Participations / Delcourt / Madrigall / Hachette). Il est donc possible à l'éditeur d'ajuster sa proposition financière en fonction de ses prévisions -- et si jamais ces prévisions ne sont pas atteintes, c'est qu'il n'a pas bien fait son boulot;
- l'évolution des modèles de rémunérations des auteurs (avec le système généralisé des avances) permet aux éditeurs de dire qu'ils perdent de l'argent sur la plupart des ouvrages, puisque les avances ne sont pas recouvertes. Pas *entièrement* recouvertes, faudrait-il préciser à chaque fois, sachant qu'il est très possible qu'un éditeur rentre dans ses frais (toutes dépenses confondues) sur un ouvrage qui n'a pas encore atteint le point de remboursement des avances. Parce que jusqu'à ce point, ce n'est pas 20% que l'éditeur empoche, mais 30% du prix HT dans la répartition ci-dessus.

Bref, ces trois facteurs (mutualisation des risques sur plusieurs livres, ajustement des avances en fonction des prévisions des ventes sur un outil de distribution directement contrôlé par l'éditeur, et évolution de la structure de rémunération) montrent bien combien cette "prise de risque" est partagée très inégalement entre auteur et éditeur. Et pourtant, dans la répartition, c'est l'éditeur qui récupère deux fois plus que l'auteur.
On notera par ailleurs que côté auteurs de bande dessinée, ce ne sont pas les "auteurs qui vendent 50 bouquins tous les trois ans" qui sont monté au créneau pour dire que non, ils ne pouvaient plus continuer à vivre de leur métier dans les conditions actuelles, mais bien des auteurs en vue, chez des grands éditeurs. Et ça, ça devrait faire réfléchir.


Merci pour ces éclaircissements.

A noter que dans mon métier (je suis dans l'audiovisuel), j'ai vu des avances déjà versées réclamées aux auteurs, lors de difficultés financières rencontrées par l'entreprise de production. Je ne sais pas si le cas se produit dans le livre.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede tzynn » 12/08/2021 17:27

Xavier Guilbert a écrit:
tzynn a écrit:Globalement la répartition c’est (à qlq % près)
10% pour les auteurs
10% pour la fabrication
30% pour le libraire
6% pour l’état
22% pour l’éditeur
22% pour le distributeur qui reprend distributeur / diffuseur

Là dedans l’éditeur et les auteurs sont ceux qui prennent les risques: le premier de ne pas toucher assez, le second sur l’avance si elle n’est pas remboursée, le marketing et sur les retours. Le libraire a moins de risques sauf les comptes fermes, mais a aussi moins de revenus potentiels puisqu’il est limité à son point de vente physique. La vente virtuel étant plus simple. Finalement là où il y a le moins de risque et le plus de marge c’est le distributeur qui est juste un hub logistique et la vente virtuelle. C’est là qu’il faut aller chercher.

Je lis souvent que c’est les auteurs vs les éditeurs qui se gavent mais des éditeurs qui meurent c’est monnaie courante, comme quoi ça doit pas être si simple. Et puis si ça l’était, tout le monde serait éditeur.


J'ai un gros problème avec cette répartition (qui se base sur le prix HT du livre), parce qu'avant tout il s'agit d'une moyenne (ou plutôt, d'une sorte de côte mal taillée) réalisée pour le livre. Or, d'une part, une moyenne est une donnée extrêmement pauvre, en cela qu'elle peut cacher des situations extrêmement différentes. Par exemple, les trois ensembles suivants correspondent à une moyenne de 10: (8, 8, 9, 9, 10, 10, 11, 11, 12, 12) / (2, 4, 6, 8, 10, 10, 12, 14, 16, 18) / (1, 1, 1, 1, 1, 1, 2, 2, 3, 87)
Ce qui compte, souvent, c'est la distribution (prise dans le sens mathématique du terme).
Par exemple, on voit que côté bande dessinée, l'étude 2016 des EGBD indiquait que le meilleur pourcentage reçu au cours des 5 dernières années par les auteurs était en moyenne de 8,6% (médiane à 9%), et que seul le 3e quartile était à 10%.

Mais au-delà de ces considérations, j'ai un énorme problème avec cette vision simplifiée qui met sur un pied d'égalité auteur et éditeur dans la prise de risque. Il y a des différences fondamentales entre les deux, que je vais essayer de résumer ici:
- l'auteur ne table que sur un seul livre (le sien) pour assurer ses revenus; l'éditeur table sur plusieurs livres, et donc prend moins de risques au final;
- l'éditeur propose à l'auteur une avance puis une rémunération de l'exploitation de son oeuvre (et non pas un financement à la création, c'est important), qu'il base sur ses projections de ventes -- sachant que pour les principaux grands groupes, ils maîtrisent également la distribution/diffusion, donc une large part de la chaîne (seul Glénat n'a pas sa propre structure, à la différence de Média Participations / Delcourt / Madrigall / Hachette). Il est donc possible à l'éditeur d'ajuster sa proposition financière en fonction de ses prévisions -- et si jamais ces prévisions ne sont pas atteintes, c'est qu'il n'a pas bien fait son boulot;
- l'évolution des modèles de rémunérations des auteurs (avec le système généralisé des avances) permet aux éditeurs de dire qu'ils perdent de l'argent sur la plupart des ouvrages, puisque les avances ne sont pas recouvertes. Pas *entièrement* recouvertes, faudrait-il préciser à chaque fois, sachant qu'il est très possible qu'un éditeur rentre dans ses frais (toutes dépenses confondues) sur un ouvrage qui n'a pas encore atteint le point de remboursement des avances. Parce que jusqu'à ce point, ce n'est pas 20% que l'éditeur empoche, mais 30% du prix HT dans la répartition ci-dessus.

Bref, ces trois facteurs (mutualisation des risques sur plusieurs livres, ajustement des avances en fonction des prévisions des ventes sur un outil de distribution directement contrôlé par l'éditeur, et évolution de la structure de rémunération) montrent bien combien cette "prise de risque" est partagée très inégalement entre auteur et éditeur. Et pourtant, dans la répartition, c'est l'éditeur qui récupère deux fois plus que l'auteur.
On notera par ailleurs que côté auteurs de bande dessinée, ce ne sont pas les "auteurs qui vendent 50 bouquins tous les trois ans" qui sont monté au créneau pour dire que non, ils ne pouvaient plus continuer à vivre de leur métier dans les conditions actuelles, mais bien des auteurs en vue, chez des grands éditeurs. Et ça, ça devrait faire réfléchir.


Oui, parce que l’éditeur prend le rôle de distributeur qui est le plus lucratif et qui amortit le risque comme tu l’écris toi-même.

Après pour la question des risques, on pourrait retourner le point: quel risque prend un auteur reconnu à faire son 22e Largo Winch ou son 35e Thorgal, alors que l’éditeur prend des risques sur bcp d’albums et pas juste sur un seul. ;)

Je ne pense pas que l’éditeur (le département éditeur si tu veux) soit le mauvais dans l’équation. Il prend des risques aussi, à l’inverse - comme je l’écrivais - des distributeurs (ou départements distribution si tu préfères) et libraires virtuels qui ont peu de frais, pas de risques et de grosses marges. C’est là qu’il faut chercher. Et on est pas chez les bisounours, même à 20% de droits bcp n’en vivront pas
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede Xavier Guilbert » 12/08/2021 17:29

cedd79 a écrit:Merci pour ces éclaircissements. A noter que dans mon métier (je suis dans l'audiovisuel), j'ai vu des avances déjà versées réclamées aux auteurs, lors de difficultés financières que rencontrées par l'entreprise de production. Je ne sais pas si le cas se produit dans le livre.

Pas que je sache.
Par contre, un grand éditeur s'était fait taper sur les doigts pour avoir voulu essayer d'imposer une récupération "transversale" des avances: actuellement, chaque ouvrage correspond à un contrat, ce qui fait que les avances non recouvertes sur un ouvrage ne peuvent pas être récupérées sur un autre du même auteur qui aurait remboursé les siennes. Ce grand éditeur voulait instaurer ce système, qui aurait limité plus encore la rémunération des auteurs. De mémoire, le SNAC-BD était intervenu, et l'éditeur en question avait fait machine arrière.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede tzynn » 12/08/2021 17:30

Xavier Guilbert a écrit:
cedd79 a écrit:Merci pour ces éclaircissements. A noter que dans mon métier (je suis dans l'audiovisuel), j'ai vu des avances déjà versées réclamées aux auteurs, lors de difficultés financières que rencontrées par l'entreprise de production. Je ne sais pas si le cas se produit dans le livre.

Pas que je sache.
Par contre, un grand éditeur s'était fait taper sur les doigts pour avoir voulu essayer d'imposer une récupération "transversale" des avances: actuellement, chaque ouvrage correspond à un contrat, ce qui fait que les avances non recouvertes sur un ouvrage ne peuvent pas être récupérées sur un autre du même auteur qui aurait remboursé les siennes. Ce grand éditeur voulait instaurer ce système, qui aurait limité plus encore la rémunération des auteurs. De mémoire, le SNAC-BD était intervenu, et l'éditeur en question avait fait machine arrière.


C’est logique. Faut pas tirer sur la corde non plus
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede Xavier Guilbert » 12/08/2021 17:32

tzynn a écrit:Je ne pense pas que l’éditeur soit le mauvais dans l’équation. Il prend des risques aussi, à l’inverse - comme je l’écrivais - des distributeurs et libraires virtuels qui ont peu de frais, pas de risques et de grosses marges. C’est là qu’il faut chercher. Et on est pas chez les bisounours, même à 20% de droits bcp n’en vivront pas

Il suffit d'aller voir quelques déclarations de Vincent Montagne (comme ici ou là) pour adopter un avis plus nuancé. Certains éditeurs considèrent véritablement l'auteur comme une variable d'ajustement. Et les tensions actuelles existent bien plus entre éditeurs établis et auteurs, qu'avec Amazon (qui est un autre problème).
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede Xavier Guilbert » 12/08/2021 17:34

tzynn a écrit:C’est logique. Faut pas tirer sur la corde non plus

Ca n'empêche pas certains d'essayer.
Comme quand Vincent Montagne explique que "l’auteur est un créateur qui constitue aussi un patrimoine puisqu’il reste propriétaire de ses droits", on sent la tentation de remettre tout cela en cause, parce que bon, ce serait bien quand même de pouvoir avoir le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede tzynn » 12/08/2021 17:35

Xavier Guilbert a écrit:
tzynn a écrit:Je ne pense pas que l’éditeur soit le mauvais dans l’équation. Il prend des risques aussi, à l’inverse - comme je l’écrivais - des distributeurs et libraires virtuels qui ont peu de frais, pas de risques et de grosses marges. C’est là qu’il faut chercher. Et on est pas chez les bisounours, même à 20% de droits bcp n’en vivront pas

Il suffit d'aller voir quelques déclarations de Vincent Montagne (comme ici ou là) pour adopter un avis plus nuancé. Certains éditeurs considèrent véritablement l'auteur comme une variable d'ajustement. Et les tensions actuelles existent bien plus entre éditeurs établis et auteurs, qu'avec Amazon (qui est un autre problème).


C’est logique aussi, tu n’as pas de tensions avec des gens que tu ne côtoies pas. Les auteurs ne connaissent pas les distributeurs et diffuseurs, leur seul point de contact c’est l’éditeur, et un peu qlq libraires pour les dédicaces. C’est à l’éditeur de serrer le distributeur par les *** mais ça n’arrive pas puisqu’ils se sont mariés

Après Montaigne parle depuis son gros machin qui fait éditeur et distributeur mais à l’asso ou chez les plus petits éditeurs je ne pense pas que l’auteur soit la variable d’ajustement, et encore moins s’il est bankable.

Une solution simple serait peut-être de démanteler les « cartels » éditeurs - distributeurs pour remettre de la concurrence et permettre de déplacer certains % d’aval à amont. Ça c’est qlq chose qu’un politique peut faire sans juste filer des subventions pour faire plaisir.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede klorophylle 34 » 12/08/2021 17:47

Tu veux faire bouger les choses, simple
Tout le collectif d'auteurs se met à table, autant les grands que les petits, tu serre les dents et tu fait blocus sur toute la production, t'arrête tes albums en cours, tu ne rend rien, tu lance une grande campagne médiatisée, tu bloque absolument toute production!.
Tu essaie de de créer un gros élan de soutien, bref tu vas au bras de fer, ça durera un peu mais là au final tu obtiendra quelque chose.

Mais là je rêve vraiment parce que imaginer une union totale c'est juste du pipeau.

Donc reste le plus simple, vieux comme le monde, les plus forts ou plus chanceux ou autres survivent, les moins doués, les moins soutenus ou autre se font une raison et passe à autre chose.

C'est crû, c'est dur mais c'est juste la réalité d'une économie, d'un secteur.

Et qu'on arrête avec ces rapports à deux euros qui ne servent qu'a montrer une situation déplorable vec au final la garantie de ne pas bouger d'un pouce, mais juste de faire croire qu'on est sensible au truc.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede Xavier Guilbert » 12/08/2021 18:06

klorophylle 34 a écrit:Mais là je rêve vraiment parce que imaginer une union totale c'est juste du pipeau.

Les auteurs sont aujourd'hui plus unis qu'ils ne l'ont jamais été. Leur problème est qu'en face, beaucoup d'éditeurs ne veulent pas jouer le jeu, et que l'état s'en lave les mains (d'abord en estimant que les sociétés de gestion collective des droits d'auteurs sont de facto des représentants des auteurs, puis en refusant de jouer le rôle de médiateur entre auteurs et éditeurs).

klorophylle 34 a écrit:Et qu'on arrête avec ces rapports à deux euros qui ne servent qu'a montrer une situation déplorable vec au final la garantie de ne pas bouger d'un pouce, mais juste de faire croire qu'on est sensible au truc.

De quoi parles-tu en particulier? Parce que je me sens vaguement visé.
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Re: C'est la crise ? Auteurs et monde de l'édition

Messagede tzynn » 12/08/2021 18:11

Les auteurs plus unis que jamais? Suffit de voir comment ils se tapent dessus sur Facebook entre auteurs, entre types d’auteurs ou entre associations pour penser le contraire.
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