tzynn a écrit:Globalement la répartition c’est (à qlq % près)
10% pour les auteurs
10% pour la fabrication
30% pour le libraire
6% pour l’état
22% pour l’éditeur
22% pour le distributeur qui reprend distributeur / diffuseur
Là dedans l’éditeur et les auteurs sont ceux qui prennent les risques: le premier de ne pas toucher assez, le second sur l’avance si elle n’est pas remboursée, le marketing et sur les retours. Le libraire a moins de risques sauf les comptes fermes, mais a aussi moins de revenus potentiels puisqu’il est limité à son point de vente physique. La vente virtuel étant plus simple. Finalement là où il y a le moins de risque et le plus de marge c’est le distributeur qui est juste un hub logistique et la vente virtuelle. C’est là qu’il faut aller chercher.
Je lis souvent que c’est les auteurs vs les éditeurs qui se gavent mais des éditeurs qui meurent c’est monnaie courante, comme quoi ça doit pas être si simple. Et puis si ça l’était, tout le monde serait éditeur.
J'ai un gros problème avec cette répartition (qui se base sur le prix HT du livre), parce qu'avant tout il s'agit d'une moyenne (ou plutôt, d'une sorte de côte mal taillée) réalisée pour le livre. Or, d'une part, une moyenne est une donnée extrêmement pauvre, en cela qu'elle peut cacher des situations extrêmement différentes. Par exemple, les trois ensembles suivants correspondent à une moyenne de 10: (8, 8, 9, 9, 10, 10, 11, 11, 12, 12) / (2, 4, 6, 8, 10, 10, 12, 14, 16, 18) / (1, 1, 1, 1, 1, 1, 2, 2, 3, 87)
Ce qui compte, souvent, c'est la distribution (prise dans le sens mathématique du terme).
Par exemple, on voit que côté bande dessinée,
l'étude 2016 des EGBD indiquait que le meilleur pourcentage reçu au cours des 5 dernières années par les auteurs était en moyenne de 8,6% (médiane à 9%), et que seul le 3e quartile était à 10%.
Mais au-delà de ces considérations, j'ai un énorme problème avec cette vision simplifiée qui met sur un pied d'égalité auteur et éditeur dans la prise de risque. Il y a des différences fondamentales entre les deux, que je vais essayer de résumer ici:
- l'auteur ne table que sur un seul livre (le sien) pour assurer ses revenus; l'éditeur table sur plusieurs livres, et donc prend moins de risques au final;
- l'éditeur propose à l'auteur une avance puis une rémunération de l'exploitation de son oeuvre (et non pas un financement à la création, c'est important), qu'il base sur ses projections de ventes -- sachant que pour les principaux grands groupes, ils maîtrisent également la distribution/diffusion, donc une large part de la chaîne (seul Glénat n'a pas sa propre structure, à la différence de Média Participations / Delcourt / Madrigall / Hachette). Il est donc possible à l'éditeur d'ajuster sa proposition financière en fonction de ses prévisions -- et si jamais ces prévisions ne sont pas atteintes, c'est qu'il n'a pas bien fait son boulot;
- l'évolution des modèles de rémunérations des auteurs (avec le système généralisé des avances) permet aux éditeurs de dire qu'ils perdent de l'argent sur la plupart des ouvrages, puisque les avances ne sont pas recouvertes. Pas *entièrement* recouvertes, faudrait-il préciser à chaque fois, sachant qu'il est très possible qu'un éditeur rentre dans ses frais (toutes dépenses confondues) sur un ouvrage qui n'a pas encore atteint le point de remboursement des avances. Parce que jusqu'à ce point, ce n'est pas 20% que l'éditeur empoche, mais 30% du prix HT dans la répartition ci-dessus.
Bref, ces trois facteurs (mutualisation des risques sur plusieurs livres, ajustement des avances en fonction des prévisions des ventes sur un outil de distribution directement contrôlé par l'éditeur, et évolution de la structure de rémunération) montrent bien combien cette "prise de risque" est partagée très inégalement entre auteur et éditeur. Et pourtant, dans la répartition, c'est l'éditeur qui récupère deux fois plus que l'auteur.
On notera par ailleurs que côté auteurs de bande dessinée, ce ne sont pas les "auteurs qui vendent 50 bouquins tous les trois ans" qui sont monté au créneau pour dire que non, ils ne pouvaient plus continuer à vivre de leur métier dans les conditions actuelles, mais bien des auteurs en vue, chez des grands éditeurs. Et ça, ça devrait faire réfléchir.