Bon, ça y est, je l'ai toute lue, la
Malédiction, rapport au fait que je suis passé chez mes beaux-parents hier soir.
Eh bien.... comment dire ?
Si l'on met de côté la fin, c'est moins pire que ce que je craignais.
Je n'ai pas tellement l'impression de me retrouver dans l'ambiance d'un
Blake et Mortimer (c'est très subjectif, je sais, mais c'est comme ça). C'est plutôt du Van Hamme à peu près pur (encore qu'il n'a pas osé caser sa traditionnelle scène hot entre filles avec Jessie et Eleni
), certainement pas ce qu'il a produit de pire, clairement pas ce qu'il a produit de meilleur non plus. Cela dit on s'emm... quand même pas mal, il y a un manque de tension dramatique assez criant, et ce ne sont pas les rebondissements pour la plupart abracadabrants, et/ou à très grosses ficelles très usées, qui viennent sauver l'affaire.
Un exemple parmi d'autres. Quand les naufragés sur leur radeau sont recueillis dès le lendemain matin par le yacht de leurs amis milliardaires qui passent justement par là, j'ai espéré : tiens, est-ce que ça ne cacherait pas quelque chose ? est-ce qu'ils ne feraient pas partie de la bande de nazis de von Stahl ? Et d'ailleurs un peu plus loin quelqu'un émet cette hypothèse.... Mais en fait non.
Pour le reste : Mortimer qui oublie les fondamentaux de physique (feu + canot en caoutchouc = problème), Mortimer qui parvient à trouver où se loger et négocier une chambre alors qu'il parle seulement le grec ancien, Mortimer qui doit user quelques kilos de craie pour recouvrir tout un pan de mur de l'auberge et y faire ses gribouillis... Hum. Olrik, on l'a déjà dit et souligné dans les pages précédentes, réduit à un rôle falot, limite rôle comique par moments - effectivement lorsqu'il rejoint le radeau...
Avoir flanqué une histoire de nazis dans B&M m'horripile toujours autant, et d'ailleurs, si quelqu'un peut m'expliquer ce qu'ils comptent exactement faire avec les fameux 30 deniers, je lui serais reconnaissant de me l'expliquer
"
Gros orage sur l'Europe: 15 millions de morts foudroyés en une nuit" ?...
Quant à savoir qui est l'espion qui donne à Von Stahl toujours un coup d'avance sur nos héros, dans cette morne ambiance, on s'en fout complètement. - Même si
(soyons sport) j'ai trouvé rétrospectivement que la façon dont était mise en scène vers le début de l'album la séquence censée "dédouaner" Eleni était plutôt bien faite.
- Et d'ailleurs, ça tombe bien, une fois que les personnages ont découvert de qui il s'agissait, ils s'en foutent aussi.
MAIS, avec tout ça, j'admets que (fin toujours mise à part) je m'attendais à quelque chose d'encore plus catastrophique, et que
(peut-être lassitude et habituation, aussi ?...) j'ai moins passé mon temps à bondir sur mon siège qu'à la lecture du précédent volume. Il y a un certain "classicisme" du récit dont je comprends qu'il puisse plus plaire à beaucoup de lecteurs que la démarche des derniers Sente & Julliard (même si personnellement je trouve celle-ci très intéressante et plutôt mieux menée), et si l'on fait abstraction du fait que cela se présente comme une reprise de
Blake et Mortimer - avec ce que cela devrait supposer de cohérence de leur univers, d'une part, et d'exigence de haute qualité, d'autre part -, je me suis laissé aller à penser qu'il ne faudrait pas beaucoup pour que cela puisse passer pour un titre, certes pas génial, mais tout à fait acceptable, sur le mode que décrivait Léautaud : "aventures nonchalantes dans les îles grecques"... Par ailleurs, quoique formulée de façon assez lourde, la conversation dans la grotte sur les ressources, en matières d'histoires, de la mythologie et de la Bible, pourrait passer pour une amorce de mise en abyme assez intéressante voire sympathique. Enfin, je pense également que j'ai été plus convaincu par le dessin de ce tome que du précédent, je n'y ai pas prêté une grande attention à vrai dire mais ça ne m'a pas choqué plus que ça.
Et puis il y a la fin.
Et là, même en sachant à l'avance à quoi je devais m'attendre, les bras m'en sont tombés, comme dirait la Vénus de Milo.
Je conviens qu'avec une idée déjà aussi farfelue et improbable, dans le registre du "mysticisme de bazar", que le retour de Judas pour châtier le méchant nazi, il était difficile d'obtenir un résultat admirable, mais en plus, cette façon d'expédier ça en cinq petites cases, pif paf pouf pof et voilà, avec un dessin qui pour le coup accentue encore le côté ridicule de la chose... là, on ne parle même plus de toucher le fond : on creuse.
Alors oui, d'accord, il y a déjà eu - UNE fois - dans les B&M de Jacobs du fantastique... mais pour la qualité du traitement, désolé : rien à voir.
Pour finir
(in coda venenum...), j'ajouterai que je n'ai pu m'empêcher de penser plusieurs fois pendant ma lecture à un autre album traitant à peu près du même genre de thème, d'une manière assez similaire sur bien des points (il serait amusant de dresser une liste des parallèles...), mais de façon à mon sens plus réussie, et que je recommanderais donc fortement de lire ou relire, soit après, soit carrément en lieu et place de cette
Malédiction :