de geep » 16/01/2014 09:27
Je me permets de remonter ce sujet car je trouve qu'on a été un peu injuste avec ce 5ème tome. Une première lecture m'avait laissé un peu circonspect, me disant que comme le précédent il n'était pas tout à fait au niveau des trois premiers. En y revenant, je trouve au contraire qu'il est largement aussi réussi.
"L'enfer, le silence" me paraît très léger niveau scénario (l'histoire du médicament façon elixir du Dr Doxey qui fait des enfants tout mal foutus???) et traitement "folklorique" de l'histoire et ce même si je n'ai rien à redire côté dessin. Le nouvel album, au contraire, ouvre des perspectives nouvelles.
Certes, Blacksad garde les caractéristiques du héros "chandlerien", baladé, assommé, quoique toujours magnanime (cf. la fin), mais les auteurs y ont ajouté des touches qui laissent entrevoir une modification de son environnement et pas seulement géographique. On apprend qu'il a une sœur, un père, ce qui laisse espérer d'autres découvertes du côté de son passé (pourquoi pas une femme, des enfants?) et de nouveaux horizons à explorer. Petit à petit, j'ai l'impression qu'il se rapproche de héros plus contemporains, comme le Robicheaux de JL Burke ou le Belascoaran-Shayne de Paco Ignacio Taibo, à la fois moins monolithique et plus "humain" (un comble pour un chat).
Autre chose un peu dérangeante; la quasi absence de Weekly qui apportait aux précédents albums leur dose de bouffonnerie, mais de fait, il n'aurait été d'aucune utilité dans cet épisode où les choses et les événements s'enchaînent sans que rien puisse en détourner le cours. L'action est concentrée autour de Chad, sorte de héros antique marqué par le destin auquel il ne peut échapper, qui bousille plus ou moins volontairement tout ce qu'il approche et laisse derrière lui quelques cadavres, mélange de Kerouac (le rouleau) et de Perry Woodson Hatfield James, héros de "Vers une aube radieuse" de James Lee Burke. De fait, Blacksad est presque uniquement spectateur des événements quand il n'en est pas victime. Souvent à la rue, il court tout le temps, après la voiture qu'il doit convoyer, après Chad, après le cirque et ne trouve de repos (relatif) que le temps d'un court séjour chez sa sœur.
Certains ont pu aussi être déroutés par le fait que le héros quitte un milieu strictement urbain, mais il faut bien prendre en compte que les USA sont vastes si on ne veut pas le voir tourner en rond dans des stéréotypes de ruelles sombres et de piaules miteuses. J'espère que les auteurs ne vont pas s'arrêter là et que Blacksad nous fera visiter le sud profond, le middle-west, la Californie, le Colorado, Las Vegas et pourquoi pas l'Alaska, autant de possibilités de se pencher sur des populations et des problématiques nouvelles.