Tiens j'avais pas remonté les dernières interventions jusqu'au bout, j'avais pas vu que le débat Whedon avait continué.
Belle réponse de Tireg au passage.
Jetjet, au risque d'encombrer ce fil d'un peu de HS supplémentaire (mais je t'assure que je vais me retenir parce que je pourrais en remplir trois pages), je t'invite effectivement, si tu le souhaites, à redonner sa chance à Buffy, avec quelques petites remarques tout de même.
[Que je vais mettre en spoiler, de manière à ce que ceux qui ne s'intéressent qu'à Batman puissent sauter sans souci...
]
Premièrement, je me répète, mais la série s'apprécie beaucoup plus ("surtout" ?) en V.O. : on perd beaucoup de la qualité (excellente) et du sel "whedonesque" très particulier des dialogues en version française (ou dans les sous-titres français, d'ailleurs, qui font tout tomber à plat). Je ne dis pas qu'on perd tout au doublage (à la base, j'ai découvert, et adoré, la série en VF comme tous les ados de ma génération), mais quand même, ce n'est pas l'idéal. C'est maintenant que je commence à avoir une maîtrise correcte de la langue de Shakespeare que je peux apprécier le slayer slang à sa juste valeur et sentir à quel point les dialogues sont brillants...
Deuxièmement, je m'inquiète un peu quand je lis que tu comptes "en revoir un". Buffy (et son spin-off Angel) s'apprécie(nt) d'autant plus sur la durée. Whedon, quand il a la liberté de développer autant qu'il veut, est un showrunner hyper-méticuleux, qui n'aime rien tant que partir de "clichés" pour les démonter et développer patiemment des personnages qui, d'abord perçus comme des stéréotypes ambulants, deviennent des êtres humains complexes, "réalistes" (compte tenu du contexte bien sûr...) et attachants. Willow commence comme la "bonne copine geekette introvertie et pas sexy" de l'héroïne et se transforme progressivement en surpuissante sorcière lesbienne ; Xander (Alex en VF) va connaître une transformation moins spectaculaire mais tout aussi profonde, de l'ado immature et souvent égoïste en adulte responsable ; et Giles, et Wesley, et Faith, et Spike, et Darla, et Anya, et...... Bref. Cas extrême : même un personnage mineur apparaissant dans une demi-douzaine d'épisodes sur les presque 250 des deux séries peut avoir une psychologie plus marquée et une évolution plus remarquable que bien des personnages principaux d'autres séries -- passant de la gamine gothique paumée vénérant les "créatures de la nuit" à la responsable d'un foyer pour jeunes SDF de Los Angeles, délivrant in fine la morale de l'histoire :
Gunn: What if I told you it doesn't help? What would you do if you found out that none of it matters? That it's all controlled by forces more powerful and uncaring than we can conceive and they will never let it get better down here? What would you do?
Anne: I'd get this truck packed before the new stuff gets here. Wanna give me a hand?
En dehors de te lancer dans le visionnage au long cours de la série cela te laisse donc deux options mais toutes, j'en ai peur, insatisfaisantes.
L'une consiste à prendre un épisode en "milieu" de série, et je serais ravi de t'orienter par quelques conseils à ce sujet en MP (comme d'ailleurs de développer là-bas encore toute question plus ou moins générale sur la série que tu voudrais poser, histoire de pas trop squatter ce respectable topic gothamite). Le hic, c'est que les relations entre les personnages ne peuvent pas forcément se résumer en un gimmick ("la bonne copine"), et qu'il y a donc tout un historique en constante évolution qu'il peut être important d'apprécier aussi derrière "le monstre de la semaine"...
L'autre consiste plus simplement à piocher dans le début de la série, mais la première saison n'est clairement pas la meilleure. C'est la plus "datée" d'une certaine façon, c'est aussi la plus évidemment orientée "pour ado", la plus "cliché" aussi, pour les raisons évoquées plus haut. Non qu'elle soit sans intérêt, loin s'en faut. D'une part, il y a toute la métaphore (pas forcément extraordinairement subtile, mais la métaphore pas extraordinairement subtile restera un trait marquant de toute la série ) des figures fantastiques comme incarnations des angoisses adolescentes. Le bahut, c'est l'enfer (vraiment) ; les bandes d'ados se comportent comme des hyènes (vraiment) ; la prof sexy est une mante religieuse (vraiment) (on ne parlait pas encore de "cougar"...) ; et si ma mère m'interdit de sortir pour aller en boîte de nuit ce soir, ce sera la fin du monde (vraiment ! ). D'autre part, la déconstruction des clichés est déjà à l'œuvre et déjà intéressante : la jolie blonde un peu écervellée qui serait typiquement la proie des monstres est en fait là pour les chasser ; son destin est d'être l'Élue devant sauver l'humanité, mais elle ne rêve que d'avoir une vie normale ; la conservation de son identité secrète qui serait un enjeu majeur dans n'importe quelle autre série pour au moins deux ou trois saisons dure à tout casser 30 minutes. Mais je reconnais que beaucoup de choses, à côté de ça, restent peu développées et/ou maladroites et conforteraient sans doute ton jugement premier.
Bon, sinon, tu peux toujours tenter l'expérience extrême ( ) d'enchaîner le premier double-épisode de Buffy, avec le côté ado assez bon enfant décrit ci-dessus, et, à l'autre bout, le dernier double-épisode d'Angel, sept ans plus tard, où les derniers personnages survivants partent en mission suicide contre les forces démoniaques, pleinement conscients qu'ils n'ont quasiment aucune chance de survie NI même de réussite, car on ne peut pas "supprimer" le Mal sur Terre : mais le rôle d'un héros est de ne pas accepter le monde tel qu'il est, et de continuer à lutter, même en vain... Le contraste va peut-être paraître un peu violent mais si après ça tu ne te demandes pas comment diable on est passé d'un point à l'autre, je ne peux plus grand chose pour toi sur le sujet... Pour conclure, je répèterais (en gros) ce que j'écrivais il n'y a pas longtemps dans un autre topic (où la chose était moins hors sujet) : il fut un temps où je considérais
Buffy (avec
Angel "inclus", donc) comme l'une des rares séries de mon adolescence, fantastiques ou pas d'ailleurs, que je pouvais toujours avouer d'avoir suivies, voire même défendre (avec
X-Files, en fait) (enfin, en tout cas, les premières saisons d'
X-Files...
). Aujourd'hui, non seulement je continue à revisionner régulièrement cette série, mais je crois pouvoir affirmer qu'elle a sa place sur le podium de mes séries préférées.
Et si ça fait de moi un ado attardé, soit. Je suppose qu'il y a plein d'autres choses à côté de ça qui me font mériter ce titre de toute façon. Je me consolerai en me disant qu'en l'espèce je le partage avec de très nombreux autres fans ; avec beaucoup d'éminents critiques ; avec un certain nombre d'universitaires américains
(plus portés que les nôtres sur l'étude de la culture populaire, il est vrai...) qui ont fait de cette série un champ de recherches à part entière ; et avec nombre de "gens du métier", scénaristes et producteurs de séries, qui ont biberonné à celle-ci, ou s'y sont formés, et l'ont prise pour modèle pour bâtir ensuite, sous la bannière HBO ou autre, ce qu'il est convenu de considérer comme l' "âge d'or des séries américaines" du début des années 2000 avec plein de séries beaucoup plus "avouables", "recommandables" et "citables" en bonne compagnie...
Mais apparemment pas avec ceux qui affichent par leur avatar le fait d'être fans de Preacher, série qui, je le suppose, ne l'ayant pas lue, ne saurait strictement en aucun cas pouvoir être identifiée à une série pour ado attardé.