Alors, pour l'histoire des scénarios, ça vient de là:
Casemate : Le scénariste, Jean-Yves FERRI, lui-même dessinateur; ne lui faisait pas de storyboards ?
Albert UDERZO : Très succincts. De toute manière, ce n’est pas au scénariste de décider du détail de la mise en scène. Si Goscinny s'y était essayé, je l’aurais sans doute mal pris !
Uderzo parle du détail de la mise en scène.
Après, une relation scénariste-dessinateur, c'est une question d'équilibre et de choix dans la manière de travailler.
Le succès de Goscinny, c'est peut-être, et surtout, de l'avoir compris, et d'avoir laisser ses dessinateurs, en premier lieu Morris et Uderzo, décider du détail de la mise en scène.
Et il n'y a rien d'arrogant ou de péjoratif ou de je ne sais quoi dans les propos d'Uderzo.
Pour revenir au fait qu'Uderzo ne connaissait pas le nom de Conrad, il faut ne pas oublier certains points de l'histoire de la BD.
Dans les années 50, Uderzo était partie prenante du métier. Et c'est grâce à lui et Goscinny que les auteurs ont peu avoir un autre statut que le simple pigiste pour une agence de com et commencer à réellement toucher des droits sur leurs travaux.
Ils se sont réellement mis en danger, à l'époque, pour obtenir cela pour eux et pour l'ensemble de la profession.
Et malheureusement, très peu les ont remercié.
Le deuxième point important, c'est que pendant longtemps, Uderzo n'a jamais été porté en triomphe par la profession.
Lors de la mort de Goscinny, toute l'attention s'est reportée sur Goscinny. On rappellera que tout le monde disait qu'Astérix était mort à l'époque.
Il n'est pas étonnant qu'Uderzo se soit alors fermé à un milieu qui n'a jamais vraiment cherché à l'aimer.
(sauf pour certains auteurs pour qui il est une vrai référence)
Qui plus est, en gagnant son procès avec Dargaud, s'il a récupéré ses droits, certains lui en ont voulu de mettre en danger cette grosse boîte en ne pensant qu'à lui. (alors qu'il ne faisait que réclamer ce que Dargaud lui devait).
(et c'est à cette époque qu'on a commencé à voir se colporter les histoires sur la fortune d'Uderzo, ses ferrari, etc... jalousie, jalousie...)
Si on devait faire un résumé des années 80 et 90, après la mort de son pote de toujours, Uderzo a dû se battre pour récupérer ses droits, pouvoir refaire du Astérix, convaincre les sceptiques que non c'était pas mort. Et pour le prouver, il a fait d'Astérix une très grosse machine en lançant les films d'animations, le parc d'attraction (où on ne lui a pas fait de cadeau là aussi, comparé à Disney), les films avec acteurs, les produits dérivés, et surtout les albums, car il a continué à écrire et dessiner Astérix.
Vu comment il était occupé, vu comment le monde de la bd le considérait, vu l'âge qu'il avait, je trouve normal qu'il n'ait pas eu le temps de s'intéresser plus que ça à la bd.
Et troisième point, comme le dit Mister Eko, Conrad n'est pas si connu que ça.
Il est connu pour ceux qui lisaient le journal de Spirou.
Il a eu plusieurs trous dans sa carrière. Après Bob Marone, quand il s'est coupé de la bd.
Il est ensuite revenu avec le piège malais et Donito, mais ça n'a pas marché tant que ça auprès du public, et son départ aux states a engendré un deuxième trou, ou absence "grand public".
Il est connu par nombres d'amateurs de la bd franco-belge, mais j'oserais dire que la reconnaissance d'un public plus "large" n'est venu que tardivement avec sa reprise du Marsu Kids.
(le fait Kid Lucky et Cotton Kid sous un pseudo l'a peut-être un poil desservi là-dessus).
D'ailleurs, quand les gens parlent de Conrad, ils réduisent généralement sa carrière aux hauts de page et aux innommables et essaie d'en faire un révolutionnaire anti bd classique tout public alors qu'il est certainement un de ses défenseurs et admirateurs les plus fervents.