de the frog » 26/11/2015 00:40
Comme quelqu'un l'avait ecrit en 1970 au sujet du film Love Story qui fut un enorme succes en son temps; "critiquer Love Story est comme critiquer la glace a la vanille". J'aime beaucoup cette citation car ecrire au sujet d'Asterix releve de la mission impossible, l'enormite de son succes l'a rendu impermeable a la critique, les gens l'acheteront quoi qu'il advienne et je presume que beaucoup plus de monde se precipiteront dessus par les tristes temps qui courent afin de s'offir une distraction. Mon entreprise est donc un peu vaine. Cela fait que mon opinion n'a donc que peu d'importance, ceux qui veulent l'acheter l'acheteront tout de meme et ceux qui ne veulent pas le faire ne le feront pas.
Comme tous ceux qui l'ont ecrit avant moi, j'abonde dans le sens ou le dessin de Conrad s'est beaucoup ameliore sur son deuxieme Asterix. Je suppose que cela vient du fait qu'il a les personnages mieux en main (ce qui semble normal) et aussi qu'il a eu plus de temps pour dessiner ces 44 planches. Quelques uns de ses personnages sont aussi reussis sous sa plume que lorsqu'Uderzo les dessinait, je pense notamment a Obelix, Bonnemine, Agecanonix et son Idefix est remarquable de fidelite. Par contre, son Asterix est encore un peu raide ainsi que Panoramix, quant a son Cesar, il est vraiment different mais cela n'est pas tres grave car ce n'est pas le plus important. Si les personnages restent tres uderziens, les decors le sont moins, ainsi la foret des Carnutes de Conrad dans cet album ne ressemble plus du tout a celle vue dans Asterix et les Goths. Mais la bataille finale et la grande case centrale de la planche 41 sont tout a fait digne de ce que le createur de la serie nous avait habitue.
On peut donc conclure sur la partie dessin que le bilan est positif. Je pense que tant que Conrad dessinera la serie, son dessin va evoluer pour revenir vers son propre style comme Andre Juillard le fait actuellement avec ses Blake et Mortimer ou mis a part les 2 heros principaux, Juillard ne fait plus du Jacobs mais du Juillard.
La deception que j'ai eprouve a la lecture de cet album vient du scenario. Certes, comme je l'avais ecrit au sujet des Pictes, Ferri est un bien meilleur scenariste qu'Uderzo ne l'etait et si il fallait reecrire l'histoire, j'aurais beaucoup aime qu'Uderzo dessine un Asterix de Ferri mais cela ne sera pas. On ne va epiloguer la-dessus. Le probleme avec ce deuxieme opus vient d'un manque de quelque chose ou d'un trop plein d'autres mais je n'arrive pas encore a deceler quoi. J'ai entame la lecture de cet album en essayant d'oublier ceux de Goscinny meme si c'est tres dur car apres tout, la lecture des Asterix est une de celle qui m'a fait tomber dans la marmite de la BD et tous les amoureux de la serie ne peuvent l'occulter completement. C'est donc avec toute la meilleure volonte du monde que j'ai commence l'album mais regulierement, Ferri nous rappelle les albums goscinniens, d'une maniere ou d'une autre, ainsi, j'ai pense a Asterix et Cleopatre, La Serpe d'Or, Asterix chez les Helvetes pour certaines scenes, cases et sequences. Est-ce volontaire ou non? Est-ce que c'est pour mieux montrer aux lecteurs que la serie reste la meme malgre le changement des auteurs? Je ne sais pas mais il me semble que Goscinny evitait ce genre de repetitions lorsqu'il ecrivait la serie. Je ne parle pas de la derniere demi-planche, la 44B, dont j'ai aime l'idee car tres poetique et en quoi je vois un hommage rendu aux deux createurs de la serie. Le principe de base du scenario est amusant et est tout a fait conforme a la serie dont Le Domaine des Dieux est le meilleur exemple. Mais la resolution de l'intrigue est un peu laborieuse et manque de fluidite puisqu'Asterix apres avoir quitte le village y revient au dernier moment sauver la situation tel un deus ex machina.
Ferri respecte les jeux de mots goscinniens mais il en met un peu trop la ou Goscinny n'en faisait qu'un ou deux mais tellement percutant qu'ils ensoleillaient l'album, les plus nombreux etant reserves aux noms des personnages, noms hauts en couleurs et en cela, j'aime beaucoup ceux de Ferri car ses noms sont tres contemporains pour le 21e siecle, Taglabribus dans le precedent album Kefelapolis, Promoplus, Gasdechix dans celui-ci, ils sont bien trouves. Mais comme cela a ete ecrit ailleurs et je crois meme que Ferri y avait pense, j'aurai prefere lire Wikilix plutot que Doublepolemix pour le nom du colporteur, cela aurait plus en accord avec l'actualite recente de ces dernieres annees.
Pour en revenir au personnage de Promoplus, je n'ai pas trouve que celui-ci ressemblait tant que cela au publicitaire Jacques Seguela comme je l'ai lu sur le web. Quant a la caricature de Franz Olivier Giesbert, pourquoi pas mais est-ce que ce dernier est devenu tellement celebre et populaire en France depuis que je suis parti pour qu'il ait droit a une dans Asterix? J'aimais bien voir dans les albums d'Uderzo, Lino Ventura, Pierre Tchernia, Annie Cordy et autres Guy Lux qui etaient des personnes tres connues des 4 coins de l'hexagone a cette epoque. Si cela est le cas, je suis tres content pour FOG de voir ce qu'il est devenu.
En conclusion, je n'ai pas trouve cet album meilleur que Les Pictes mais il n'est pas pire non plus. C'est du tres bon travail et justement ce n'est que du travail car cet album releve plus du pastiche qu'autres choses. Goscinny et Uderzo etaient inspires alors que Ferri et Conrad ne font qu'imiter et donc cela necessite plus de labeur pour eux car ils doivent recreer quelque chose qui ne leur est pas naturel, c'est ici que reside les limites inherentes a toutes les reprises car malgre tous leurs efforts Ferri ne sera jamais Goscinny et Conrad ne sera jamais Uderzo. Il faudra attendre un petit peu pour que ceux-ci aient cet univers tellement bien en main et qu'ils se le soient appropries pour ce l'on puisse parler des leurs sans constamment se referer aux 24 premiers c'est a dire ceux ecrits par Goscinny, par decence pour lui, je prefere faire l'impasse sur ceux ecrits pas Uderzo, a part L'Odyssee d'Asterix qui est un tres bon album et meme meilleur que les moins bons Goscinny.
Je reconnais la cote casse-gueule de cette reprise et il faut quand meme admirer le courage des auteurs pour s'attaquer a ce monument de la culture francaise, n'ayons pas peur des mots.
"Schtroumpfer, voilà ma devise!" Peyo