Thierry_2 a écrit:si j'étais taquin, je rappellerai que les Césars se font critiquer tous les ans parce qu'ils snobent le cinéma populaire (cette année, ils ont choisi un autre combat). la profession est donc loin d'être aussi "ouverte" qu'on le dit.
Il y a à mon sens deux éléments qui expliquent cette difficulté à avoir des prix "grand public" qui satisfassent véritablement les tenants de ce genre de démarche (personnellement, j'estime que les ouvrages grand public sont généralement déjà récompensés par leurs chiffres de vente, pas forcément besoin d'en rajouter avec une médaille en chocolat).
Tout d'abord, il y a le fait que toute personne, mise en situation d'émettre un jugement critique, va exprimer une certaine exigence, et écartera donc des oeuvres plus légères qu'elle apprécie peut-être par ailleurs. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a probablement une sorte de tension entre l'attente que l'on peut avoir pour un prix grand public, et la manière dont le grand public juge lui-même ses lectures.
Je pense qu'une très bonne illustration de cette tension est le Fauve du Public à Angoulême en 2020 décerné à Chloé Wary pour
La Saison des Roses. Rappelons que ce prix a été décerné par un jury de "simples lecteurs" tirés au sort (aucun mépris dans cette appellation pour moi, c'est comme cela que je me revendiquais il y a quelques années). Cela peut être surprenant, parce que c'est un livre qui s'inscrit très très loin des standards de la bande dessinée "grand public" (cf.
Astérix et consorts), mais c'est aussi à mon sens un très bon livre. Et cela montre aussi que les attentes du "grand public" sont bien différentes de ce que l'on semble supposer à leur place. Oui, c'est probablement un livre que la plupart de ces lecteurs n'aurait jamais rencontré sans le Festival, et pourtant, c'est celui-ci qu'ils ont choisi alors qu'il y avait bien d'autres propositions plus classiques.
Ensuite, il y a le fait que la critique des Césars qui snoberaient le cinéma populaire porte surtout sur l'absence des comédies, au profit de récits plus graves. C'est aussi une critique qui est faite au Festival d'Angoulême. A mon sens, il y a là le problème que l'humour est quelque chose qui est très diversement partagé, alors que le chagrin a tendance à être plus universel. Parler de la maladie ou de la mort d'un proche, cela résonne chez tout le monde.