Parce que je ne veux pas vraiment baisser les bras, je poste ça ici, une note de blog d'un prof de philo, que je trouve particulièrement juste (ce n'est pas écrit par mediapart).
Sentez-vous visé, ou pas. Libre à vous
https://blogs.mediapart.fr/alexis-dayon/blog/221020/toi-qui-mappelles-islamo-gauchiste-laisse-moi-te-dire-pourquoi-le-lache-cest-toiSi vous n'avez pas le courage de tout lire, morceaux choisis :
Toi qui m'appelles islamo-gauchiste, laisse-moi te dire pourquoi le lâche, c'est toi.
Depuis quelques jours, tu as donné le ton. Un collègue a été atrocement assassiné (comme lui, j'enseigne l'EMC, et Vendredi je me suis vu à sa place). Toi, il n'a pas fallu une heure pour que tu sois sur tous les réseaux, toutes les ondes, à scander : toi, tu es brave ! Toi, tu nommes l'ennemi ! Moi, tu m'as tamponné un railleur "padamalgam", et depuis, je suis le lâche. Mais le lâche, c'est toi.
On t'a dit et redit que la formule appartenait à l'extrême-droite, qu'elle était le décalque exact du "judéo-bolchévique" brandi naguère par les pires gens pensables. Ça ne t'a pas arrêté. Combien moins cela t'arrêtera, maintenant que l'expression saute de bouche en bouche sur toutes les lèvres de la République, de Bernard Cazeneuve à Marine Le Pen en passant par Jean-Michel Blanquer ou Manuel Valls ! Ça y est, c'est entériné : le mot porte le sceau de l'officialité – et c'est que ce doit exiger de s'armer d'une bravoure immense, que de parler comme toutes les bouches sur toutes les canaux où des bouches parlent ! Prenons le mot, donc, puisqu'il est adopté.
(...)
[Ce passage me semble particulièrement juste] :
Les communautés, en règle générale, j'en pense rien ; c'est à peine si je sais que ça existe, et généralement, quand ça existe, je crois que c'est surtout parce qu'il y a des gens comme toi pour dire : "ces gens-là", qui ainsi assignent des individus divers à une catégorie unique et qui, par l'acte même d'assigner, produisent chez ces individus une communauté réelle de condition et d'intérêts qui est de devoir réagir à l'assignation. (En un autre temps, déjà, Jean-Paul Sartre expliquait que c'est l'antisémite qui, en décidant qu'il y a une "question juive", fait le Juif.)
(...)
Et c'est pourquoi, dans mes leçons d'EMC, je transmets l'idée que vivre libres, ça commence par tolérer que la liberté d'autrui m'offense. Qui sait, peut-être finirai-je, moi aussi, assassiné pour cela ? Peut-être sera-ce par un intégriste, parce qu'un intolérant religieux aura hurlé en ligne contre une caricature que j'aurai diffusée ? Peut-être sera-ce par un fasciste, parce que toi (oui, toi), tu auras hurlé en ligne contre une séance trop islamo-gauchiste à ton goût – peut-être m'auras-tu traité de "collabo" et un fou furieux se sentira-t-il de ce fait la fibre d'un résistant en saisissant une arme à feu ? Toi comme l'intolérant religieux, au fond, avez cela en commun : vous supportez si mal l'offense ! À mes yeux, tu es son reflet. Vous faites à vous deux une espèce d'hydre à deux têtes. Ton intolérance et la sienne sont strictement symétriques. La sienne prépare le terrorisme intégriste ; la tienne prépare le terrorisme d'extrême-droite ; à la fin, les deux prennent les armes, et cette guerre, c'est votre œuvre commune.
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Mais on en est là : un assassinat terroriste a été commis contre un professeur qui enseignait la liberté, et la réaction dans tout le pays consiste, au lieu de camper solidement sur le droit et de combattre l'intégrisme et le terrorisme avec l'arsenal juridique qui le permet déjà, à perdre la raison, à renoncer aux libertés publiques, à envisager d'adopter des lois d'exception ou de modifier la Constitution pour n'avoir pas à être tenus par nos propres règles de droit [ta réponse, c'est de dire que dans ce cas, tu vas réécrire la loi. Réécrire la loi parce qu'elle ne te convient pas, parce qu'elle ne te permet pas d'asseoir ta loi comme toi, tu l'entends : mais qui donc est le séparatiste ?]
(...)
De petits séparatistes, c'est toi qui es en train d'en fabriquer, en ce moment-même, car ta rhétorique sépare, sans cesse. Ton ennemi juré, ton reflet, l'intégriste, ne rêve que de ça. Tu te crois inflexible, mais tu lui concèdes tout. Tu es en train de faire le travail pour lui. Tu instilles son poison. Ton poison. C'est le même. Et de ceux dont tu n'obtiendras pas la haine, tu gâches juste la vie.