chris24 a écrit:Par exemple Winston est représenté de manière plutôt avenante, dynamique, en pleine forme. Mais dans le roman il est plutôt usé, monter les escalier lui est pénible, de même que sa gymnastique matinale obligatoire, son corps est déglingué. Sans doute un corolaire de la nourriture rudimentaire qu'on lui sert tous les jours.
Dans le roman il y a bien plus l'accent sur l'état de délabrement de la ville, d'usure, de saleté et de pauvreté. Tout sert le parti (les matières premières), la propagande parle sans cesse de record de production mais leur quotidien est un monde délabré où il manque de tout et où toute l'infrastructure s'en va à vau-l'eau. Ça m'avait fait penser à un mélange de la Chine Maoïste où on a réquisitionner tout le métal pour l'effort militaire du parti et de l'URSS et Allemagne de l'est période guerre froide avant la tombée du mur. C'est peut-être l'élément qui manque le plus dans cette adaptation. Dans la BD, hormis la cité de la plèbe, la ville technocratique semble plutôt performante, dans le roman tout est vieillot et tombe en désuétude, y compris la ville-cœur du pouvoir.
Tout ceci colle avec la décision de l'auteur (telle qu'il la raconte dans son interview au Figaro) de représenter le personnage principal en costume plutôt qu'en bleu de travail comme dans le roman.
C'est un parti-pris qui peut se défendre mais que j'ai pour ma part du mal à admettre. Je ne comprends pas que l'on ne voit dans cette modification qu'une simple "touche de modernité", comme l'auteur le dit à nouveau dans l'interview au Figaro.
L'adaptation de Fido Nesti est graphiquement beaucoup moins spectaculaire mais, sur ces points qui me paraissent essentiels, elle est beaucoup plus proche du roman.
Je suis souvent très frileux par rapport aux bande-dessinée adaptées de romans, a fortiori quand ce sont comme 1984 des romans que j'ai lus. Je préfère quand l'auteur s'affranchit librement du matériau de départ mais comme on se situe ici dans le cadre d'une adaptation qui joue la fidélité, les points soulevés ici me font tiquer et coupent mes envies d'achat et de lecture.
Bon, à part ça, le travail graphique est superbe et digne de tous les éloges. Et je ne doute pas que l'album soit dans son ensemble une résusite.
Tant pis pour moi, donc. Je crois que je vais plutôt relire le roman.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"