Par commodité : PNS = programe non-stop et HA = fascicule Héroïc-Album.
Je viens de relire dans le tome 11 paru en décembre 2020 aux éditions de l'Elan,
les trois récits qui forment l'histoire des "cerveaux volés" :
les Chevaliers de l'Apocalypse,
On a volé des cerveaux et
L'Effroyable armée.
Il se trouve qu'impatient de recevoir ce tome 11 (commandé en décembre), je n'avais pu m'empêcher de relire, plus ou moins à la veille de Noël, le tome 7 de l'intégrale Niffle, où figurait déjà cette histoire des "cerveaux volés".
Je viens enfin de comprendre pourquoi cette lecture de l'album Niffle ne pouvait m'apporter une totale satisfaction. Il y manquait le sel qui donne sa saveur au tout récent tome 11.
L'ensemble que représente la suite chronologique de ces trois récits complets complétée par des strips, demi-planches ou planches complètes ressortissant au programme non stop
(c'est l'équivalent de cinq planches qui viennent s'ajouter aux trois chapitres de respectivement 13, 12,5 et 13 planches) est en définitive une véritable pépite
(j'y reviendrai dans un post ultérieur) dans l'œuvre de Maurice Tillieux.
Je n'en connaissais jusqu'à ce jour que les versions publiées antérieurement, c'est-à-dire, amputées (et parfois mal montées !) et désormais quelque peu obsolètes.
Si l'essentiel y figurait, pour la compréhension de l'intrigue policière et un suspense soutenu, l'ensemble manquait un peu de liant. Ce qui faisait défaut, dans les anciennes versions, c'est l'équivalent en matière culinaire de la pincée de poivre, de sel, de coriandre ou de persil qui donne sa saveur parfaite au plat ; c'est le crépi extérieur de la maison ou du mur d'enceinte, ou encore certaines finitions intérieures, non encore effectués : sans pour autant rendre le logement inhabitable, l'agrément dans la jouissance du bien n'est pas le même que celui de l'immeuble totalement achevé.
Tout d'abord, les premières pages de chacun des trois récits ne bénéficient pas (dans la version Niffle) de la mise en couleur originelle ni du bandeau titre propre aux Héroïc-Albums et participant au charme esthétique vintage irremplaçable de ces histoires dans leur jus de 1956. Il y a donc une plus ou une moins value en fonction de ce seul critère.
En outre, la plupart des programmes non-stop sont absents, à l'exception d'un seul : une demi-planche provenant du PNS du fascicule Héroïc-Album n°14. Il s'agit de la chute d'un gag dont la construction démarre dans le numéro précédent, le fascicule HA 13. Inutile de préciser que sans la demi-planche du fascicule 13, le gag du fascicule 14 tombe complètement à plat.
Ce demi-gag, ainsi casé, ne vient finalement que combler un espace vacant dans le tome 7 du bouquin de Niffle. Sans apporter au lecteur autre chose que cinq jolies vignettes à contempler
(Tillieux est alors au mieux de sa forme en 1956), amenant un sourire là où on devrait franchement éclater de rire.
Si on pousse un peu plus loin l'analyse, ce gag
(cohérent et parfaitement amené) qui se déroule dans un magasin de fringues où Allume-Gaz vient acheter une robe pour Linda devant remplacer celle mise en charpie au cours d'une évasion en milieu marin dans l'épisode On a volé des cerveaux (HA 10), trouve en fait son origine dans un premier strip du PNS figurant dans le HA 11. Le gag se poursuivait ensuite sur une planche de trois strips dans le HA 12. Et son acmé se trouvait pile à cheval sur la dernière vignette de la demi-planche du HA 13 et la première vignette de la demi-planche du HA 14, qui comportait la chute jubilatoire. Chute qui trouvait un prolongement dans le PNS du HA n°15.
Enfin, ce gag du HA 14 (bancal parce qu'amputé de son développement dans le HA 13) se trouve placé avant le récit du HA 6 dans l'album de Niffle !...
Il est ainsi sans queue ni tête.
On ne sait pas pourquoi Allume-Gaz se trouve dans une boutique de fringues ni pourquoi une cliente se retrouve en sous-vêtements par sa maladresse, ni pourquoi Allume-Gaz passe pour un satyre aux yeux des autres clientes, ulcérées (D'aucune souhaite sa condamnation à mort !...).
Pour résumer, il faut savoir que l'histoire des Cerveaux volés, dans sa totalité, nécessite de réunir le matériel contenu dans les fascicules 4 à 16 des Héroïc-Albums (même si certains strips ou demi-planches du programme non-stop ne sont pas indispensables à la compréhension de l'intrigue) :
HA 4 (PNS = 0,25 pl.)----------HA 5 (PNS = 0,25 pl.)-------HA 6 (récit 13 pl.)------------HA 7 (PNS = 0,5 pl.)
HA 8 (PNS = 0,5 pl.)----------HA 9 (PNS = 0,5 pl.)----------HA 10 (récit 12,5 pl.)---------HA 11 (PNS = 0,25 pl.)
HA 12 (PNS = 1,25 pl.)----------HA 13 (PNS = 0,5 pl.)-------HA 14 (PNS = 0,5 pl.)--------HA 15 (PNS = 0,5 pl.)
HA 16 (récit 13 pl.)
Or, l'album que voici :
ne comportait, dans cette succession non orthodoxe, que le matériel des fascicules 14, 6, 10 et 16.
L'unique demi-planche de programme non-stop afférente à l'histoire des cerveaux volés étant la chute
(absconse, par définition et pas drôle, du coup) d'un gag burlesque amputé de l'enchaînement des cases devant conduire à une chute rigolote ne figurant pas du tout au bon emplacement (comme dit plus haut). Ainsi vidé de sa substance (gag d'une planche ramené à une demi-planche), le gag (acmé en première vignette !) est un flop dans l'album Niffle.
En revanche, on se fend la poire avec l'album des Editions de l'Elan qui rétablit la bonne succession des vignettes.
Je reviendrai dire pourquoi je trouve cette histoire particulièrement plaisante et pourquoi elle se hisse parmi les grands récits policiers de Maurice Tillieux (pas seulement parce qu'elle est rehaussée de ses PNS, mais en partie).