de D H T » 04/12/2012 13:20
Je n'ai pas encore lu dans le détail toutes les interventions certainement passionnantes autant qu'argumentées de ce sujet, mais mon point de vue sur la question est simple: la bande dessinée possède ses titres de noblesse depuis bien longtemps, d'une époque sinon antérieure, du moins contemporaine aux premiers balbutiements de la peinture. La BD, à la base, représente l'un des arts les plus fondamentaux qui soient, dans l'articulation étroite entre la narrativité, le signe linguistique graphique et la figuration. D'abord il y aurait eu le chant, ensuite la BD avec le sang, la terre, la roche. S'ensuivirent de longs siècles de religiosité fondateurs des civilisations où tous les arts ont continué à se forger dans la transmission d'un message.
En comptant une dizaine d'arts aujourd'hui, en fait davantage si l'on rentre dans le détail, la BD arriverait chronologiquement en deuxième position. Alors que la musique s'est imposée d'emblée comme une inspiratrice universelle et cosmique, la BD apparaît comme la maman de tous les arts visuels et de la littérature. Seule la modernité, mais la modernité en tant que telle, pas la modernité de la bande dessinée, se rend coupable d'usurpation dérisoire en prétendant avoir inventé un art nouveau, jeune, qui n'existait pas du tout auparavant. La modernité a permis un certains nombre de progrès en même temps qu'une certaine arrogance ainsi qu'un aveuglement, une exagération de ses propres mérites, voire in fine un manque d'auto-critique.
Certes des codes spécifiques ont émergé, s'ajoutant à la banalisation de l'imprimerie, au fil des siècles, comme mode de production et de diffusion en série. Et de véritables oeuvres d'art voient encore le jour dans la BD actuelle. Mais en tant qu'art, en tant que matière à fascination pour l'objet en tant que tel, elle est anciennement noble, autant que l'humanité. Même dans sa dimension de divertissement pur, honnête, potable en somme, elle mérite le respect si elle apporte évasion, fraîcheur et spontanéité. Disserter sur la qualité du divertissement nourrirait un autre débat. Dans la BD comme partout ailleurs, l'oeuvre d'art et a fortiori le chef d'oeuvre restent l'exception. La musique, la peinture, le cinéma et le roman peuvent-ils prétendre mieux? Non.