Ce qui est assez "drôle", au final, avec cette mention "Classique", c'est le télescopage très délicat tissé entre passé et présent, esprit
vintage et aventure moderne : on comprend en effet d'abord que, à l'instar des séries
Buck Danny Classic et T
anguy et Laverdure Classic, ce
Spirou Classique retourne aux "sources" de la série, du moins dans les années 1950-1960, à défaut des années 1930-1940, alors que la série principale privilégie un peu plus notre époque contemporaine. Ce dernier point, avéré sous l'ère Vehlmann et Yoann, est par ailleurs loin d'être toujours une évidence, depuis la parution du rétrofuturiste
La Mort de Spirou.
Or, pour nombre de lecteurs et fans, éditeur compris, la période dite "Classique" de
Spirou est clairement synonyme de Franquin (et, dans une moindre mesure, de Fournier) : en résumé, les véritables "Classiques" de la série désignent bien, et prioritairement, les albums de Spirou numérotés de 1 (ou 2...) à 29, qui furent publiés de 1950 à 1980. Dès lors, et même si de nouveaux titres viennent s'intercaler entre les anciens (chose déjà réalisée avec divers titres "Spirou vu par..." ou HS tel
Spirou chez les Soviets), l'appellation "Classique" interroge. Beaucoup plus en réalité dans l'univers
Spirou, passé de mains et mains et repris par un grand nombre d'auteurs, avec autant de périodes successives (pour certains lecteurs, les "Classiques" sont les titres initiés par Tome et Janry, et lus pendant leur enfance/adolescence), que dans les univers de
Buck Danny et de
Tanguy et Laverdure, deux séries qui ont la grande particularité d'être immédiatement identifiables dans leur rapport au temps/classique, ce au travers de deux aspects intrinsèques et fondamentaux : la technologie avionique déployée et la période historique concernée (années 1940-1960 ou non...). Or, aucun de ces deux aspects n'est un marqueur incontournable des aventures de
Spirou, au-delà - dans certains albums plus que d'autres - du rapport à la Seconde Guerre mondiale et du lien avec le genre science-fiction (robots, appareils volants, inventions et gadgets divers).
Le classicisme revendiqué est, me semble-t-il, la volonté de rejoindre stylistiquement l'esprit Franquin (associé à Greg), en imitant une recette considérée comme le Graal absolu : un objectif et idéal déjà revendiqué annuellement par les héritiers de Jacobs (idem en ce qui concerne Astérix, etc.), dont les titres se fondent jusqu'au mimétisme dans les interstices du mythe
Blake & Mortimer, sans jamais avoir marqué les albums au fer rouge d'un quelconque "Classique", "Vintage", ( à peine "HS", avec "Une aventure de Blake et Mortimer"... dans une logique calquée sur "Spirou vu par..."), se contentant d'un "D'après les personnages d'Edgar P. Jacobs". Si la mention "classique" désigne désormais une nouveauté cherchant à imiter l'ancien, attention à ne pas nourrir une certaine confusion auprès des lecteurs, en faisant perdre de vue les véritables chefs-d'œuvre littéraires de l'âge d'or de la BD franco-belge. Ces albums de Franquin et Fournier qui mériteraient bien pour le coup une toute nouvelle édition enrichie les désignant pleinement comme... "Les Grands Classiques" ?