e m a écrit:Lu Les Bienveillantes, de J.Littell...
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Certaines scènes sont bien violentes, bien crades, ça risque de déranger, ça ne plaira pas à tout le monde.
e m a écrit:Pour un premier roman (?), JL a fait fort.
MLH a écrit:e m a écrit:Lu Les Bienveillantes, de J.Littell...
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Certaines scènes sont bien violentes, bien crades, ça risque de déranger, ça ne plaira pas à tout le monde.
C'est clair que certaines scènes sont dures mais dans l'ensemble c'est assez remarquable. Je comprends cependant qu'on puisse aussi ne pas aimer du tout
MLH a écrit:e m a écrit:Pour un premier roman (?), JL a fait fort.
En fait, c'est on deuxième roman
Ex-surfer, ex-trafiquant de drogue, Sam Fahey vit désormais en reclus, à la frontière des Etats-Unis et du Mexique. Son quotidien de petit jardinier en vermiculture est bousculé par l'irruption de Magdalena, jeune Mexicaine poursuivie par des tueurs. Magdalena travaille pour une avocate qui s'attaque aux industriels pollueurs et aux cartels qui exploitent les clandestins. A ses côtés, Sam retrouve la volonté de combattre. Tijuana Straits est un grand roman noir lyrique et tendu, qui parle de corruption et d'amour, d'engagement militant et de rédemption — mais aussi de cette vague légendaire, rêve ultime des grands surfeurs.
J’avais pensé à Éloge des vaincus. Mais il fallait avoir lu mon petit texte pour comprendre ce titre-là : les vaincus ? ceux que liquida le 9 Thermidor, avec, en quarante-huit heures, la plus belle fiesta de la guillotine, plus de cent dix têtes coupées le 10 et le 11. Ceux qui avaient cru en la Révolution, en une révolution où non pas seulement seraient changées les structures, mais d’abord et avant tout serait modifié le regard de l’homme sur la vie, et l’emploi de ses jours. Immédiatement limpide, en revanche, ce titre : Silence aux pauvres !
Deux raisons m’ont comme poussé par les épaules pour me dicter ce... quoi ? dirai-je, à la cuistre, ce précis des événements qui se déroulèrent chez nous de 1789 à 1799, ce résumé didactique de la Révolution ? Premier mobile : l’état violent d’« insupportation » (ce néologisme est de Flaubert) que je dois à l’étalage tintamarresque et péremptoire d’une doctrine où la Révolution, d’une part, se dilue sur près d’un siècle, et d’autre part — c’est ça, la grande trouvaille — dérape (tel est le mot-clé, le mot de passe, le label d’initiation), dérape, oui, très vite ; dès la Législative, le mal est fait ; autrement dit, la sagesse eût été un gouvernement à la Louis-Philippe. Et donc la République relève d’un dérapage. Pas mal, non, pour le Bicentenaire ? Original, en tout cas.
L’autre mobile qui s’est emparé de mon stylo pour lui donner la fièvre, c’est l’affaire de la Propriété, dont je trouve qu’on l’oublie un peu trop dans les récits et commentaires usuels sur la Révolution. Ce qu’il faut savoir, et capitalement, c’est que, dès la réunion des États généraux, une grande peur s’est déclarée ches les honnêtes gens — formule, je crois bien, que nous devons à La Fayette ; honnêtes gens = gens de bien, gens qui ont du bien, des biens ; au vrai, les possédants, face à ceux que l’on va exclure du droit de vote et de la garde nationale, les non-possédants, les gens de rien. Robespierre est un des rares — des très rares — révolutionnaires à souhaiter chez les exploités (des champs et des villes) une conscience-de-classe. Il n’y parvient pas. Trop tôt. Attendons l’expansion industrielle du siècle suivant et les concentrations de prolétaires. En revanche, chez les gens de bien, elle est là, dès 89, la conscience-de-classe, vivante, je vous l’assure, lucide, effarée, agressive ; il n’est, pour s’en rendre compte à ravir, que de regarder et d’écouter madame de Staël, Sieyès, Barnave et cent mille autres. Et tout va se jouer sur ce sujet même, avec l’épouvante (croissante pendant plus de cinq ans) de ceux qui ont en présence de ceux qui n’ont pas, qui n’ont rien et qu’il s’agit, à tout prix (et constamment) de surveiller et de contenir d’abord par le déploiement avertisseur de la force, le 14 juillet 1790, ensuite par son usage crépitant et persuasif, le 17 juillet 91.
Les trois assemblées qui vont gouverner jusqu’au Directoire : l’Assemblée nationale, la Législative, la Convention, seront toutes les trois — la Convention aussi — composées de propriétaires. La première, au lendemain des émeutes rurales de juillet 1789, aura soin de doter la Propriété d’un attribut inédit, renforcé, solennel (1). Et nous admirerons Danton, le jour même où la Convention tiendra sa première séance, apportant au soutien de la fortune acquise un adverbe inattendu, et grandiose (2). Odieux, intolérable, ce Robespierre qui ose, en avril 1793, proposer une limite officielle au droit de propriété. Il est fou ; un malfaiteur, un anarchiste.
Enfin les honnêtes gens vont respirer, le 9 Thermidor (3). Quelle délivrance ! Ne s’est-on pas risqué, au Comité de Salut public (automne 93), à intervenir dans l’ordre économique — établissement d’un maximum pour le prix des denrées — alors que le dogme des Girondins comportait une abstention rigoureuse, absolue, de l’État en ce domaine. C’est la Convention — eh oui ! elle-même —, ayant repris son vrai visage et jeté le masque qu’elle s’imposait par effroi des robespierristes, qui va saluer d’acclamations Boissy d’Anglas énonçant, à la tribune, cette vérité fondamentale : « Un pays gouverné par les propriétaires est dans l’ordre naturel. »
Imparfaite, insuffisante, la rectification thermidorienne. Le principe républicain subsiste, redoutable en soi quant à l’essentiel. Brumaire fermera la parenthèse sinistre ouverte par le 10 août 92 et le suffrage universel. Plus d’élections du tout, ni de République, mais le bonheur, la béatitude reconquis par Necker et ses amis banquiers. À la niche (4), une bonne fois, les gens de rien.
H. G.
1 « Je crains [...] que l’on n’appelle guère l’attention sur un détail, qui a son prix, dans ces nouvelles Tables de la loi [la Déclaration des droits de l’Homme, 26 août 1789]. C’est à la fin, et cela concerne la Propriété. Surgit là un adjectif inédit dans cette acception : la propriété, dit le texte, est inviolable — mais oui, mais bien sûr, entendu ! — et sacrée. Une épithète jusqu’alors réservée aux choses de la religion. » (pages 32-33).
2 « La Convention a tenu sa première séance le 21 septembre, et Danton prononce un discours où figurent les mots-clés qu’exige le moment : Peuple français, sois rassuré ! Voici la République. Tu n’as que des bienfaits à attendre d’elle, et quant aux propriétés, quelles qu’elles soient, elles seront éternellement respectées, protégées. Cet adverbe est inusuel dans la langue juridique. » (page 88).
3 Robespierre sera guillotiné le 10 Thermidor.
Hugo disait de l'histoire qu’elle était à refaire et qu’elle devait entrer "dans la voie des aveux".
Le livre de Henri Guillemin sur la guerre de 1870 (la déclaration de guerre, les premiers combats, le 4 septembre, le jeu de Thiers et de Bazaine) est assurément de l’histoire neuve.
C'est la guerre, cette "curieuse guerre", étudiée dans la vérité, enfin, de ses déterminations politiques. Tout a été commandé, dans cette affreuse aventure, par la politique intérieure ; et Napoléon III lui-même l'a reconnu.
Une telle perspective est la seule qui permette de comprendre ce qui se passa, réellement, à Metz, par exemple, ce que fut, au vrai, la mystification du 4 septembre, et comment Bazaine, Trochu, Thiers et Jules Favre ont tout fait pour que se levât, infailliblement la tempête de la Commune.
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