Le Monde 06 juillet 2023 a écrit:A Angoulême, la mort d’un Guinéen lors d’un contrôle de police suscite des interrogations
Alhoussein Camara se rendait à son travail le 14 juin lorsque des policiers ont voulu le contrôler. Il a été tué d’une balle dans le thorax. Par Julia Pascual (Angoulême, envoyée spéciale)
« C’est l’histoire d’un homme qui ne fait pas d’histoire, donc il n’y a pas d’histoire, même après sa mort. » Luc Marteau est délégué de la Ligue des droits de l’homme à Angoulême. Et, trois semaines après le décès d’un jeune Guinéen, Alhoussein Camara, 19 ans, tué mercredi 14 juin par un policier lors d’un contrôle routier, il s’interroge. Qu’est-ce qui fait qu’un drame, comme celui de Nahel M., mort dans le même contexte, peut trouver une résonance nationale, quand un autre, qui lui ressemble, est cantonné à une relative indifférence.
Alhoussein Camara se rendait à son travail, le 14 juin vers 4 heures du matin. Depuis quelques semaines, il enchaînait les missions d’intérim dans un entrepôt logistique d’Intermarché, en périphérie d’Angoulême, de 5 heures jusqu’à la mi-journée. Avant l’aube, il avait quitté le studio du foyer de jeunes travailleurs où il résidait depuis un an et demi – tout proche de la gare d’Angoulême –, au volant de sa Peugeot 307. « On prenait la route en même temps, rapporte Ousmane Conde, un Guinéen lui aussi préparateur de commandes intérimaire. Le jour où il a été tué, je me souviens de l’avoir vu dans le rétroviseur de ma voiture. Je suis arrivé au feu qui amène sur RN10, je suis passé au vert et lui a stoppé. » Il n’est jamais arrivé au travail.
Alhoussein Camara aurait commis un refus d’obtempérer qui lui a coûté la vie. C’est en tout cas ce qu’ont rapporté les policiers dans le cadre de l’enquête pénale en cours, selon la procureure de la République à Angoulême, Stéphanie Aouine. Une patrouille de police aurait repéré le jeune homme dans le centre-ville, sa voiture « zigzaguant ». Les agents auraient essayé de l’interpeller, en vain. Ils l’auraient donc suivi sur environ 5 kilomètres, « à allure réduite ». A la sortie d’Angoulême, tandis qu’une seconde patrouille de police arrive en renfort et « tente une première fois de l’intercepter », le conducteur aurait accéléré.
Sous un pont, en contrebas de la RN10, Alhoussein Camara se serait arrêté à un feu rouge. Les deux voitures de police l’auraient enserré. Pour échapper au contrôle, il aurait fait marche arrière puis « orienté le nez du véhicule vers un autre policier qui s’approchait de lui ». « Touché aux jambes lors de cette manœuvre, [le policier] fait usage simultanément de son arme de service (…) au niveau du haut du corps », rapporte le parquet. Alhoussein Camara décède, atteint d’une balle dans le thorax. Le policier, lui, présente une entorse au genou.
Garçon sans problème
Maya Biret ne comprend pas. La jeune femme de 20 ans a connu Alhoussein Camara en 2019 dans un foyer de l’aide sociale à l’enfance où elle venait d’être placée après des « problèmes familiaux ». Elle a tout de suite sympathisé avec les Guinéens, pris en charge en tant que mineurs isolés. Quand, le 14 juin, la rumeur a circulé qu’un Guinéen avait été tué lors d’un contrôle de police, jamais elle n’a pensé qu’il pourrait s’agir d’Alhoussein Camara. « C’est quelqu’un d’intelligent. Il avait sa carte de séjour, sa carte grise, son assurance, son permis de conduire. Il ne fumait pas, il ne buvait pas », énumère Maya Biret. Le parquet a précisé qu’Alhoussein Camara n’était connu ni de la police, ni de la justice.
Interrogés, plusieurs proches décrivent un garçon sans problème, venu en France pour aider sa famille au pays. Titulaire d’un CAP cuisine, il avait un temps travaillé comme cuisinier dans un Buffalo Grill. « Il était sage et respectueux », assure Ousmane Conde. « Il participait aux activités collectives, il était très jovial et sociable, témoigne la directrice adjointe du foyer de jeunes travailleurs, Emmanuelle Croisé. Ça nous a surpris qu’il fasse un délit de fuite, ça ne ressemble pas à son comportement. » « Après tout ce qu’on a traversé, je n’arrive pas à croire qu’il ait essayé de faire du mal à un policier, ajoute Kerfalla Camara, un Guinéen qui avait connu Alhoussein Camara au Maroc, sur la route migratoire, avant de le retrouver par hasard à Angoulême. On est venus en France pour chercher notre vie, pas pour créer des problèmes. » « Juste pour le kiffe, on rigole, on s’amuse », avait écrit Alhoussein Camara sur son profil TikTok, où il postait notamment des vidéos de lui en train de breaker.
Plusieurs éléments troublent encore Maya Biret, qui est allée voir le corps de son ami à la morgue et est persuadée qu’il avait des ecchymoses sur le visage. Quand elle observe une photo de la Peugeot 307 diffusée sur le site de France Bleu après le drame, elle s’étonne : « Le pare-brise n’est pas abîmé donc on ne lui a pas tiré en face », remarque-t-elle. Interrogé sur ce point, le parquet n’a pas donné suite.
« Pas de témoins, pas de vidéo »
Jeudi 6 juillet, des membres de la famille d’Alhoussein Camara en Guinée devaient se constituer parties civiles et demander un dépaysement de l’instruction judiciaire, « compte tenu de la proximité professionnelle entre les fonctionnaires impliqués et les magistrats », précise l’avocat de la famille, Arié Alimi.
Le 28 juin, le policier auteur du tir, âgé de 52 ans et membre d’une brigade de nuit de police secours, a été mis en examen pour homicide volontaire et placé sous contrôle judiciaire avec une interdiction d’exercice professionnel. « Il n’y a pas de présomption d’innocence pour nous », regrette Sébastien Seguin, délégué du syndicat de police Alliance en Charente et « camarade de promo » du mis en cause. Il s’étonne que « la mise en examen a eu lieu juste après l’affaire de Nanterre. C’est peut-être pour faire un exemple ». Il décrit du reste un collègue « anéanti » et regrette que, face aux forces de l’ordre, « il n’y a plus de respect ».
Après la mort d’Alhoussein Camara, « des petites poubelles et des palettes ont brûlé dans plusieurs quartiers d’Angoulême, mais ça n’a pas pris davantage feu, car il n’était pas identifié comme un jeune de cité », estime un travailleur social. Après la mort de Nahel M., en revanche, des voitures ont été incendiées, du mobilier urbain détruit, des postes de police attaqués ou encore une Maison des habitants incendiée.
« Pour Alhoussein, on n’a pas de témoins, pas de vidéo, et ce n’est pas la même communauté », fait remarquer Sonia Sylla, une mère de famille mariée à un Guinéen et aujourd’hui active au sein du collectif Justice pour Alhoussein Camara. Après la mort du jeune homme, un rassemblement spontané a eu lieu, dans le centre-ville, le 14 juin. « Il y avait de la colère », se souvient Mamadou Coulibaly, 20 ans, qui a été interpellé, aux côtés d’Ousmane Conde, et placé en garde à vue avant d’être laissé libre, sans poursuites, le lendemain. « Un policier m’a dit : si vous n’êtes pas content, il y a les avions pour rentrer chez vous, on va tous vous buter », rapporte-t-il.
Le samedi 17 juin, l’ambassadeur de Guinée est venu participer à une marche blanche qui a réuni quelque 800 personnes. « Il a fait un appel au calme et a beaucoup sollicité nos jeunes, rapporte Sonia Sylla. Il ne voulait pas qu’on entache l’image des Guinéens. »
Julia Pascual (Angoulême, envoyée spéciale)
Ça à l'air assez fou ce qui se passe dans les tribunaux en ce moment.
toque a écrit:pabelbaba a écrit:Mirdhynn a écrit:(Judiciairement aussi d'ailleurs, parce que les peines de prison inférieures à deux ans, on en connait l'utilité)
Des mecs qui prennent du ferme sur une première condamnation, c'est rare. Là ça a l'air automatique ou pas loin.
Ça à l'air assez fou ce qui se passe dans les tribunaux en ce moment.
Mirdhynn a écrit:marinacamille a écrit:C'est exactement ce que je me disais ce matin. Comment avoir confiance ? Qu'en est-il lorsqu'il n'y a pas de vidéo ?
Faut arrêter d'écouter les sirènes de l'apocalypse se dire que les policiers ne sont pas tous des tueurs et qu'ils sont beaucoup plus souvent là pour aider les gens.
Ce qui est arrivé reste de l'ordre de l'exceptionnel.
marone222 a écrit:OK pour dire que les politiques ne sont pas à la hauteur (quel que soit leur bord), mais je ne vois pas de raison de remettre en cause les décisions de justice.4 mois de prison pour un vol à l'étalage, ça peut paraitre étonnant, mais si on ne connait pas le contexte (dégradation ?, violences ? etc..), c'est difficile de juger...un jugement.
Perso, je fais confiance à la justice même quand ça ne m'arrange pas. Et je dis ça, sachant que le corps judiciaire est historiquement positionnée à gauche...
Mirdhynn a écrit:Dans ce cas là, il n'y a rien à faire. Si tu ne crois plus aucune personne assermentée, tu peux remettre en cause toute l'organisation de l'état
Mirdhynn a écrit:Anianka a écrit:Mirdhynn a écrit:Dans ce cas là, il n'y a rien à faire. Si tu ne crois plus aucune personne assermentée, tu peux remettre en cause toute l'organisation de l'état
la faute à qui ?
si on avait pas 100% des vidéos qui contredisent les flics, on leur ferait peut être confiance ...
comme dit précédemment, le bodycam obligatoire, ça leur permettrait déjà d'appuyer leurs témoignages, mais étrangement ils sont pas chaud les policiers ...
comme dirait Alan Moore : who watches the watchmen ?
Ouais mais bon, avec ce genre d'arguments, on peut aussi dire que tous les habitants des quartiers sont des hors la loi patenté, la faute à qui ?
alambix a écrit:Anianka a écrit:Mirdhynn a écrit:Dans ce cas là, il n'y a rien à faire. Si tu ne crois plus aucune personne assermentée, tu peux remettre en cause toute l'organisation de l'état
la faute à qui ?
si on avait pas 100% des vidéos qui contredisent les flics, on leur ferait peut être confiance ...
comme dit précédemment, le bodycam obligatoire, ça leur permettrait déjà d'appuyer leurs témoignages, mais étrangement ils sont pas chaud les policiers ...
comme dirait Alan Moore : who watches the watchmen ?
Ton patron te dit "je vais mettre une caméra au dessus de ton bureau", je doute que tu sois chaud.
Les caméras en France c'est toujours mal vu ... sauf quand ça fait tes affaires (le "tes" est généraliste).
Je doute d'ailleurs très franchement qu'on ait "100% des vidéos qui contredisent les flics".Anianka a écrit:
et ce qu'on demande c'est aux policiers de prouver ce qu'ils disent, ça me semble quand même un minimum non ?
c'est pas au suspect de prouver son innocence.
Tu te contredis !
Lorsque le policier est accusé d'avoir fait un usage disproportionné de la force ou d'avoir commis une bavure, c'est lui le suspect.
Donc, comme tu le dis : ce n'est pas à lui (le suspect) de prouver son innocence. Il n'a donc pas à prouver ce qu'il dit.
alambix a écrit:Je doute d'ailleurs très franchement qu'on ait "100% des vidéos qui contredisent les flics".
Anianka a écrit:vous avez des propos digne de la dictature mais vous ne vous en rendez même pas comte.
Frannck a écrit:
Pour toque, il semble que la mobilité sociale ne soit pas aussi misérable que les chiffres que tu donnes.
Anianka a écrit:et pour les vidéos, si, un article du Monde montrait que sur 100% des délits de fuite ou le mec avait été tué, quand une vidéo était disponible, elle contredisait les flics et donc avait entrainé une mise en examen ... et ça c'est sur des homicides, donc sur les affaires "courantes", j'ose pas imaginer la "souplesse" d'interprétation et la fidélité des rapports ...
Mirdhynn a écrit:marinacamille a écrit:C'est exactement ce que je me disais ce matin. Comment avoir confiance ? Qu'en est-il lorsqu'il n'y a pas de vidéo ?
Faut arrêter d'écouter les sirènes de l'apocalypse se dire que les policiers ne sont pas tous des tueurs et qu'ils sont beaucoup plus souvent là pour aider les gens.
Ce qui est arrivé reste de l'ordre de l'exceptionnel.
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