LEAUTAUD a écrit:Tiens, c'est aujourd'hui que l'historien Benjamin Stora remet à Macron son rapport sur la guerre d'Algérie et les problèmes qu'elle continue à poser à la société française (et algérienne).
Il est, entre autres missions impossibles, chargé de mettre en valeur des figures "exemplaires" de ce conflit, c'est à dire acceptables par tous (il n'en n'existe quasiment pas tant ce conflit fut meurtrier et atroce, l'ensemble du personnel politique, des deux côtés, est complice, activement ou tacitement, des horreurs perpétrées, de Malraux à Michelet, de Sartre à Jeanson, de Ferhat Abbas à Djamilah Bouhired, de Bigeard et Massu à Azzedine et Krim Belkacem).
Seuls ceux qui ont foutus le camp n'ont pas de sang sur les mains (mais aucun régime ne promeut ses déserteurs). J'ai eu comme collègue en 1969 un militant communiste qui, réfractaire à la guerre, s'était payé deux ans de cellule et y avait laissé une jambe mal soignée.
Comme Germaine Tillon est déjà au Panthéon, je n'en vois qu'un autre: le général de la Bollardière, un guerrier redoutable mais hostile à la torture., ou Maurice Audin, mathématicien sympathisant communiste, (assassiné par les paras de Massu), victime emblématique, avec Henri Alleg.
Camus, controversé, sera certainement cité.
L'avocat Pierre Popie est mort trop vite (assassiné par l'OAS) pour avoir marqué les esprits.
L'écrivain (magnifique) Mouloud Feraoun sera probablement cité (assassiné lui aussi par l'OAS)
Les paris sont ouverts...(mais les tombeaux aussi, hélas ! C'est pas demain la veille qu'un consensus pourra être dégagé sur cette guerre. Des ouvertures d'archives, oui, mais guère plus)
Bon, le rapport est sorti, et c'est comme prévu, de bonnes intentions, quelques pistes, rien de déterminant.
Stora évoque deux personnalités exemplaires (pas de général de la Bollardière ni aucun de ceux que je citais) deux avocats du FLN, Gisèle Halimi (que Aussaresses voulait faire assassiner) et Ali Boumendjel (que Aussaresses a réussi à assassiner).
Seul petit hic, malgré le courage de ces deux avocats, ils étaient au service du FLN et défendaient en 1957 les poseurs de bombe à Alger qui visaient des civils (bar, stade, etc...), un terrorisme aveugle inacceptable.
Deux poseuses de bombes en particulier : Djamila Bouhired et Djamila Boupacha, condamnées à mort (elles auront la vie sauve).
Impensables d'en faire des icônes acceptables par tous. (Stora téléscope les phases historiques en annexant les valeureux combats féministes ultérieurs de Gisèle Halimi, alors que seule la guerre d'Algérie doit être prise en compte)
Sur ce fait central que fut la torture (largement pratiquée par les deux camps)je maintiens que de Bollardière (seul officier général à s'être publiquement opposé à la torture) ou Maurice Audin, qui en fut la victime, possèdent le profil moral nécessaire pour être reconnus par les sociétés françaises et algériennes d'aujourd'hui. (à l'exception des extrémistes, incurables).