Brian Addav a écrit:Moi aussi je serais curieux de connaître comment se présente le scénario de Jul.
Parce que pour moi, la grosse faiblesse de cet album, ell ene vient pas d'Achdé, mais bien du scénariste.
Je l'avais déjà dit plus haut, mais les deux premières scènes, cad les 11 premières pages, sont assez pauvres, voir affligeante pour le tout début, et l'album ne prend un meilleur rythme qu'après, quand on retrouve le Achdé qu'on connaît.
Sur les deux premières scènes, où l'on passe 11 pages pour introduire deux nouveaux personnages, ce qui est beaucoup trop, j'ai m'impression que Jul a voulu faire du Jul, ce qui passerait très bien dans ses bds à lui, mais qui tombe à plat dans Lucky Luke, qui ne s'y prête pas.
Maintenant, pour ceux qui regrettent qu'Achdé ne fasse pas du Morris en terme de mise en scène, je pense que ce dernier a très bien conscience de ne pas avoir un scénariste capable de lui pondre un scénario lui permettant une telle mise en scène avec un lecteur au plus près de l'action.
Bon.
Après mon point de vue, je vais donc développer mon exemple.
Un cow boy à Paris, planche 1, dernière case.
Pour moi, les Dalton qui marchent, dans une planche, pour s’arrêter brutalement tout en bas en se rentrant les uns dans les autres, c’est de l’humour à la Lucky Luke.
Et peut-être (sûrement) que ça l’était aussi dans l’esprit de Jul. Mais dans l’album, non seulement ce n’est pas rigolo, mais en plus c’est maladroit et peu lisible (un comble, vous disais-je, venant de l’encensé « digne » successeur de Morris). Pourquoi?
Parce que le comique de Morris et Goscinny, dans Lucky Luke, et avec les Dalton par excellence, est construit sur la répétition: chez Morris, les Dalton qui marchent, c’étaient quatre silhouettes de profil, souvent en pied, répétant précisément les mêmes mouvements (Averell introduisant parfois des légères variations de mimiques). Et dans ce système, une chute doit fonctionner comme avec des dominos, chaque frère télescopant son prédécesseur exactement de la même façon, ce qui a pour effet d’amplifier (au moins tripler) l’effet comique.
Là, c’est bourré de fioritures. Achdé fait le malin avec un mouvement certes bien plus compliqué à dessiner (et de fait loin d’être terrible, mais là n’est pas le sujet), mais tellement moins efficace.
Je pourrais aussi parler des expressions exagérées des personnages dans cette même case (comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres), contribuant à cet effet de trop-plein; le dessinateur en rajoute des caisses, un peu comme quand Lucky Luke rigole pour que le lecteur comprenne que c’est drôle.
Mais je dois néanmoins reconnaître que le gag initial de Jul est bancal : Morris dessinait toujours les Dalton marchant en file derrière…Joe ! Soit le plus petit qui ouvre la marche, ce qui a obligé notre nouveau tandem à inverser l’ordre de la file, dans un convoi peu esthétique et déséquilibré.
Et d’un point de vue plus général sur le scénario, je me joins même à la critique sur le début poussif et l’histoire un peu longue à se mettre en place.
Mais je maintiens que l’on pourrait démonter, comme je l’ai fait, quasiment toutes les cases. Achdé est incapable de remettre en œuvre ce qui, précisément, a fait rire des générations de lecteurs dans Lucky Luke.
Et c’est justement pour cela que je serais curieux de voir le scénario de Jul, comprendre s’il est découpé (car c’est un dessinateur lui-même, ça compte souvent) ou s’il est juste rédigé, si Achdé a la main libre sur le découpage ou s’il s’en émancipe…