Les Enfants de Jessica (Pouvoir des Innocents)

[egoes]

Message précédent :

La maquette est différente, ce qui nuit à la cohérence de ces deux albums qui sont censés pourtant se compléter (voir photo ci-jointes).

Argh.... décidément !

[luc Brunschwig]

La maquette est différente, ce qui nuit à la cohérence de ces deux albums qui sont censés pourtant se compléter (voir photo ci-jointes).

Argh.... décidément !

Oui, on n'apprend rien de ses erreurs, c'est une dinguerie

[egoes]

Ces artistes, n'est-ce pas
Ceci étant, question souci du tome 1, ce n'est pas tant le fait que la couverture ne ressemblait pas à celles des tomes suivants... c'est le format, qui ressort du coffret.
Mais c'est sans doute trop tôt dans l'Histoire pour en parler...

[cormoran]

Splendide série hâte de lire ce dernier tome quelle aventure cette série.
Merci Luc pour ton récit

[xof 24]

Ces artistes, n'est-ce pas
Ceci étant, question souci du tome 1, ce n'est pas tant le fait que la couverture ne ressemblait pas à celles des tomes suivants... c'est le format, qui ressort du coffret.
Mais c'est sans doute trop tôt dans l'Histoire pour en parler...

Je pense que Luc et Laurent avaient vraiment envie d'une pleine couverture, et non un bandeau ...Le format "atypique" de la collection Neopolis des débuts étant un moindre soucis .

[xof 24]

Et je me rends compte que c'est le tome 2 qui ouvre le bal de la collection Sang froid. J'aurais mis une pièce sur un album de Chauvel.
Faut dire qu'il a eu une jolie production dans cette collection

[luc Brunschwig]

Quand j'attaque l'écriture du tome 3 de notre série, j'ai à peine 27 ans. C'est mon 4e bouquin (5e si l'on considère que j'écris en parallèle le tome 1 de l'Esprit de Warren).
Je suis un bébé scénariste qui n'a qu'une conscience très limitée de ce qu'est son écriture et de ce qui fera un jour sa marque de fabrique.
En fait, je n'ai conscience que de deux choses :
1) il n'y a pas meilleurs scénaristes en BD que Frank Miller et Alan Moore.
2) je partage avec eux un vrai goût pour les personnages et les destins et je suis déjà convaincu à l'époque que les histoires sont là pour révéler les personnages et non l'inverse (si les lecteurs se souviennent avoir croisé de "vrais" gens en refermant mes livres, il n'y a pas scénariste plus heureux que moi).
Alors, avec ce tome 3, je juge que le moment est venu d'aller vers ça. Au lieu de continuer d'accélérer le rythme et de miser sur les rebondissements classiques du thriller, je ralentis la cadence (sur deux tomes complets) et je décide de prendre le temps de révéler ce qui se passe dans la tête et dans le passé de certains personnages centraux, à travers de longs flash-backs.
Ca va en dérouter certains (qui regrettent qu'on sorte des codes et qui se sentaient bien dans cette cadence rythmée et intense) et ça va en surprendre d'autres très agréablement (qui ne s'attendaient pas à trouver tant de matière et d'humanité dans un simple thriller BD, qui pensaient être dans quelques choses de surprenant dans le forme mais pas dans la fond et qui vont adhérer à cette façon de raconter par les personnages plutôt que par les retournements de situation (même si il continuera d'y en avoir).
Aujourd'hui, c'est encore ce qui fait le charme de mon écriture auprès de mes lecteurs et ce qui irrite ceux qui n'adhèrent pas à cette façon de rompre volontairement avec les codes habituels d'une histoire qu'ils auraient préféré autre.
Ce qui n'ira pas sans poser quelques soucis au final avec notre éditeur.

[xof 24]

Ce qui n'ira pas sans poser quelques soucis au final avec notre éditeur.

Rhooo Comment que tu nous fais saliver

[fanche]

Pfff c'est d'une facilité ce cliffhanger

[Olivier_D]

Pour des tas de raisons, bonnes ou mauvaises, j'étais passé à côté du Pouvoir des innocents. Il y a tellement de trucs à lire, et dans les années 90, une telle saga politique ne me branchait pas trop, ça avait, vu rapidement, un côté un peu trash, j'ai dû tourner une ou deux fois autour en me disant que ce n'était pas pour moi.
De vous, j'avais lu L'esprit de Warren, que j'ai lu plusieurs fois, et que je vais relire très bientôt, j'ai été happé par l'histoire et puis je suis un grand fan de Servain, j'ai mes vieux albums en éditions originale qui trônent avec les albums plus récents de Servain.
Finalement, suite à ce fil qui a titillé ma curiosité notamment sur l'aspect "complot du bien" que je trouvais original et qui ne correspondait pas à l'idée que je m'étais faite faussement du Pouvoir, j'ai craqué. La semaine dernière, j'ai acheté la série complète du Pouvoir des innocents (dans l'ordre, vu que j'arrive après la bataille de la numérotation), je me suis enfilé les 14 tomes sur une semaine, et c'est une histoire qui reste en tête. C'est vraiment original effectivement, c'est mené tambour battant, on est drôlement immergé dans l'histoire. On s'attache aux persos, pas à tous, mais certains sont vraiment très plaisants et on voudrait bien qu'ils arrêtent d'avoir la poisse. Je ne suis pas un grand fan de Jessica par exemple, son côté grande dame patronnesse me laisse un peu froid, mais on peine beaucoup pour Josh et sa femme, Amy, et Lucy. On suit le destin de Steven avec empathie. C'est pas possible d'avoir autant accumulé les misères sur la tête de ce pauvre Josh, les scénaristes sont un peu des sadiques quand même
Les méchants sont abominables à souhait, ça compte de faire de bons méchants !
J'ai fini par dévorer un peu vite la fin (enfin, jusqu'à l'avant-dernier) et je suis sûr que je suis passé à côté de pleins de choses et que je suis bon pour tout relire plus posément. Certains albums ont un côté "pageturner" abouti, et plusieurs fois, je suis arrivé au bout assez surpris, je n'avais pas vu arriver la fin.
Au final, effectivement, ça ressemble plus à une écriture de série qu'à une BD classique, mais pour moi c'est un atout. Et l'ajout des deux cycles ajoute du poids à l'ensemble au lieu de l'affadir, ce qui n'est pas une mince réussite.

Résultat, c'est une série que j'ai beaucoup aimé, que je vais certainement offrir parce que mes potes amateurs de BD vont beaucoup aimer aussi. Merci de l'avoir écrite, merci de l'avoir conclue. J'arrive très nettement après tous les fans qui vous ont soutenu sur ces 30 ans, mais je voulais vous communiquer mon point de vue de nouveau lecteur.

[luc Brunschwig]

Le 4e tome du Pouvoir des Innocents a été une gageur. Je le redis, mais je n'avais finalement que très peu écrit à ce moment là de ma carrière... et les choses que j'avais écrites tenaient plus du thriller et de l'aventure (que ce soit le Pouvoir mais aussi Vauriens et L'Esprit de Warren), soit des récits construits sur une rythmique très cadencée : moment calme, rupture, surprise, découverte stupéfiante, effroi...
Avec ce tome 4, je veux tenter autre chose, sans être sûr d'en être capable. Ce nouveau tome est un long flash-back qui raconte comment Steven Providence, petit gars du Bronx, passionné de boxe, se retrouve dans le centre d'aide à la réinsertion sociale de Jessica Ruppert, une sociologue aux méthodes douces, convaincue que chacun à un rôle à jouer dans nos sociétés, à condition encore qu'on prenne le temps de trouver quoi.
On est plus proche ici de la chronique adolescente et sociale que du thriller et il faut que je trouve les solutions pour raconter tout ça, sans sombrer dans l'ennui, en arrivant même à glisser de l'émotion et un discours social et politique construit et déterminant pour la bonne compréhension de l'histoire et de ses implications.
L'album sort en 1998. Même accueil, encore une fois surpris de la direction prise par la série, mais soulignant la qualité d'ensemble (soulagement pour le scénariste qui était mort de trouille à la veille de sortir ce tome 4 si surprenant) et pourtant des ventes qui ne décollent toujours pas.
Au moment de signer le contrat pour le tome 5, Guy Delcourt nous renouvelle cependant sa confiance en nous confiant qu'en achetant le Pouvoir des Innocents, il pensait acheter le nouveau XIII et qu'il avait fini par comprendre que c'était de la BD d'auteurs (et là, on a bien senti que le mot "auteurs" n'était pas un jugement qualitatif, mais un gros regret).
Plus ennuyeux, on retrouve de gros problème d'impression et de reliure. Comme on n'est toujours pas dans le cadre d'un 46 pages classique, la maison d'édition a décidé de rabioter sur tout : imprimeur moins cher, reliure collée et (très) fragile et surtout un grammage de papier qui fait qu'on voit la planche suivante à travers la première.
Entre le départ de Sébastien, qui nous a laissé orphelin, les nouveaux problèmes d'impression et la remarque un peu troublante de Guy (et le fait qu'au bout de 4 albums on n'a toujours pas de promo sur nos bouquins), on est très mal dans nos pompes.
On est dans cet état d'esprit, quand on se retrouve à dédicacer à la Librairie Brüsel de Bruxelles, avec les gars Fred et Reynold, qu'on rencontre pour la première fois. Ils adorent notre série et s'apprêtent à lancer une feuille de chou, un mini journal à destination de leurs clients; Ils nous demandent si nous sommes d'accord pour être l'interview de leur numéro zéro ? on accepte, avec enthousiasme, un peu flattés, un peu tout à notre joie de l'excellente ambiance de cette journée bruxelloise. L'interviewer arrive, et ces premières questions sont moins des questions qu'une affirmation : c'est un honneur pour nous d'être édités par Delcourt, cet éditeur qui a renouvelé l'approche de la BD franco-belge. Sauf que nan, nous on est vénères contre lui à cause de tout ce que je vous ai expliqué plus haut et on se lâche un peu.
Au bout d'un moment, on se rend compte qu'on y va peut être un peu fort et on dit à l'interviewer que bon, voila, on a dit ce qu'on a dit, mais que ce serait pas un mal qu'il se le garde pour lui... et on passe aux questions suivantes.
Les jours passent, je m'apprête à partir pour le festival de Sierre, quand je reçois un coup de fil de Fred de chez Brusel... je sens vite qu'il est un peu gêné aux encoignures... et pour cause. C'est la première fois qu'il entendait dire des choses peu enthousiastes sur notre éditeur et lui et Reynold ont pensé important de le faire savoir à tous ces jeunes auteurs qui n'ont que son nom à la bouche. Du coup, de notre interview, ils n'ont gardé que nos propos sur l'éditeur. Moi, je suis tout pâle au téléphone et je lui dis que non, non, ce n'est pas possible, il ne peut pas nous faire ça... mais si ils l'ont fait. Je lui demande de ne pas sortir sa feuille de chou... mais trop tard. Ils ont envoyé une partie des journaux par la poste et c'est parti la veille. En fait il m'appelle pour me prévenir que je vais sans doute en entendre parler (tu m'étonnes).
Et il achève en me disant que comme nos propos leur ont paru particulièrement importants, ils l'avaient envoyé à toute la profession.
Je ne surprendrais personne en disant qu'avec l'éditeur ça a créé un froid, qui n'a pas été sans conséquence sur la suite de l'aventure.

[xof 24]

Rhooooo pinaise...celle là je ne l'avais pas vu venir.

[Jey]

Je vais faire mon chieur de service, mais à la fin de ce palpitant récit, serait-il possible d'avoir un préquel sur le comment du pourquoi du choIx de Hirn.
Le récit commence par l'incohérence lors de la rencontre entre le scénario et l'image de celui qui prétend l'avoir écrit ? Mais comment ça s'est passé ? Pourquoi avoi renvoyé le scénar à Laurent Hirn et pas un autre ? Etc ...

[luc Brunschwig]

Je vais faire mon chieur de service, mais à la fin de ce palpitant récit, serait-il possible d'avoir un préquel sur le comment du pourquoi du choIx de Hirn.
Le récit commence par l'incohérence lors de la rencontre entre le scénario et l'image de celui qui prétend l'avoir écrit ? Mais comment ça s'est passé ? Pourquoi avoi renvoyé le scénar à Laurent Hirn et pas un autre ? Etc ...

En fait, j'étais étudiant... et dans le cadre de mes études en publicité et marketing, deux jeunes filles sont venus nous proposer de reprendre leur projet d'un Carrefour de l'Illustration du Livre pour Enfants sur Strasbourg, en partenariat avec les Arts Décoratifs de la ville. Je venais d'écrire la moitié du premier tome du Pouvoir, mais comme j'étais d'une timidité crasse, je n'ai même pas amené mon travail sur le salon alors qu'il y avait une cinquantaine de dessinateurs dont certains qui se destinaient à la bande dessinée. Heureusement, sur ce salon, il y avait Joseph Béhé venu présenter son tout premier album (Pêché Mortel). 5 mois après le festoche, il recroise totalement par hasard une de mes copines de promo qui avait participé à l'organisation. Ils discutent et dans la discussion, pour une raison totalement obscure et folle, il lui demande (alors qu'il n'y a aucune raison qu'elle ait une réponse) si par hasard, elle ne connaitrait pas quelqu'un qui écrit, sachant que son copain Laurent Hirn veut se lancer lui aussi dans la BD. Virginie lui parle de moi. Il lui file les coordonnées de Laurent, que je contacte aussi sec.
L'accueil de Laurent est aimable mais pas foufou. Venant des arts décos où les progrès se font dans le travail d'équipe où chacun juge et bouscule le travail des autres, il est inquiet de savoir que je suis autodidacte et que je n'ai jamais montré mon travail à personne. Mais, il me donne ma chance. On se rencontre chez lui (quand il me voit maigre, chauve, avec des lunettes, il pense tout de suite à TAKA TAKATA le héros japonais du journal de Tintin, la première BD qu'on lui ai jamais offert).
J'ai amené le synopsis complet du premier tome du Pouvoir, Il le lit devant moi... en fronçant les yeux comme si c'était le truc le plus débile qu'il ait jamais lu (j'apprendrais après qu'il a cassé ses lunettes et qu'il fronce les yeux pour faire le point). Il est d'un enthousiasme surprenant. On discute pendant deux heures des personnages et de leur caractérisation. A un moment, il saute dans un tas de papiers et en sort un personnage qu'il vient de créer.. il me dit : ton Joshua, je le vois comme ça... et en voyant le dessin, je ne peux que lui répondre : moi aussi !!!

[xof 24]

Le 4e tome du Pouvoir des Innocents a été une gageur. Je le redis, mais je n'avais finalement que très peu écrit à ce moment là de ma carrière... et les choses que j'avais écrites tenaient plus du thriller et de l'aventure (que ce soit le Pouvoir mais aussi Vauriens et L'Esprit de Warren), soit des récits construits sur une rythmique très cadencée : moment calme, rupture, surprise, découverte stupéfiante, effroi...

Me permet de préciser...que Vauriens c'est à la base une idée de Laurent Cagniat. Ce qui explique peut être aussi la différence de traitement de cette série, et qui pourrait sembler fort différente du reste de TA production...

Entre le départ de Sébastien, qui nous a laissé orphelin, les nouveaux problèmes d'impression et la remarque un peu troublante de Guy (et le fait qu'au bout de 4 albums on n'a toujours pas de promo sur nos bouquins), on est très mal dans nos pompes.

Là , je me permets de préciser, toujours pour ceux qui ne savent...Sébastien Gnaedig est parti chez Les Humano. Et ce départ qui donc afflige Laurent et Luc, sera aussi peut être bénéfique pour Luc ?


Concernant le pataquès avec la librairie Brüsel, je n'en avais jamais eu écho. Je ne suis pas Belge...Mais j’espère que vous avez su leur rendre la monnaie de leur pièce, à l'époque...Car franchement ce n'était pas très sympa de leur part...

[Jey]

Je vais faire mon chieur de service, mais à la fin de ce palpitant récit, serait-il possible d'avoir un préquel sur le comment du pourquoi du choIx de Hirn.
Le récit commence par l'incohérence lors de la rencontre entre le scénario et l'image de celui qui prétend l'avoir écrit ? Mais comment ça s'est passé ? Pourquoi avoi renvoyé le scénar à Laurent Hirn et pas un autre ? Etc ...

En fait, j'étais étudiant... et dans le cadre de mes études en publicité et marketing, deux jeunes filles sont venus nous proposer de reprendre leur projet d'un Carrefour de l'Illustration du Livre pour Enfants sur Strasbourg, en partenariat avec les Arts Décoratifs de la ville. Je venais d'écrire la moitié du premier tome du Pouvoir, mais comme j'étais d'une timidité crasse, je n'ai même pas amené mon travail sur le salon alors qu'il y avait une cinquantaine de dessinateurs dont certains qui se destinaient à la bande dessinée. Heureusement, sur ce salon, il y avait Joseph Béhé venu présenter son tout premier album (Pêché Mortel). 5 mois après le festoche, il recroise totalement par hasard une de mes copines de promo qui avait participé à l'organisation. Ils discutent et dans la discussion, pour une raison totalement obscure et folle, il lui demande (alors qu'il n'y a aucune raison qu'elle ait une réponse) si par hasard, elle ne connaitrait pas quelqu'un qui écrit, sachant que son copain Laurent Hirn veut se lancer lui aussi dans la BD. Virginie lui parle de moi. Il lui file les coordonnées de Laurent, que je contacte aussi sec.
L'accueil de Laurent est aimable mais pas foufou. Venant des arts décos où les progrès se font dans le travail d'équipe où chacun juge et bouscule le travail des autres, il est inquiet de savoir que je suis autodidacte et que je n'ai jamais montré mon travail à personne. Mais, il me donne ma chance. On se rencontre chez lui (quand il me voit maigre, chauve, avec des lunettes, il pense tout de suite à TAKA TAKATA le héros japonais du journal de Tintin, la première BD qu'on lui ai jamais offert).
J'ai amené le synopsis complet du premier tome du Pouvoir, Il le lit devant moi... en fronçant les yeux comme si c'était le truc le plus débile qu'il ait jamais lu (j'apprendrais après qu'il a cassé ses lunettes et qu'il fronce les yeux pour faire le point). Il est d'un enthousiasme surprenant. On discute pendant deux heures des personnages et de leur caractérisation. A un moment, il saute dans un tas de papiers et en sort un personnage qu'il vient de créer.. il me dit : ton Joshua, je le vois comme ça... et en voyant le dessin, je ne peux que lui répondre : moi aussi !!!

Merci beaucoup

[olivier]

Pour ceux qui ne connaissent pas cette histoire très étonnante racontée par Luc

[luc Brunschwig]

C'est rien de dire que la réalisation du dernier tome de ce premier cycle est tendue. La maison d'édition ne nous adresse plus que lointainement la parole. Nous ne discutons plus de notre travail qu'avec Sébastien (qui lui travaille pour les Humanos, mais avec lequel je viens de signer une première série et que Laurent et moi voyons régulièrement (puisque Laurent assure le storyboard de la dite série)).
Et puisque faute avouée est à moitié pardonnée, on n'a pas fait grand chose pour arranger notre situation.
En fait, au lieu d'envoyer nos plus plates excuses aux Editions Delcourt, on leur a envoyé... une lettre recommandée leur faisant part de notre souhait de récupérer nos droits sur notre série tant l'atmosphère était devenue invivable et les chances que la série se termine dans de bonnes conditions franchement nulles.
Et là, miracle. On reçoit un coup de fil de Guy. Il nous explique qu'il est très malheureux de la situation, que le Pouvoir des Innocents est une série historique du développement de sa maison et qu'il est hors de questions pour lui de ne pas aller au bout de l'aventure. Pour apaiser les choses, il nous propose de prendre le contrat qu'on a signé, de le déchirer et d'en renégocier un nouveau dans lequel il incluera la promotion de ce dernier tome (ce qu'on accepte de faire, parce qu'à un moment, il faut savoir accepter la main qui se tend).
On se retrouve soudain avec un coffret qui contiendra les 5 volumes, 8 pages de suppléments à inclure dans le premier tirage, un article de 8 pages et une histoire inédite de 6 pages dans le PAVILLON ROUGE, le magazine que Delcourt vient de lancer, un dossier de presse (à l'histoire incroyable, j'y reviendrai plus tard), de la promotion sur le festival d'Angoulême 2002 et des dizaines d'interviews et d'articles dans la presse, une tournée de dédicaces pharaonique (qui me fera rater les deux premiers mois de vie de mon fils (sic)) et surtout : un premier tirage de 15.000 ex et une mise en place idoine.
Tout s'annonce donc sous les meilleurs auspices. Et ce serait le bonheur total si il n'y avait ce froid polaire qui ne se réchauffe pas vraiment avec la maison d'édition.
De notre côté, on ne lâche rien. Je veux un scénario aux petits oignons, trouver le bon chemin pour donner à cette conclusion la puissance émotionnelle qu'on voit en elle. Laurent, de son côté, a repris la couleur en mains (Claude Guth est devenu entre temps le coloriste de Trolls de Troy puis Lanfeust de Troy et son emploi du temps est complet).
A cette occasion, Laurent a développé une technique aquarellée, qui habille les personnages de façon à la fois simple, légère, riche et profonde (peut-être l'un de ses meilleurs travaux).
Le visuel de couverture est à se damner.
Bref, on est chaud comme la braise pour la sortie, dont l'avant première doit avoir lieu lors du festival international de la BD (à Angoulême, quoi).
Les forums frémissent. Des gens discutent à bâton rompu de ce qu'ils imaginent qu'il va se passer dans ce dernier chapitre. C'est le début du net. Pas encore les raisons sociaux, mais par ce biais, plus direct, on découvre qu'il y a de vrais passionnés du Pouvoir des Innocents.
Le 11 septembre et son étrange proximité thématique avec ce qu'on raconte dans notre série fait de moi un petit spécialiste des USA et de ses affres. On nous interviewe à ce sujet à tour de bras.
Le livre sort en janvier 2002. Pas un immense succès mais quand même : les 15.000 ex de la mise en place y passent et on revend 5.000 ex de chacun des tomes précédents...
La presse est unanime pour acclamer la série et on a enfin l'impression que ceux qui suspendaient leur enthousiasme à ce dernier tome se lâchent enfin.
Pour couronner le tout, le Pouvoir est à nouveau nominé aux Alph'Art 2003, toujours dans la catégorie meilleur scénario (c'est Taniguchi qui fort justement obtiendra la récompense cette année-là).
On a désormais notre petite place dans le monde de la BD franco-belge avec ce qui passe comme une espèce de "classique instantané".
C'est un immense soulagement d'être allé jusque là et d'avoir trouvé l'enthousiasme des gens au bout du chemin. Alors pourquoi prendre le risque de corrompre ce beau souvenir, en lançant non pas une suite, mais deux (alors qu'on sait que les suites n'ont pas toujours un grand intérêt, voir pas du tout ?

[xof 24]

C'est rien de dire que la réalisation du dernier tome de ce premier cycle est tendue. La maison d'édition ne nous adresse plus que lointainement la parole. Nous ne discutons plus de notre travail qu'avec Sébastien (qui lui travaille pour les Humanos, mais avec lequel je viens de signer une première série et que Laurent et moi voyons régulièrement (puisque Laurent assure le storyboard de la dite série)).

Et là aussi...quelle aventure

Je présume que les plus fins connaisseurs savent ...pour les autres...ben suffit de farfouiller dans al base en ligne



Et en plus de l'éditeur...un libraire sort aussi pour ce dernier tome un tirage libraire

[luc Brunschwig]

Mars 2001.
Nous sommes à quelques mois de mettre un point final au POUVOIR DES INNOCENTS. C’est la toute première série, que nous achevons après 10 années passionnées et passionnantes à faire vivre et évoluer une ribambelle de personnages.
Mais quelque chose cloche, comme si Joshua, Amy, Jessica, Xuan-Mai, Frazzy et les autres refusaient qu’on les quitte, sans avoir au moins essayé d’imaginer ce que serait la suite de leur histoire.
Alors, avec Laurent, on se voit un après midi et on s’imagine le New-York du Pouvoir 10 ans après les événements. Est-ce que l’utopie de Steven Providence et des 507 autres enfants de Jessica a triomphé et rendu l’Amérique meilleure ?
En quelques heures, se dessine une piste qui (à notre grand étonnement) nous semble très intéressante, car bien plus complexe que la proposition de départ.
On pense à un New-York qui est, en effet, devenu une ville idéale, plus humaine, plus écologique, plus « beaucoup de choses », à vrai dire.
Ce monde idéal attire à lui des dizaines de milliers de migrants intérieur, des Américains pauvres, déclassés ou tout simplement idéalistes qui veulent vivre ce miracle dû à Jessica Ruppert…
Problème : la ville est submergée par ces milliers de gens qui ne peuvent pas se loger et qui, attendant de pouvoir le faire, s’installent dans des bidonvilles qui grossissent mois après mois autour de la Grosse Pomme, provoquant inquiétudes et sentiments d’insécurité chez les New-Yorkais et dans tout le pays, où les idées de Jessica Ruppert sont en train de gagner du terrain. En fait, l’Amérique qu’on imagine est déchirée entre le rêve proposé par Jessica et ceux qui vivent très très mal ce qui se passe et qui se radicalisent.
On a donc un cadre, qui a l’air passionnant. Et on se dit que ça vaudrait le coup de se pencher là-dessus, mais plus tard… car ce n’est qu’un cadre. Ni une histoire, ni des personnages. On décide donc de prendre le temps de la réalisation de la série que nous venons de signer chez Futuropolis : LE SOURIRE DU CLOWN (qui nous prendra 8 années), pour voir si quelque chose de plus concret se développe dans notre esprit.
Et si jamais quelque chose d’intéressant se dessinait, on a déjà un titre tout trouvé pour la future série : LES ENFANTS DE JESSICA.
Sauf que voila, l’histoire du monde prend un tournant inattendu le 11 septembre 2001.
Or, si jamais on faisait un jour les Enfants de Jessica, l’histoire serait censée se passer en 2007 (10 ans donc après les événements du premier cycle).
Comment raconter, une Amérique contemporaine (même fictive) sans parler de cet événement central et fondateur du meilleur et surtout du pire des vingt cinq années qui vont suivre ?
A force de tourner et retourner le problème dans tous les sens, on se dit qu’on devrait faire un cycle intermédiaire, où on verrait l’idéologie ruppertienne devenir de plus en plus prégnante, les Républicains (et les démocrates) tenter de reprendre la main sur un mouvement qui leur échappe de plus en plus, alors qu’un Joshua, devenu l’homme le plus détesté d’Amérique, inspire des groupes d’extrême droite qui se baptisent « Logans » en son nom. et où, pour finir, notre histoire de fiction est percutée par le 11 septembre.
Mais on voit vraiment ça comme un complément, une histoire en plus qui viendrait enrichir notre propos sur les Enfants de Jessica.
Quand on finit le SOURIRE DU CLOWN, on a une idée assez claire de ce qu’on veut faire sur les ENFANTS DE JESSICA. On propose sans même se poser la question l’idée à Sébastien devenu le directeur éditorial de Futuropolis (les rapports avec les éditions Delcourt se sont tellement installés dans la méfiance qu’il semble impossible de continuer le Pouvoir chez eux) et on lui propose l’idée de notre cycle supplémentaire qu’on intitule CAR L’ENFER EST ICI.
C’est le franc enthousiasme et nous sommes tous d’accord pour sortir les deux cycles en parallèle, l’un venant compléter l’autre et vice et versa.
Mais pour cela, il faut trouver un dessinateur pour Car l’Enfer est Ici car Laurent ne pourra pas gérer deux histoires en même temps

[xof 24]

Alors je me permets de préciser Pourquoi vous signez chez Futuropolis ?

Tu a parlé du départ de Sébastien G. pour les Humano. Et le fait que Hirn et toi signalent un album chez cet éditeur. Le titre est Urban games. Au scénario, tu signera une seconde série...La période où S.G. est chez les Humano est,selon moi ,une belle période, avec l'arrivée massive d'auteurs venant de chez Delcourt. Las je sais que les Humanos ne sont pas pour autant au beau fixe...et S. G. part chez Dupuis...et qui signera une série chez Dupuis ??? Makabi, pour la citer Là une fois de plus beaucoup d'auteurs vont "suivre " S.G. chez Dupuis.
Et enfin on y arrive...S.G. arrive chez Futuropolis. Et Luc et Laurent vont donc signer leur nouvelle série...et donc c'est aussi sûrement pour cela que la/les suites du Pouvoir sont parues chez Futuropolis.