Les arguments "puristes" de Larry Bambell me font penser qu'il se serait probablement répandu en injures sur Franquin s'il avait vécu en direct la sortie du
Nid des Marsupilamis.
J'ai la flemme de lire l'intégralité des interventions pour et contre et des arguments, surtout que pas mal, en survol rapide, ont l'air de chercher à couper les cheveux... de Fantasio... en quatre.
Je me contenterais de dire que pour ma part j'ai beaucoup aimé, à mon avis c'est un des meilleurs
"Spirou vu par..." (avec ce que sa suppose de liberté par rapport à la série-mère, mais on n'est pas non plus chez Yann et Schwartz où Spirou tue des gens en faisant de l'humour raciste...). La comparaison proposée par Pierryves avec
Les Bijoux de la Castafiore me paraît assez bien trouvée. Spirou est en retrait, un peu au repos, mais ça ne l'empêche pas de jouer un rôle décisif.
Frank joue plutôt (très) bien sur différents registres, entre humour, mélancolie et poésie, avec des transitions fluides d'un ton à l'autre (voir par exemple comment la séance loufoque au C.H.A.M.P.I. cède la place à la scène intimiste entre Fauvette et Spirou). Personnellement, j'ai beaucoup souri et franchement ri à la lecture, mais je trouve intéressant le mélange apporté. Alors certes le personnage de Noé est loin de ce qu'on en voyait dans
Bravo les Brothers mais était-il possible de faire aussi drôle de toute façon ? Payer hommage à ce titre tout en réinvestissant le personnage d'autres enjeux, le passage du temps aidant, ne m'a pas semblé un sacrilège.
Pour l'intrigue parallèle avec les champignons noirs, je reste perplexe, même si dans l'absolu, elle ne m'a pas du tout déplu. Le plus évident est que les champignons, tels que décrits, sont "impossibles" au même titre que l'okapi blanc -- mais comme on en sait pas beaucoup plus sur lui non plus, ça ne nous avance guère. Je pencherais plutôt pour une interprétation "méta" (en l'occurrence, à la fois métaphorique et métatextuelle) : ces champignons renverraient aux idées noires (restons franquinien...) qui envahissent et gangrènent tout, aussi bien parmi les personnages (brouille entre Spirou et Fantasio, entre Noé et Fauvette...) que dans le monde de façon plus générale (culte du fric, etc. : on voit notamment que les champignons s'en prennent aux œuvres d'art) ; ils disparaissent quand la tonalité de l'album devient plus uniment "lumineuse", grâce à Spirou, là encore sur un plan "global" (le message de Borneo est délivré aux humains) et plus intime (les personnages sont réconciliés, la joie de vivre est retrouvée).
Et puis bien sûr, est-il besoin de le dire ? tout ça est superbissimement dessiné.