Suite directe, mais 80 ans après ( ! ) du Rayon U, La flèche ardente voit le retour de nos bons gentlemen norlandiens, pour notre plus grand plaisir. Scénaristiquement, c’est au tour du légendaire Jean Van Hamme de poursuivre la construction de la mythologie Blake et Mortimer.
Étant déjà à l'œuvre sur Le dernier espadon de la série mère, il poursuit sa logique de suite directe aux travaux d’Edgar P. Jacobs (Le dernier espadon était lui aussi la suite directe de la trilogie Le secret de l’espadon), avec un souci du détail et de la mise en scène des plus respectueux vis-à-vis de l’écriture de Jacobs.
L’idée de continuité ne paraît pas superflue ou être dans une démarche d’hommage pour l’homme. Ici, l’aventure est menée tambour battant avec son lot de péripéties Jules Verniennes (l’escapade dangereuse et mouvementée de Dagon suite à son naufrage), de science-fiction pulp (la réalisation de l’arme « rayon u » et du programme « flèche ardente ») mais aussi de complots et d’intrigues d’espionnages (la guerre entre l’Austradie et l’île noire mais aussi les écoutes et recherches de Dagon).
Le cahier des charges est suivi à la lettre, Van Hamme peut se targuer d’être un excellent successeur de Jacobs, tant il semble comprendre ce qui fait le sel de la série : le divertissement ! Côté dessin, Christian Cailleaux et Etienne Schréder ont déjà collaboré avec Jean Dufaux sur Le cri du Moloch (le volume 27 de la série régulière). Tout comme leur compagnon scénariste, le duo parvient haut la main à prendre la suite de Jacobs avec une ligne claire sublime privilégiant la netteté et le sens du détail. Les planches sont sublimes, la logique architecturale de l’île mise en place par Jacobs se poursuit et l’action, qu'elle soit dans les airs ou sur terre, est un plaisir à suivre.
La flèche ardente complète Le rayon U en un merveilleux diptyque. Tout comme les suites de Blake et Mortimer, on ne pouvait pas rêver meilleur hommage, l'œuvre de Monsieur Jacobs est d’entre excellentes mains !
Quentin Haegman, Planète BD
Une lecture à faire au second degré, sans doute dans l’esprit de l’album. À moins de retrouver une âme d'enfant, si on a découvert Le Rayon U, il y a des décennies. Le dessin conserve l’esprit de Jacobs, sans en avoir l’élégance. Mais qui l’aurait ?
E.P. Jacobs a créé en 1943-1944 Le Rayon U pour le magazine Bravo afin de remplacer la série de SF Flash Gordon, interdite par les Allemands. Jacobs s'est donc plié à l'exercice d'un récit directement inspiré de l’univers d’Alex Raymond : les sept protagonistes principaux démarquent ceux de Flash Gordon ; les costumes sont « farfelus » (le terme est de Jacobs), comme dans la série américaine.
En créant une suite 80 ans (!) après, les repreneurs choisissent de faire un album très référencé à un autre album lui-même déjà référencé. Même si Jacobs s'émancipait peu à peu de Raymond, mettant davantage en avant les décors ou travaillant de manière plus réfléchie la couleur.
Jean Van Hamme joue avec les poncifs du genre ; on est proche du pastiche. Les commentaires et dialogues sont d'une naïveté assumée. Cela dit, le scénariste a trouvé un angle astucieux pour prolonger l'histoire, donnant l'impression que Jacobs lui avait tendu la perche par-delà les années. Quant à l'Uradium radioactif à quelques mètres des personnages sans que cela affole quelqu’un, on est dans une vision naïve de la fusion de l'atome typique des histoires des années 1940-1950.
Le dessin est dans l'esprit, mais sans plus : Christian Cailleaux a du métier et un style intéressant par ailleurs. Et Étienne Schréder a l'expérience de plusieurs Blake et Mortimer. Toutefois, la comparaison avec Jacobs rend le lecteur exigeant : visages fluctuants, attitudes parfois bizarres... Les quelques maladresses contribuent paradoxalement au charme rétro de l'album, renvoyant à une époque où l'important était de remplir vaille que vaille chaque semaine les pages des « illustrés » pour contenter les jeunes lecteurs. Et les décors kitsch sont très sympas, ainsi que les couleurs de Bruno Tatti.
Un album calibré pour les nostalgiques. Et ils sont légion, comme les chiffres de ventes des Blake et Mortimer le prouvent.
François Samson, Zoo Le Mag
J'ai vraiment suivi ça de très loin, aussi pourrait-on m'aiguiller vers des documents relatifs à Philippe Biermé et ce qui lui est reproché, esvépé...?Anathème a écrit:Et dire que si la Fondation Jacobs n'avait pas honteusement dispersé son patrimoine, on aurait pu avoir l'équivalent pour chaque album de B&M.
Merci déjà pour ça, Anathème.Anathème a écrit:Il y a eu pas mal d'articles parus dans le journal Le Soir à l'époque où l'affaire a éclaté. Tu dois pouvoir y accéder via les archives du journal en faisant une recherche sur "fondation Jacobs", mais ils ne sont sans doute pas en accès libre.
Et on sait que Biermé est inculpé (= mis en examen) mais, à ma connaissance, l'affaire n'a pas encore été jugée.
Difficile d'en dire davantage.
Grand merci, icecool !icecool a écrit:Voici certains des articles parus dans Le Soir en 2017 - 2018 :
Genug a écrit:Toutefois, quand je veux lire ces fichiers-images à 100 % de zoom, le texte est très flou.
Anathème a écrit:Et dire que si la Fondation Jacobs n'avait pas honteusement dispersé son patrimoine, on aurait pu avoir l'équivalent pour chaque album de B&M.
icecool a écrit:Je t'ai tout renvoyé en PDF.
pennybridge a écrit:En relisant le Rayon U, j'ai eu plaisir à retrouver du vocabulaire désuet ou délaissé aujourd'hui. On se rend compte au passage combien le vocabulaire s'est appauvri en quelques décennies dans la littérature française.
En BD également, mais le cas des BDs de Jacobs est particulier car comme il y a beaucoup de récitatifs, on a du vocabulaire de roman, mais il n'en reste pas moins que les récitatifs des BDs d'aujourd'hui ont un vocabulaire beaucoup moins riche.
vince92 a écrit:Les romans jeunesse sont réécrits pour les rendre accessibles.
pennybridge a écrit:vince92 a écrit:Les romans jeunesse sont réécrits pour les rendre accessibles.
Tout à fait. Quand on va à la biblio et qu'on prend un "Club des 5" pour ses gamins, c'est une version édulcorée où tous les mots de vocabulaire qui dépassaient, ou les tournures grammaticales un peu élaborées, ont été supprimés et remplacés.
On tourne avec 5 ou 10 000 mots au max. Et tous ceux qui ont étudié à l'école primaire ou secondaire en Afrique, avec des programmes français d'il y a 30 ans, et viennent en France, nous font la remarque de l'appauvrissement du vocabulaire en France. (Et on est loin de "Présentement".)
Bref, c'est un autre sujet. Mais on voit la différence de vocabulaire entre Jacobs et Van Hamme qui est né 35 ans plus tard que Jacobs. Et entre Van Hamme et quelqu'un est né 35 ans plus tard également. Et ainsi de suite...
L'Ombre Jaune a écrit:Exactement, ce risque d'appauvrissement linguistique fait partie du sujet de la légitimité ses "sensitivity readers" à vouloir réviser des textes anciens au motif qu'ils pourraient véhiculer des stéréotypes et valeurs négatives de nos jours.
pennybridge a écrit:Page 18 : Une page entière de "Aaah"...
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