de unrefractaire » 01/05/2022 23:00
J’ai enchaîné avec le suivant :
Je ne retrouve pas la verve de Greg. Chez Greg, Talon est une caricature pertinente et caustique du petit bourgeois de droite, conservateur, snob, mais qui reste somme toute sympathique, se gardant de références idéologiques trop marquées.
Son parler maniéré et ses manières affectées disaient sa volonté de sortir de cette condition post populaire pour titiller les hauteurs de la haute bourgeoisie voire celle de l’aristocratie représentée par Virgule. Et Talon en devient touchant dans ces tentatives réitérées, mi ingénieuses mi maladroites pour entrer dans ce monde inaccessible.
Veys ne retrouve cette causticité qu’une seule et unique fois, dans le gag 7 (et le 1er gag aussi, dans un autre registre).
Ensuite, il se perd totalement. Son objectif est de renouveler j’imagine mais il mélange tout et ne respecte rien.
Veys reprend l’univers du vrai faux journal Polite – évidemment, c’est particulièrement réussi chez Greg. Mais quelle déception… ! En fait, quel intérêt à une telle reprise ? Greg caricaturait ses collègues, à la fois « patrons » et auteurs : Goscinny, Charlier, Fred (enfant, je n’avais même pas conscience de cela). Ses caricatures étaient vivantes, Greg pouvait s’y confronter souvent, en toute amitié. Là, on a un « à la manière de » qui tourne à vide (idem pour le précédent album).
Alors, la manière de renouveler a été d’imaginer la diversification du journal Polite en chaîne de télévision : la fausse bonne idée par excellence. Une modernisation bien ringarde. Reconvertir Talon et l’ensemble de la rédaction en vedettes de téloche est assez débile au final. Intégrer Lefuneste, papa Talon, Virgule et même sa bonne Hécatombe, dans l’équipe audiovisuelle du journal Polite est un non-sens total... Les parodies de telle émissions sont éculées ; les gags ne prennent vraiment pas – ils accrochent au moule dans lequel le préparateur les a plaqués. Un vrai moule à manquer.
Autre point : la cruauté du rédacteur-en-chef vis-à-vis de Talon ou celle de Talon à l’encontre de Lefuneste est poussée à des extrêmes qui ne sont pas forcément les plus drôles. La violence burlesque qui se développe chez Greg (absurde et poétique quand les belligérants sortent des armes invraisemblables par exemple, ou qu’ils se tapent dessus jusqu’aux ecchymoses colorées et au sang), prend ici des voies quasi réalistes qui désintègrent l’aspect burlesque.
Les gaffes de Talon sont vues et revues. On dirait qu’elles ont été pondues puis placées là sans aucune attention à l’univers d’origine.
Comme dans le précédent (46), Veys semble obéir au nouveau commandement qu’il y aurait un « humour de gauche » et, par conséquent, un « humour de droite ». Le problème, c’est que concrètement caractériser l’humour de cette sorte, ne fait que politiser à outrance tout discours qui doit montrer patte blanche - la gauche -, et enfermer le récit et les protagonistes dans certains ressorts, certaines démonstrations, en figeant des « camps » opposés, en une mauvaise caricature.