(Lu en V.O.) Du comics super-héroïque considéré comme une tragédie grecque...
Dans l'Antiquité le suppliant est doté d'un statut tout à fait particulier, sa position le mettant radicalement à part des liens sociaux de la cité... et de ses lois. Pour emprunter ses mots à Maurice Blanchot qui résume parfaitement la chose : "Le suppliant n'est pas plus faible ou le plus faible, il est si bas qu'il est hors de toute portée : séparé, sacré. Sa démarche est religieuse." L'
hiketeia est le nom du serment par lequel le suppliant lie sa vie à celui qui lui accorde sa protection.
Bon dit comme ça, n'est-ce pas, tout cela a l'air très loin des super-collants

mais n'étant pas un grand lecteur de comics à la base et ne m'étant jamais, notamment, vraiment intéressé à l'Amazone volante au lasso et au bikini étoilé, cela fait partie pour moi des très bonnes surprises de ce one-shot que d'aucuns considèrent comme l'une des meilleurs histoires jamais consacrées à Wonder Woman. Ici, c'est Danielle, une jeune fugitive traquée par Batman, que l'ambassadrice de Themyscira accepte de prendre sous une protection que le serment échangé rend inconditionnelle. Mais le chevalier noir ne partage pas de telles vues... et dans l'ombre rôdent les Érinyes, sanglantes gardiennes de l'ordre du monde et de la foi jurée.
Servi par le dessin très réussi de J.G. Jones, Greg Rucka nous écrit donc une pure tragédie dont on sait dès le départ qu'elle ne peut que mal ou très mal finir. Le retour (visiblement bien documenté) sur les origines mythologiques de la super-héroïne renforce (paradoxalement ?) la présentation de l'humanité de Diana / WW prise entre le caractère sacré du vœu prononcé, les doutes qui l'habitent vis-à-vis de Danielle qui s'est elle-même improvisée "justicière" pour venger sa sœur, et son amitié pour un Batman beaucoup plus inflexible. En 90 pages bien tassées jusqu'à un amer final, Rucka brasse des thèmes qui ne sont pas forcément éminemment originaux dans le genre au début du XXIe siècle, mais qu'il n'est pas déplaisant de retrouver, surtout aussi bien traités.