Marrant l'édito de Schneidermann ce matin :
Après l'extase Fillon (1), comment décrocher de l'addiction aux dévoilements en direct ? "Allez-vous dévoiler votre patrimoine ?" demande Pujadas à Mélenchon. "Personne ne pourra y résister. Je l'ai déjà fait dix fois". "Mais allez-vous le faire publiquement ?" "C'est un attrape-nigaud. L'important, c'est qu'on puisse faire des référendums révocatoires, comme au Vénézuela ou en Equateur". Mais Mélenchon est dans la nasse. Le dispositif de l'interrogatoire pujadien réduit toute réponse autre qu'une capitulation immédiate à une échappatoire, sous l'oeil implacable du présentateur qui canarde l'invité de précautions verbales qui tuent: "vous pouvez refuser. C'est votre droit le plus strict".
Imbécillité objective de ce dispositif: si l'on est favorable à la publication des patrimoines des politiques, on se retrouve du côté de Pujadas. Et si l'on est sympathisant de Mélenchon, on se trouve rabattu du côté de l'esquive. Dans le piège, qu'il a décelé, Mélenchon n'a qu'une seule solution: retourner le même dispositif pervers contre Pujadas. "Et vous ? Etes-vous prêt à dévoiler votre patrimoine pour qu'on s'assure que rien dans ce patrimoine ne fait que vous êtes gêné pour poser certaines questions à des industriels ?" Et d'insister, en feignant de s'étonner que seul Mediapart ait fait le boulot d'enquête sur Cahuzac. Sous-texte pour les malcomprenants: si les autres grands médias n'ont pas fait le même boulot, peut-être est-ce parce que leurs patrons étaient embarrassés par leur propre situation, voire même, allez savoir, "tenus" par Cahuzac, détenteur de lourds secrets. Embarras immédiat de Pujadas. Plaisir ineffable et stupide de voir le questionneur implacable empêtré lui-même dans les filets jetés sur le questionné.
Pendant qu'on amuse ainsi la galerie, que devient donc Jérôme Cahuzac, déclencheur de ces réjouissances ? Plus précisément, maintenant qu'il est établi que sa déclaration de patrimoine était mensongère, que va faire la "commission pour la transparence de la vie politique", à laquelle il a remis cette déclaration ? Va-t-elle saisir le Parquet, comme elle en a la possibilité ? Le déclenchement immédiat de poursuites pénales serait la meilleure garantie de voir l'ex-ministre renoncer à son projet de retrouver son siège de député. Nous avons donc cherché à le savoir, toute la journée d'hier. Et vous savez quoi ? Nous ne le saurons pas. Car la commission pour la transparence de la vie politique...n'a pas le droit de parler. Et même pas de dire si elle a saisi la Justice. Cela peut sembler un gag, à l'époque du dévoilement pujadien, mais ce n'en est pas un.
http://www.arretsurimages.net/vite-dit.php#6737La commission de transparence qui peut rien dire, fallait le faire.