corentin a écrit:Par contre pour la version de 'Tintin in Amerika' dans HLN, l'allusion raciste est tjs présente, pour le vol de la banque, on a maintenant pendu 9 nègres à la place de 7.
Je ne comprends pas bien la présence de l'émoticône "confus" dans ton message Corentin.
Quel mal y a-t-il à montrer un (plutôt trois) blanc(s) racistes (et qui ignorent peut-être qu'ils le sont, d'ailleurs) ?... Comment s'exprimerait un raciste déjà identifié comme tel à la place de ce témoin pour décrire les mêmes faits ?
Cette vignette de la version néerlandaise est une excellente preuve qu'Hergé peut se démarquer de la vision manichéenne de son entourage pour exprimer sa propre sensibilité dans ses oeuvres.
La véritable portée et la valeur de cette vignette ne peuvent être parfaitement comprises que par un lecteur adulte et avec deux autres vignettes qui lui font écho mais se trouvent un peu plus loin, quand les villageois extirpent Tintin des pattes des policiers pour le lyncher à son tour après le premier massacre, mais elle peut néanmoins déclencher chez un enfant ayant atteint l'âge de raison un bon réflexe ou un questionnement du type :
"Maman (ou Papa), pourquoi a-t-on pendu neuf "nègres" alors qu'on savait que ce n'étaient pas eux les méchants ?" Le lecteur un peu plus mature se demandera pourquoi les policiers n'enquêtent-ils pas en priorité ou n'ouvrent-ils pas simultanément une enquête sur ce massacre plutôt que sur le cambriolage, le nombre de victimes étant nettement supérieur ?"
Hergé dénonce, ici, avec une très grande habileté. Il est clairement du côté des "nègres".
Le témoignage de l'employé est monstrueux par le fait qu'il semble trouver dans la norme des choses la violence exercée contre les malheureuses victimes de la loi de Lynch :
"On a immédiatement pendu sept (neuf chez les Néerlandais, c'est encore plus démonstratif) nègres, mais le coupable s'est enfui." Au passage, soulignons que si le type disait
"sept (ou neuf) Noirs", ça sonnerait faux.
Et l'attitude des deux membres de la police montée est encore plus choquante que celle du déclarant en salopette. Ils ne s'intéressent qu'à la fuite du cambrioleur. Et lorsque, quelques cases plus loin, ils croient enfin l'avoir appréhendé en la personne de Tintin, les habitants en colère le leur subtilisent pour le pendre immédiatement à un arbre, les mounties s'inquiètent cette fois-ci du sort de celui qu'ils croient néanmoins coupable (Tintin). (
"Rien à faire, Fred ! Ils vont le lyncher !...") L'émotion procurée par le sort funeste qui attend Tintin se lit sur le visage du policier qui est ventre à terre. Sans doute cette forme d'inquiétude ne se manifeste-t-elle que parce que Tintin est blanc ? Alors que lyncher neuf Noirs innocents, quand on est à cran, eh bien, ce n'est peut être pas bien, mais c'est la vie, quoi !...
Hergé, dans ce
Kuifje in Amerika dénonce à la fois la justice expéditive et sommaire à travers une erreur judiciaire, mais aussi —grâce au second degré— les injustices qu'on doit commettre régulièrement à diverses occasions envers ceux qu'il considère donc comme ses frères de couleur, les fameux "nègres" dans la bouche du témoin.
Ce ne sont d'ailleurs pas les seules dénonciations concernant les maux et travers de la société nord-américaine de l'époque qu'on peut trouver dans "En Amérique".