de Cabarezalonzo » 22/12/2018 16:00
Et sans oublier, puisque archie07 parle de contextualisation, qu'au-delà des déplorables comportements racistes d'hier ou d'aujourd'hui, chez nous comme aux Etats-Unis, on ne saurait ignorer que les Américains ont également eu le mauvais goût d'avoir dans le passé des institutions et de se revendiquer pour certains encore aujourd'hui ségrégationnistes ou suprémacistes (et pas uniquement dans le Sud, sinon on n'aurait jamais entendu parler des mouvements pour les droits civiques des années 60 ni de manifestations plus récentes sous la présidence de Barack Obama).
On peut aussi reprocher aux Américains d'avoir laissé proliférer un langage de plus en plus grossier et ordurier, lequel tend à se répandre chez nous puisqu'on suit toujours la mode venue d'Outre-Atlantique et qu'on aime bien niveler par le bas. Dans ce panel de grossièretés et d'incivilités échangées quotidiennement, le mot "nègre" même utilisé avec une connotation raciste et méprisante, ne devient plus qu'un terme injurieux noyé parmi tant d'autres.
Dans la récente série TV "The Wire (Sur écoutes)" qui se déroule dans la ville de Baltimore où la population noire est majoritaire, le mot nègre est employé à la fois par des Blancs racistes ayant la volonté d'insulter mais aussi par des Noirs voulant signifier à certains de leurs congénères qu'ils ne sont que des serpillières au service des mauvais Blancs. On le trouve également dans la bouche des mêmes Noirs pour exprimer au contraire, avec une certaine tendresse, un mélange de compassion, d'empathie et de solidarité vis-à-vis de leurs semblables qu'ils considèrent comme des compagnons d'infortune dont les droits sont bafoués par les puissants (des caïds de quartier ou des Blancs voire des Noirs mieux nantis). Nègre voulant alors dire quelque chose comme "damné de la Terre", pauvre bougre ou un truc avoisinant.
C'est dire que le phylactère d'Hergé n'est que le reflet de la réalité du moment (et du lieu). Tout comme les dialogues de Charlier donnant la parole à des militaires vindicatifs (après l'agression de Pearl Harbor), hargneux, injurieux et insultants envers les soldats du Japon impérial durant la WWII. Un théâtre d'opérations, ce n'est pas l'école maternelle : on y est sous l'influence de la propagande belliqueuse en permanence.
Dupond : "Et le squelette, Wolff, c'était vous ?"
Dupont : "Oui, squelette, c'était vous, le Wolff ? Allons, répondez !"