Cela fait un certain temps (en fait depuis quelques mois, au moment où je poste) que j'espérais la parution d'un ouvrage traitant de ce thème. Parce qu'à mon humble avis, il y a matière à noircir quelques centaines de pages.
Des femmes, il y en a plus qu'on ne croit, dans les aventures de Tintin, même s'il faut parfois une bonne vue ou de bonnes lunettes pour les trouver. Il faut aussi un peu de temps devant soi.
Je conviens volontiers que la gent féminine brille par son absence dans certains titres, notamment le second tome du diptyque lunaire ou Rackham le Rouge.
J'ajouterais qu'on trouve dans l'univers principalement masculin où évolue Tintin, un éventail de femmes assez large, à la fois d'un point de vue sociologique, ethnique et plastique.
On croise, certes rarement mais cela arrive néanmoins et mérite d'autant plus qu'on s'y attarde, quelques spécimens de femmes sensuelles, qui pourraient par ailleurs très bien être vénales de surcroît. Si on cherche bien, on les trouve...
Sur le plan socio-professionnel, les principales absentes sont les femmes occupant de hautes fonctions ou des postes à responsabilités dans des ministères, l'industrie, la recherche scientifique, les administrations (conservatrices de musée, directrices d'hôpitaux, commissaires de police, etc...), ou exerçant un ministère libéral (avocate, médecin) mais cela tient essentiellement au contexte sociétal de création des histoires : si l'on prend en compte l'époque où les histoires ont été conçues, la représentation du corps social restitue de façon assez fidèle la réalité. Si Tintin avait poursuivi sa route pendant les années 80 et au-delà, Hergé n'aurait, j'en suis convaincu, pas hésité à adapter sa comédie humaine à l'air du temps.
La physionomie des personnages féminins est souvent pure création, totale fiction, mais parfois Hergé donne à ses créatures les traits de personnages bien réels.
On peut distinguer dans Tintin :
- les femmes qu'on repère aisément de par le rôle tenu pour faire progresser le récit (Castafiore, concierges, etc...) ou la position qu'elles occupent dans une vignette ;
- de celles qui sont très discrètes et qu'on décèlerait mieux sur des albums au format des planches.
Enfin, dans une lecture au énième degré, il est des femmes véritablement dissimulées ou à peine suggérées. Hergé fournit au lecteur quelques indices parfois très ténus, même pour un initié, renvoyant à telle déesse, tel personnage historique, littéraire, mythique, biblique, etc...) : il faut alors à la fois posséder un très large socle de références culturelles, et se livrer à de nombreuses lectures pour faire les recoupements et débusquer ces personnages invisibles.
Pour ma part, je me contente de lire les travaux de certains exégètes pour m'éclairer à ce sujet, à travers des hypothèses quelquefois discutables et d'autres fois plus convaincantes, mais qui ont toutes le mérite d'ouvrir de nouvelles pistes de lecture.
Vous l'aurez compris : le livre de Nattiez, par le thème abordé, a tout pour m'intéresser.