Un extrait :
"Les péripéties, proches parfois de l'esprit du dessin animé et du cinéma burlesque, n'en seront que plus accessibles aux jeunes lecteurs."Sous-entendu, grâce à la colorisation puisqu'il s'agit de celle-ci dans la phrase précédente.
Eh bien, non. Je crois que la couleur n'y est pour rien ou n'est pas la seule en cause dans ce désintérêt des aventures du reporter à la houpe. D'autant plus que la série est disponible en couleur depuis longtemps.
Un grand nombre de jeunes lecteurs, friands de mangas, ne sont pas rebutés par le noir et blanc mais par la lecture, d'une manière générale. Et dans Tintin, hormis les Soviets qui s'apparente justement à un film burlesque, il y a une certaine quantité de textes, en particulier dans des dialogues riches. Et malgré la couleur, ces histoires rebutent ceux qui n'aiment pas lire les textes.
Cette paresse de lecture concerne même des quinquagénaires de ma génération, des acheteurs compulsifs de BD (parfois lecteurs exclusifs d'illustrés) qui sont spécialement rebutés par les BD de Jacobs, Martin, Charlier, Hergé ou Greg (A. Talon !) en raison de l'abondance des textes. Ils ne s'en cachent pas et le déclarent ouvertement sur les forums et dans les topics idoines.
Quand j'étais ado, dans le milieu des années 70, j'avais des potes scolarisés au lycée (niveaux 2nde, 1ère ou terminale) qui sans complexe se vantaient presque (enfin, dans notre cercle d'amis) de leur incapacité à lire quelque livre que ce fût, même une BD. Sport, fêtes et téloche (séries américaines, matches) constituaient l'essentiel de leurs loisirs. Ils n'étaient pas des demeurés pour autant, mais la lecture, ça ne passait pas.
Je suis persuadé que la parution des Soviets en couleurs laissera tout ce petit monde (jeunes et vieux n'aimant pas la lecture en soi) indifférent sauf à se rendre compte que ça bouge et qu'on y est moins bavard que dans les autres albums de la série. Qu'il se trouve par ailleurs un demi-million de francophones appréciant les histoires d'Hergé au point de racheter cette version discutable des Soviets me paraît également une autre évidence, surtout avec la campagne de promotion de Casterman-Moulinsart. Mais dans ce demi-million d'acheteurs potentiels, combien se trouvera-t-il de nouveaux lecteurs ?