Oui, c'est également mon impression. Et il m'arrive de le rouvrir de temps en temps. Le visuel de la réédition chez Dargaud est montré un peu plus haut, sur ce fil, par rennois.
Ce qui rend la première version partiellement obsolète est son achevé d'imprimer, datant de février 2014. Au passage, je crois bien que c'est le premier titre de la collection Graffiti et non le troisième.
Par conséquent, si les premières BD provocatrices et totalement débridées accompagnant la naissance de l'Echo y sont bien mentionnées, en ce premier trimestre 1974 (les entretiens sont de surcroît antérieurs) on passe totalement à côté du travail de Gotlib pour Fluide Glacial, ce qui n'est pas rien.
Sinon, pour la liberté de ton et de parole, je me demande ce qui a bien pu être censuré.
Voici un petit florilège qui est passé à travers :
A propos d'un célèbre récit paru dans l'Echo.
"Gotlib —
Dans mon idée, un censeur est tellement con qu'il serait capable de censurer même la bite à Jésus. Si tu mélanges d'une façon freudienne les "idées" de sexe et de ciseaux, tu arrives à la notion de castration, liée au fait que c'est dans et par le christianisme que le péché de chair s'est fait jour. Et le censeur coupe le zizi du Christ. Et puis aussi, le Christ étant Juif, ciseaux peut signifier circoncision."Au niveau de l'iconographie, franchement, c'est très libéral :
Par exemple, page 104, ces deux vignettes n&b tirées de l'Echo légendé
"L'homme aux deux bistouquettes" :
Vignette 1 : on voit un type en pied et à poil avec un bandeau noir (comme celui de Barbe Rouge) au niveau du bas-ventre, avec son zizi (en fait l'un des deux) pendant entre les jambes (l'autre étant masqué par le bandeau qui se veut un cache-sexe).
Et voici le narratif et les dialogues :
Narratif : "plus tard, il tenta de camoufler son infortune par des procédés naïfs qui ne trompèrent personne. "
Bulles de dialogue émanant du type à poil, avec une mine d'abruti :
—
Chalom—
Je suis le général Mosché Dayan incognito —
Si je vous jure (en réponse à une bulle dirigée vers le bord de la case, dont le texte est :
Tiens, mon oeil, oui !)
Mosché Dayan, héros israélien qui s'est illustré au sein de Tsahal, portait (comme JM le Pen à la même époque) un bandeau noir sur son oeil invalide.
Vignette 2 : on voit le même type, entièrement à poil mais assis au bord d'un lit avec une jeune femme également à loilpé.
Narratif : Un jour, il rencontra une femme qui accepta de l'épouser par amour mais lui, de son côté, ne l'aimait qu'à moitié.
Bulles de dialogue :
- le type : —
Toute ma vie, je n'aimerai que toi...- elle : —
Mon chéri, je suis si heureuse.On s'aperçoit que le type est pourvu de deux verges, l'une au repos et l'autre en érection (le récitatif prend ainsi tout son sens).
On trouve également des cases montrant un coït incestueux fils-mère, illustrant une analyse assez "poussée" (proche de la masturbation intellectuelle) de Sadoul (qui cite Crumb à propos d'un autre inceste dessiné). Donc, sur le plan libertaire et affranchissement des tabous, ce livre allait déjà assez loin.
Bon, sinon, page 96, un paragraphe est intitulé
Echo-porno-scato des savanesSadoul y parle d'une vraie pornographie enrichie d'une scatologie de haut vol.
Page 98, dans la foulée de son analyse, il entame une discussion intitulée
A bâtons rompus sur le sexeEn illustrations, on y retrouve les deux cases de Proud Mary où, à la chute d'un gag olé-olé, un micro phallique éjacule sur le visage d'une chanteuse rock sexy. Ainsi que deux cases où Cosette prend en bouche le phallus de Jean Valjean.
Mais en effet, à la page 102, à côté d'une vignette montrant un type à poil en contre-plongée (tirée de
La Coulpe), et de quelques cases d'un gag avec des enfants, le lecteur est un peu surpris de trouver quatre vignettes horizontales superposées et demeurées totalement vides (à l'exception de la légende d'un dessin montré sur la même page). La censure serait-elle passée sur ces cases ? Et Sadoul, pour que le lecteur ne soit pas dupe, aurait maintenu les cadres épurés de tout dessin aux emplacements prévus, sans modifier la mise en page initiale ?
Sinon, je pense aussi que la
RAB (ou au moins l'un des trois derniers tomes unitaires de cette série) est incontournable. Mais si l'on n'est pas tenu à une sélection drastique, Pervers pépère et
Gai-Luron ont également leur place comme souligné plus haut par archie07.
N'oublions pas que le dernier véritable récit complet dessiné par Gotlib est une histoire de Gai-Luron, parue non pas dans Pif Gadget mais dans Fluide n° 118 de mars 1986.