de M Novembre » 13/03/2015 12:12
Je trouve certains d’entre vous très durs avec la collection 50/60.
Tout ça à cause d’une stratégie commerciale « malencontreuse », qui la compare à la bibliothèque de la Pléiade ; stratégie qui, si ça se trouve, n’est que le fait du service marketing de Dupuis et non du concepteur ; comparaison qui n’est pas dénuée de tout lien, puisque la Pléiade a pour vocation première de présenter une œuvre littéraire classique complète dans un format compact de poche ; comparaison enfin, nécessairement limitée, puisqu’une œuvre littéraire diffère formellement d’une œuvre graphique.
Cette référence passée, la collection 50/60 est tout à fait honnête dans son travail et les ouvrages qu’elle présente : une œuvre de BD franco-belge classique, des années 50 et 60, dont chaque page présente en grand format une demi-planche de l’auteur, dessinée et encrée, noir et blanc, accompagnée d’un commentaire d’Hugues Dayez. Le tout dans un ouvrage de qualité (maquette, papier, reliure). Heureusement, le papier bible n’a pas été retenu.
Sur la présentation en demi-planches : on peut ergoter dessus, sur le fait qu’il aurait été préférable de les regrouper en planches entière. Personnellement, je trouve cette présentation intéressante en ce qu’elle valorise le travail réalisé par l’auteur, davantage qu’elle ne flatte nos habitudes de lecture.
Sur les commentaires d’Hugues Dayez : ils placent l’œuvre dans son environnement historique, évoquent les techniques utilisées par l’auteur, les variations dans son travail et les difficultés rencontrées, et s’essayent à des commentaires composés de demi-planche. Certes ils ont parfois un côté convenu. Mais c’est le propre de commentaires systématiques au long-court. Certes ils sont succins. Mais parce qu’ils sont qu’accessoires à la demi-planche, pour ne pas la parasiter.
Alors oui, je peux comprendre la déception de certains collectionneurs aux tendances archivistes exhaustives pointilleuses. Ce n’est pas l’ouvrage qu’ils espèrent comprenant la reproduction intégrale de la documentation utilisée par l’auteur et de ses esquissent préparatoires ; l’ensemble des commentaires de celui-ci et des personnes « autorisées » sur son travail ; la retranscription de tous les interviews de l’auteur à ce sujet ; le commentaire historique et composé de chaque case, de chaque découpage, et de chaque mise en page ; le scan haute définition de l’ensemble des planches originales à l’échelle 1:1 en vis-à-vis de leurs différentes colorisations, dédicacées par l’auteur. Le tout dans une somptueuse édition luxueuse, avec ex-libris, et à un prix "abordable".
Frustrés de ne pas encore avoir l’objet ultime de leur désir (Moulinsart, lui, l’a fait avec Tintin !), ils le reprochent à Niffle et Dayez et fustigent leur indigence. Ils dénoncent le complot marketo-capitaliste fomenté par Dupuis. Ne savent-ils peut-être pas qu’un éditeur ne peut connaître le nombre d’exemplaires d’un livre vendus avant qu’ils ne soient achetés ? Ne savent-ils peut-être pas qu’ils ne sont pas obligés d’acheter tous les livres qu’il publie ?
À une collection universitaire savante et verbeuse, Frédéric Niffle a préféré le plaisir visuel d'œuvres graphiques, telles que leur auteur les ont créées sur leur planche à dessin. Et c’est tant mieux.