de unrefractaire » 31/05/2020 20:31
Je viens d'acheter une réédition de l'EO Casterman (1991 d'après la fiche). J'avais lu quelques Pratt (La Ballade et Scorpions du désert 1) il y a des années mais sans creuser.
On se laisse prendre par l'atmosphère envoûtante du récit à énigme, des personnages englués dans leurs contradictions. Les récits sont empreints d'une ambivalence de principe : les grands sentiments voisinent avec la rapacerie, le courage côtoie la couardise, spéculation philosophique et financière font bon ménage, tout cela dans un chassé-croisé éthique un rien goguenard... Nostalgie, sentiment romantique, ironie et causticité, tout cela se mêle et s'interpénètre...
L'appel de l'aventure est systématiquement déjoué par une fin ou un retournement ironique, comme dans les récits de EC Comics: cet esprit d'exploration, de goût du risque, est définitivement celui d'un autre siècle (ou d'un autre âge, celui de l'enfance), nous sommes dans un âge de l'après (post), tous les grands auteurs ont senti ce tournant (Alan Moore par exemple), ils en jouent et le sentiment de nostalgie n'en est que plus fort car nous sommes devant la perte irrémédiable de cette possibilité de l'aventure.
Dans cet album, j'y retrouve tout ce dont parle Thierry Thomas dans sa présentation du catalogue "Le voyage imaginaire" : un sens de la délicatesse, de la légèreté, de la transparence, de la fluidité...
Parfois, on ressent la couleur : le bleu du ciel en particulier, ou certaines lumières... La colorisation remplit-elle ce manque (qui n'en est pas un)?
Et, chose rare en BD, certains dialogues deviennent des citations...
"Triste aventure pour tous... [...] En quelques heures nous avons tout détruit." [p. 116]
Sinon une question technique : les planches de ces histoires sont bien en 2 bandes, d'où le format carré de certaines éditions? (Les planches reproduites dans le catalogue "Voyage imaginaire" indiquent "2 planches" en montrant un montage pour album).