Punisher Max Omnibus, scénario de Jason Aaron, dessins de Steve Dillon, Marvel, 2014.
Ce recueil regroupe les 22 numéros de la série, ainsi que le numéro Punisher Max " X-Mas Special", jamais réédité, scénarisé par Aaron et dessiné par Frank Boshi, paru en 2008, trois ans avant son run.
Garth Ennis aura a tout jamais marqué l'histoire du Punisher avec sa maxi-série "Punisher : Welcome Home Frank", sortie en 2000, qui fut suivie d'un très long run Punisher Max (la gamme adulte de Marvel).
Ennis y alla avec sa subtilité habituelle d'un éléphant en rut et gravemennt alcoolisé entrant en trombe dans un magasin de porcelaines. Son Punisher dessoudait les mafieux avec cruauté et sauvagerie. Les situations étaient énormes (rappelons-nous du zoo, dans Welcome Back, où Frank se sert des pensionnaires animaux pour liquider ses assaillants...), les dialogues cocasses.
Mais, Ennis est plus malin et fin qu'on ne le pense souvent : son idée de génie fut de nous placer dans la tête de Frank Castle : on suivit l'action de son point de vue, on découvrit sa pensée, névrosée. Ennis fit de ce vétéran de guerre qui a vu sa famille tuée par des mafieux, une icône anarchisante apôtre de la justice directe, une sorte de mélange de Dirty Harry, Batman, William Munny (le film Impitoyable), et le Saint des Tueurs (Preacher sa précédente série), qui voyant que la loi, la police, et les institutions sont corrompues, s'échine à la faire triompher et respecter par lui-même, quoi qu'il en coûte...
Aaron, révélé par "Scalped" chez Vertigo, reçut en 2012 de la Marvel un cadeau (empoisonné) : livrer sa propre vison Max du Punisher. Mais que faire ? Comment s'affranchir de la tutelle écrasante d'Ennis ?
Aaron opéra des choix drastiques. Il opta pour une série relativement courte (22 épisodes) qui se suffit a elle même, même celui qui ne connaitrait pas le Punisher y trouverat sa route. Il choisit d'y montrer comment finit la croisade du Punisher et de prouver que celle-ci ne peut s'achever autrement, chez Frank Castle, il n'y a pas d'Happy End...
En outre, pour se différencier de Ennis, il entre le moins possible dans la tête de Frank, et montre l'action du point de vue de tous les personnages, surtout les ennemis de Frank.
Enfin, par déférence pour Ennis (?), il a demandé à Dillon (l'illustrateur fétiche de Ennis, présent sur Welcome Back Frank) de dessiner l'histoire. Dillon réalise des planches superbes. Merci à lui.
Garth Ennis nous montrait un Castle encore jeune pouvant massacrer des mafioso en surnombre, au cours d'un gunfight digne d'un film de John Woo, sans subir une seule égratignure.
Aaron lui, montre un Castle de près de 60 ans, traînant ses cicatrices tant physiques que morales. Il souffre, tire la langue, il est fatigué, il est souvent blessé, peine à mettre hors d'état de nuire ses opposants si jeunes, comme William Munny dans Impitoyable. Cela ne l'empêche pas de torturer ses ennemis pour les faire parler, de traquer les flics ripoux et d'user de stratégèmes assez ignobles quoique efficaces pour débusquer ses adversaires.
Au début de notre histoire, Castle est de retour à New York, encore pensera-t-on, il y traque un à un les nouveaux parrains, souvent d'anciens petits malfrats qui avaient échappé à ses précédentes "campagnes".
Comme ennemi principal, Aaron lui a choisi Wilson Fisk, le nouveau parrain de New York. Fisk ressemble à sa version classique, c'est un individu cynique, cruel, calculateur, mais fascinant.
Le retour de Frank ne déplaît pas tant que cela à Fisk, alors simple homme de confiance d'un chef de gang. En fin stratège, il va pousser, insidieusement, les mafieux et Castle à s'affronter. Les parrains éliminés, Fisk devient le roi de la Montagne et donc la nouvelle cible de Frank, mais il se prépare à recevoir le vieux guerrier.
Wilson, pour se protéger (quoiqu'il soit une force de la nature), peut compter sur Elektra et sur Bullseye. Elektra est réduite ici au rang de mercenaire. Bullseye reste un fou homicide, mais il s'avère ici être un être extrêmement rusé, un fin stratège, il comprend que pour avoir Castle, il doit comprendre ce qui a poussé Castle à devenir un justicier. Il se glisse, dans de saisissants passages, dans sa peau, dans ses pensées...
On le sent dès le premier numéro, Castle va livrer son dernier combat. La fin est évidente. Il n'y aura pas de Happy End, au fond Frank est mort quand sa famille fut massacrée, seul reste le Punisher... Esseulé, ressassant le passé, brisé physiquement, la vie le quitte peu à peu, mais il veut en finir avec ce Fisk pour enfin "rentrer chez lui", sa guerre étant achevée.
Aaron n'évite pas toujours l’écueil de trop singer Ennis et ses tics : on notera ainsi un épisode scatologique dans le second arc bien inutile dans l'histoire, et du gaspillage de place avec des scènes olé olé superficielles. Mais, il tient son pari en montrant du nouveau, un Castle vieux, usé, voulant malgré tout accomplir son dernier duel contre Fisk et ses sbires.
L'histoire, non exempte de quelques défauts, n'en demeure pas moins une très belle conclusion possible et logique à la carrière du Punisher.
On pourrait dire que la démarche d'Aaron reste très respectueuse (trop ?), quoique différente de l'approche d'Ennis, il signe une excellente histoire du Punisher, en posant, en filigrane, plusieurs questions : au fond à quoi sert une croisade contre les criminels, plus on en tue, plus il y en a, non ? Cela n'est-il pas absurde ? A moins que le destin véritable du soldat soit de se battre jusqu'à la mort, contre le Mal, même si cela est vain et perdu d'avance ?
Ce Run est aujourd'hui réuni dans un très bel Omnibus : on regrettera, cependant, son prix un brin excessif de 75 euros ( pour le même prix, du même Aaron, on trouve l'intégrale de son run sur "Wolverine and the X-Men" qui compte 43 épisodes...), et l'absence assez scandaleuse de bonus inédits. Mais, ce Punisher Max constitue une formidable lecture, quand même !