Uncanny X-Force, by Rick Remender, Omnibus, scénario de Rick Remender, dessins de Jerome Opena, Esad Ribic, Billy Tan, Phil Noto, Mark Brooks, Mike McKone, Greg Tocchini, Marvel, 2014.
Ce recueil regroupe les 35 numéros de la série mensuelle, les issues 5.1 et 19.1, ainsi que des fragments de "Wolverine : All New Saga" et "Wolverine Road to Hell, n°1".
Dans ce magnifique et lourd hardover, le lecteur trouve réunie la saga qui a fait rentrer Rick Remender, l'auteur de "Fear Agent", au cœur de la Marvel (il s'occupe maintenant de Captain America et d'Uncanny Avengers), et dans le cœur du grand public.
Dans le monde des Mutants, la X-Force est chargée de sales besognes. Au lendemain de "Second Coming", Wolverine, sans en référer à Cyclope, a décidé de perpétuer cette organisation qui liquide les ennemis des mutants, de manière préventive, dans le plus grand secret. On y retrouve Fantomex, Psylocke, Archangel (qui finance l'ensemble), et Deadpool. Ici, pas de chichis, avec des tueurs de ce niveau, dont la plupart sont virtuellement invulnérables, on estropie et on tranche l'adversaire.
Si l'histoire se découpe en plusieurs arcs, le run de Remender a une thématique majeure : comment empêcher le retour d'Apocalypse ?
La solution la plus simple, a priori, est de tuer le (ou les) jeune clone d'Apocalypse, un enfant donc, bien que garder par ses quatre cavaliers. Mais, tuer un enfant, tant bien même voué à être une abomination quand il sera adulte, n'est-il pas nécessairement un acte épouvantable, lâche, et indigne ?
Remender ne se contente pas, comme c'est trop souvent le cas avec les incarnations de la X-Force, de montrer des combats trépidants entre l'équipe de Logan et leurs adversaires (Cavaliers d'Apokalyps, Confrérie des Mauvais Mutants, versions alternatives d'eux-mêmes peu sympathiques de l’Ère d'Apocalypse ou d'un futur dystopique), il pose la question de la responsabilité et des conséquences de leurs actes.
En assassinant le jeune clone d'Apocalypse à la fin de l'arc introductif, la roue du destin s’enclenche.
Les héros resteront divisés quant à la pertinence de cet acte : après tout, n'aurait pas pu ou du « rééduquer » cet enfant en espérant qu'il utilise son pouvoir pour le bien ? De même, la nature a horreur du vide, et, un Apocalypse est nécessaire. Le prochain sur la liste est son ancien Cavalier de la mort, Archangel...
Logan, en réactivant la X-Force, devient le juge, et le bourreau : Il pense contrôler la situation, mais tout va aller de mal en pis. Les amis et les amants d'hier deviendront des ennemis, l'unité des membres se fissurera, la volonté de faire de la justice préventive s'averera douteuse. Certes, à la fin, nous avons une victoire, ou tout au moins un simulacre de victoire, mais le goût en est tellement amer qu'une défaite eut presque été préférable...
Remender déroule admirablement son histoire avec ses (anti)héros de plus-en-plus névrosés. Il sait ménager des plages calmes avant que les tambours de la guerre ne résonnent de nouveau. Il malmène très durement ses protagonistes (physiquement, mais surtout psychologiquement), et surprend toujours son lecteur, bien qu'il utilise des expédients narratifs déjà vus mille fois, comme les voyages dans d'autres dimensions, ou les visites dans des futurs dystopiques.
Il n'y a qu'un seul bémol : l'absence d'unité graphique de l'ensemble. Les dessinateurs, plus-ou-moins habiles, se sont succédés sur ce run, qui fut traitée comme une série-bis, ce qui donne parfois un aspect parfois brouillon : on a ainsi, sur certaines planches, du mal à distinguer Fantomex de Deadpool ! Mais, ce n'est qu'un point de détail.
Remender nous montre que, même avec une saga de mutants, même en utilisant des "gimmicks" éculés depuis Days of Future Past, on peut bâtir une saga passionnante, rythmée, intelligente, avec des personnages charismatiques et complexes.
Cet Omnibus rend grâce à cette série passionnante qui restera, pour moi, avec le run d'Hickman sur Fantastic Four, une des meilleures œuvres éditée par la Marvel dans la décennie passée.
Le prix, en librairie, avoisine les 90 euros, mais il regroupe les six tomes de la saga dans un fort bel écrin, avec des bonus.
Pour ceux qui ont raté ce petit chef-d’œuvre (à réserver vu la violence de l'ensemble, aux plus grands), c'est le moment de procéder à la séance de rattrapage !