Postal, volume 1, scénario de Bryan Edward Hill et Matt Hawkins, dessins de Isaac Goodheart, Image comics, 2015
Ce recueil regroupe les numéros 1 à 4 de la série.
Postal, volume 2, scénario de Bryan Edward Hill et Matt Hawkins, dessins de Isaac Goodheart, Image comics , 2015
Ce recueil regroupe les épisodes 4 à 8 de la série, ainsi que le numéro spécial Postal Dossier 1.
Durablement traumatisé par l'inqualifiable Convergence, je me suis mis en retrait du monde coloré des super-héros, heureusement qu'il y a eu The Multiversity et Secret Wars, ainsi que quelques pépites comme Doctor Fate, Batman and Robin, Suiciders et Miracleman, pour me sauver d'une dépression certaine...
Image a le bon goût de publier des séries originales en laissant les scénaristes et les dessinateurs s'exprimer : en plus Image à une politique sympathique vis-à-vis de son lectorat en "soldant" le premier volume d'une nouvelle série pour environ neuf euros.
Postal est assurément un des machins les plus barrés que j'ai lu ces derniers temps, un mélange improbable de Banshee, Rain Man, et Sherlock Holmes. Si, si.
Nous nous trouvons à Eden, bourgade de 2000 habitants. Mais, Eden n'est pas une commune du Wyoming comme les autres. Non seulement elle n'a pas d'existence légale mais en plus elle n'abrite que des criminels forcenés ayant fui le système juridique américain en quête d'un havre de tranquilité.
A Eden, tant qu'on suive certaines règles (interdiction de communiquer avec l'extérieur par des moyens modernes comme Internet, mettre un terme aux activités criminelles trop voyantes pouvant nuire à la tranquilité de la ville), on vous offre un logement, une nouvelle identité, un nouveau visage.
Ici, comme le plaît à le dire le Maire, Laura Shiffron, aux nouveaux : "Bienvenue à Eden, nous sommes tous des pêcheurs".
Certes, il y a quelques récalcitrants, mais ceux-ci sont exécutés publiquement dans l’Église par le Pasteur, également membre de confédération aryenne, après un édifiant sermon.
Le personnage principal est le postier d'Eden.
Le jeune Mark Shiffron, fils de Madame le maire est affligé d'une forme d'autisme. Certains pensent que c'est un Asperger, d'autres que c'est autre chose comme un traumatisme enfantin. Inadapté en société, considéré comme un simplet, il a pourtant un QI démentiel qui lui offre un sens de l'observation impressionnant ainsi qu'une mémoire absolue.
D'une franchise désarmante, il est affublé de TOC : par exemple il ne peut entrer dans le seul restaurant de sa ville qu'à midi précise, et commande toujours le même menu en exigeant que ses frites ne soient pas mélangées avec son burger, seule la jolie serveuse Maggie, dont il est amoureux, doit lui apporter son menu.
Mark sert en réalité d'espion pour sa mère, il lit et mémorise tous les courriers entrants et sortants de la commune, afin de savoir qui fait quoi. Il surveille également les allées et venues de ses concitoyens et remarque, à la couleur de la Terre sous les pneus des véhicules qui va où.
La cité pourrait paraître tranquille et sous contrôle.
Pourtant, quand le corps d'une jeune fille, étrangère à la communauté, sauvagement mutilée, et marqué au fer rouge, est retrouvé sur la place publique, tout bascule. Laura se met à frémir. Quelque chose attaque la communauté.
Mais qui peut bien être le coupable, la liste est longue. Après tout, à Eden, seul son fils, Mark, peut être qualifié d'innocent, il n'est pas un sociopathe, un dealer, ou un assassin.
Mark comprend qu'on lui cache des choses importantes sur le passé de sa ville et sur son passé à lui.
Aidé de Maggie, ex trafiquante de crack malchanceuse, capturée puis devenue contre son gré agent infiltré par le FBI à Eden, il enquête de son coté.
Mark se pose des questions : Qui est cette jeune fille étrangère à la communauté ? Pourquoi sa mère la fait-elle brûler dans les bois ? Pourquoi n'enquête-t-elle pas ? Pourquoi a-t-elle si peur ? De qui a-t-elle si peur ?
La réponse est évidente, elle sait qui est le coupable et ne veut pas qu'on connaisse son identité. Surtout pas lui.
Mark risque de payer très cher sa curiosité, mais il est diablement malin et se sort de situations perilleuses.
Sa Maire de mère campe une femme forte, cruelle, manipulatrice qui semble éprouver une certaine répulsion pour son fils dont elle a pourtant besoin.
Maggie qui se présente comme une jeune femme jolie mais un brin falote se montre pleine de ressources. Si son inflitration est vite comprise par Mark, elle lui est reconnaissante de l'en délivrer par un plan génial. Elle n'a rien d'une demoiselle en detresse, elle tient tête à la mère de Mark, et en s'attachant à celui-ci, elle s'embarque, avec une certaine insouciance, et une sincère affection pour le jeune homme, dans un voyage infernal. D'une certaine façon, elle essaie de le pousser dans sa quête, on peut se demander dès-lors si son aide est si altruiste que cela.
En déterrant le passé, Mark redécouvre une partie de lui et d'Eden, qu'il avait occulté, et au fil du récit, le lecteur et Mark lui-même en arrivent à se demander si, au fond, il n'est parfaitement à sa place, à Eden, la ville où tous sont des pêcheurs.
Les scénaristes, avec leur galerie d'anti-héros improbables, passionnent le lecteur dès la première page. Mark est parfaitement crédible en jeune homme handicapé et lourdement névrosé.
La violence est omniprésente, mais elle est tempérée par l'improbable et délirant flirt entre Maggie et Mark, ou par les relations absurdes et malsaines entre Mark et sa mère. Le dessin réaliste, renforce le coté malsain et corrompu de cette ville d'Eden, qui n'en est pas un.
Une excellente surprise, espérons que les ventes offrent une durée de vie conséquente à cette série !