Justice League : Trinity War, scénario de Geoff Johns, Jeff Lemire et Ray Fawkes, dessins de Ivan Reis, Doug Mahnke, et Mikel Janin, DC Comics, 2014.
Ce recueil regroupe le Free Comic Book 2012, Trinity of Sin : Pandora 1 à 3, Trinity of Sin : Phantom Stranger 11, Constantine numéro 5, Justice League 22 et 23, Justice League Dark 22 et 23, Justice League of America 6 et 7.
Depuis la mise en place de l'univers New 52, nous étions prévenus, en filigrane, dans les aventures de Justice League, de la présence de trois entités parcourant le monde : Pandora, Phantom Stranger et Question. Leurs objectifs étaient méconnus, même si nous comprenions qu'ils entendaient se servir des différentes Justice League à leur compte.
Ces trois entités sont trois grands pêcheurs, les pires de l'humanité, ils ont été condamné, il y a des millénaires par les magiciens les plus puissants de ce monde, à errer, en ce monde, sans connaître le rerpos. The Phantom Stranger est en réalité Judas l'Iscariote : pour l'éternité, il devra tenter de retrouver les trente deniers d'argent qu'il a reçu pour trahir Dieu, son salut éventuel est à ce prix. L'identité réelle de Question reste méconnue, coupable d'actes abominables, son visage à été effacé, son destin est d'errer sans cesse en quête de questions, mais il ne pourra jamais répondre à celle-ci : qui est-il. Pandora est la jeune fille curieuse de la mythologie grecque, elle a ouvert la boîte qui contenait les sept pêchés capitaux, elle est condamnée à errer et à observer les conséquences de sa faute et à contempler l’œuvre de « ses sept enfants »... Mais Pandora refuse d'abdiquer, elle apprend la magie, elle apprend à se battre (elle a l'éternité pour cela) pour terrasser les sept pêchés capitaux et les replacer dans la Boîte.
Au début du récit, dans la base dirigée par Amanda Waller, Pandora s'empare de la Boîte de Pandore. Elle entend s'en servir pour sceller les sept pêchés capitaux. Mais, pour l'ouvrir, elle doit trouver, soit l'âme la plus pure, soit l'âme la plus corrompue de la Terre. Elle tente sa chance, sans succès sur Superman, la tentation du pouvoir est trop forte, même pour lui.
Peu de temps après, la cohabitation des trois ligues, celle de Superman, celle "occulte" menée par Madame Xanadu et Constantine qui œuvre contre les puissances magiques nuisibles, et la JLA, créée par Amanda Waller et Steve Trevor, dont le but final, caché à ses membres, est d'écraser Superman et les siens au cas où ils perdraient les pédales, devient de plus en plus délicate.
En effet, le jeune Shazam, devenu membre honoraire de la Justice League quand les Atlantéens avaient envahis la Terre ferme, va mettre le feu aux poudres, de manière involontaire, quand il décide, par altruisme, de ramener les cendres de son adversaire, Black Adam (cf. Shazam !) dans ses terres de Khandak.
En faisant cela, il viole l'espace militaire d'un pays souverain qui entretient des relations délicates avec les USA. Sa présence, va conduire là-bas la Justice League et la JLA qui prétendent, toutes les deux, avoir la légitimité d'intervenir et de le ramener
manu militari. L'affrontement, qu'au fond tous souhaitent, est inévitable.
La nouvelle recrue de la JLA, Docteur Light, qui vient de découvrir son don, déchaîne sans le vouloir son pouvoir sur Wonder Woman et, chose inconcevable, Superman le tue, laissant tout le monde, surtout ce dernier, dans la consternation.
Superman, effondré, décide de se rendre et de se laisser enfermer par l'armée américaine dirigée par Waller et Trevor, le temps de comprendre ce qui s'est passé.
Son état général se détériore, comme s'il était rongé par un mal intérieur. Question apparait et offre de l'aider à prouver son innocence. Il accepte et se sauve du complexe militaire. Est-ce une si bonne idée ?
Wonder Woman refuse d'attendre, elle est persuadée que Kal-El a été manipulé magiquement, apès avoir demandé, sans succès, à Hephaïstos ce qu'était la Boite de Pandore, elle rejoint la Justice League Dark et demande à Constantine son aide. Malheureusement, il est bloqué. Madame Xanadu, qui perçoit les fils du destin et le futur est introuvable depuis quelques jours... The Stanger apparait et offre son aide, mais est-ce une bonne idée de le suivre ?
Pandora cherche celui qui pourra rouvrir la boîte, en agissant de la sorte, en mettant en présence de tous un artefact aussi dangereux, elle rend littéralement fou tous les ligueurs qui veulent s'accaparer ce pouvoir...
Tout dérape, très vite.
Comment s'associer à Judas Iscariote sans craindre le pire ? The Question va vite comprendre que certaines questions ont des réponses abominables. Pandora qui pensent tout maîtriser risquent de se mordre les doigts.
Les ligues, elles, se fracturent. Plus personne ne se fait confiance. Batman fait cavalier seul. La JLA se dissous lentement mais surement quand elle comprend quel est son objectif caché, Arrow en veut à Trevor, comme Catwoman. Seul le Martian Manhunter est d'accord avec Waller et Trevor.
Dans l'ombre, The Society of Evil, dirigée par un curieux personnage, avance, cachée, elle aussi veut la Boite de Pandore. Mais, dans quel but ?
Disons-le, si l'histoire ne manque pas de moments de bravoures, si Reis et Manhke offrent des planches admirables avec des multitudes de héros se tapant dessus, le scénario de Johns peine furieusement à convaincre. Avec toutes ses ligues, tous ses protagonistes surnaturels, le lecteur le plus patient finit par ne plus comprendre où on veut en venir.
Pourtant les prémices étaient intéressants. Superman, semblant ivre de rage, abattait Docteur Light avec sadisme, pourquoi ? L'enquête, pour prouver son innocence (manipulation) ou sa culpabilité, aurait pu donner une jolie trame avec Constantine, John Johns et Batman dans le rôle "d'Experts DCU".
Mais, Johns, en multipliant les personnages
ad nauseam (ce qui a pour conséquence de leur enlever toute profondeur psychologique), les situations plus-ou-moins plausibles (comme les interventions très
deus ex machina de la Trinité des Pêcheurs), fait que son récit se délite jusqu'à devenir difficilement crédible et cohérent.
On comprend, au final, que ce volume, loin de décrire une guerre homérique (qui aurait pu être séduisante) entre trois Ligues de Justice ou entre les trois Pêcheurs, n'est en vérité qu'un long, très long prologue, avec une très frustrante fin ouverte, quoique spectaculaire, au prochain "Event" de DC, Forever Evil :
suite à l'ouverture de la Boite de Pandore, qui est, en vérité, un portail dimensionnel, notre monde est envahi, avec brutalité, avec la complicité de taupes, par les dirigeants de la Terre-3 (le monde où le bien et le mal sont inversés), le Crime Syndicate, version pervertie des membres de la Justice League, dirigée par Ultraman, Owlman, Power Ring, Johnny Quick et Superwoman, profitent de la faiblesse de Superman et des autres fatigués par leurs guerres internes.
Certes, tout cela est visuellement admirable : Manhke et Reis sont vraiment inspirés et nous proposent des planches somptueuses. Mais, le scénario est tellement confus, qu'à moins d'être un fan de la première heure de ces trois Ligues post New 52, qu'à moins de connaitre l'univers pré-52
(on rencontre ainsi Zauriel),
on risque fort de ne pas tout comprendre. Johns veut trop en dire en peu de pages, il perd le lecteur et se fourvoie lui-même.
Ce n'est, cependant, pas totalement déplaisant à lire si vous avez lu, depuis le début, tous les épisodes de Justice League, Justice League of America, Shazam, Justice League Dark, mais ne faire qu'une histoire compréhensible que pour les happy few, n'est-ce pas un parti-pris très douteux ?
Forevel Evil se profile. Espérons, qu'enfin, nous disposions, d'un arc de la JL, séduisant, convaincant, avec nos héros qui apparaîssent dès le départ dans une situatin désepérée. Johns se rattrapera-t-il, lui qui peine à nous emballer avec JL ou JLA alors qu'il y parvenait avec brio sur Aquaman et Green Lantern ? En finira-t-il avec ces digressions bavardes, à la limite de la prétention, qui ne menent souvent pas à grand chose ?
Nous le saurons bientôt. Le volume relié de Forever Evil sort au mois de septembre.