The Authority, volume 1, scénario de Warren Ellis, dessins de Bryan Hitch et Paul Neary, DC Comics 2013.
Ce recueil regroupe les 12 premiers numéros de la série éponyme, parus à partir de 1998.
Après avoir fait ses armes sur Stormwatch (également en voie de réédition chez DC), Warren Ellis se fit définitivement (re)connaître du public et de la critique avec cette vision particulièrement cynique, cruelle, désabusée, mais généralissime du monde des super-héros.
Le Projet Stormwatch, financé par l'ONU, sensé contrer les méta humains renégats a échoué. Son directeur s'est avéré être un traître et un sociopathe, ses membres sont décimés et le monde n'est plus à l'abri.
Jenny Sparks, l'esprit du Vingtième siècle, ancienne membre de Stormwatch, est persuadée que le meilleur moyen de neutraliser les menaces est de les pulvériser. Elle créée une équipe qui n'a plus aucun comptes à rendre aux gouvernements, une équipe restreinte qui jouit d'une autonomie et dont l'autorité et la légitimité reposent sur sa puissance et la peur qu'elle suscitera.
Jenny recrute ainsi Apollo (un guerrier invulnérable dont la force provient des rayons du soleil) et son compagnon le Midnighter (un guerrier parfait qui pressent les réactions et les coups de ses adversaires pour mieux les contrer de la manière la plus sordide possible). On trouve également l'Engineer qui dirige la base de l'organisation, un monstrueux vaisseau spatial vivant nommé le Carrier ainsi que Le Doctor (un mage aussi puissant que dépendant à la drogue), Swift (une femme ailée aussi belle que dangereuse) et John Hawksmoor qui a la possibilité d'utiliser à son compte la force des cités humaines (plus elles sont peuplées, plus il est fort).
Le run de Warren Ellis se divise en trois arcs :
Dans
The Circle, l'Autority se dévoile au monde en stoppant l'attaque d'un terroriste faisant furieusement penser à un mélange de Fu Manchu et de Magneto. Cet adepte du génie génétique, attaque les nations avec une armée de mutants. Il n'a pas compté sur Apollo et surtout sur la cruauté du Midnighter. Pauvre vieux...
Dans
Shiftships, la Terre est attaquée par un monde parallèle où l'Angleterre domine le monde depuis, qu'à la Renaissance, elle se soit alliée à des aliens vindicatifs, mais omnipotents. Jenny, qui est anglaise elle-même, et qui connait déjà ces gens, n'apprécie guère et leur fera savoir.
Enfin, dans
The Outer Dark, l'Authority en vient aux mains avec Dieu qui n'est pas vraiment amour et charité. Le Blasphème n'est pas loin. Ellis n'est plus à cela près et c'est tant mieux.
Warren Ellis nous tient en haleine par la qualité de ses dialogues, ses scènes sous testostérone avec moult violence aussi gratuite que jubilatoire et par la profonde ironie qu'il déploie. Il est en effet évident que son Autorithy est une parodie de la Justice League qui aurait décidée d'appliquer les méthodes du Punisher.
Comment, ainsi, ne pas voir en Apollo et Midnighter les doubles de Superman et de Batman ? Leur relation amoureuse, assumée et revindiquée, n'en est que plus croustillante quand on sait que de nombreux critiques et de psychanalistes avaient émis l'hypothèse de l'existence d'une attirance mutuelle entre Batman et Superman. Swift est la copie de Hawkgirl. Par des aspects, Jenny, écrasant clope sur clope, cynique, grossière, manipulatrice nous rappelle cet autre anglais peu recommandable que nous aimons haïr, John Constantine.
Les titres des arcs, des lieux sont des allusions à des comics ou à des oeuvres célèbres. Gamosha ou l'on fabrique des mutants évoque Genosha l'île mutante de Magneto. The Outer Dark semble être le titre d'une nouvelle de H. P. Lovecraft, d'ailleurs Dieu ressemble à s'y méprendre à Cthulhu.
Cependant, The Authority n'est pas qu'un plaisir coupable de geek.
Ellis nous y montre que dans la vraie vie, si des méta-humains existaient, la Justice League (ou les Avengers) et ses principes moraux, aussi nobles soient-ils, ne permettraient en rien de nous protéger.
Seule une puissance dissuassive, capable d'utiliser la force léthale permettrait de ramener le calme. On peut y voir une justification de la violence étatique ou simplement un raisonnement de bon sens.
Le dessinateur principal, Brian Hytch, se fit également connaître par cette série. Il excelle par son dessin réaliste et par ses cadrages dynamiques qui n'ont pas pris une ride 15 ans après. On ne pas en dire autant de tout le monde !
Faut-il dire qu'Authority se doit de figurer dans les bibliothèques des amateurs de super-héros ? Il fut souvent imité, mais jamais égalé (cf. The Boys, Irredeemable, la gamme ultimate de la Marvel, etc.). Pour ceux qui possédaient les TPB, voici l'occassion d'avoir une édition plus luxueuse mais abordable, pour ceux qui n'ont jamais lu cette œuvre, et bien, que dire d'autre si ce n'est de se ruer dessus et : régalez-vous !
L'ouvrage relié sur toile nous est proposé dans un format similaire aux titres classiques DC . Il est vendu à un prix très raisonnable (25 euros), l'impression est de grande qualité, comme le papier utilisé.
Mon seul reproche est que cette édition ne reprend pas les bonus très intéressant de l'édition grand format Absolute, depuis longtemps indisponible. Le livre propose ainsi les douze numéros, sans préfaces, sans essais, sans croquis. Tant pis, l’œuvre se suffit à elle même, mais quand même quelques bonus n'auraient pas nuits à l'ensemble.
A noter que les douze épisodes suivant de The Authority, signés par Mark Millar et Quitely sortiront dans un volume 2 à la fin de l'année. Planetary, autre chef d'œuvre de W. Ellis se déroulant dans le même univers sera réédité sous la forme d'un omnibus au prix abordable courant janvier 2014.