The World of Flashpoint, featuring Batman, collectif, DC Comics, 2012.
Flashpoint a remis à zéro l’univers DC.
Si le livre éponyme de Johns est suffisant pour comprendre les tenants et les aboutissants et préparer le lecteur à l'univers "New 52", la DC a lancé, en même temps que Flashpoint, un grand nombre de miniséries éclairants certains aspects de cet univers cauchemardesque où s’affrontent Amazones et Atlantéens dans ce qu’il reste de l’Europe.
DC a eu la bonne idée de regrouper ces miniséries, toutes déclinées en trois volets, par groupe de quatre, dans des recueils volumineux.
Ainsi, contrairement à ce qu’annonce la couverture, ce livre ne parle pas que du Chevalier Noir, il regroupe : -
Batman : Knight of Vengeance, scénarisé par Brian Azarello et dessiné par E. Russo.
-
Deadman and the Flying Circus de J. T. Krull.
-
Deathstroke and the curse of the Ravager de Jimmy Palmiotty.
-
Secret Seven de Peter Milligan.
Deadman et
Secret Seven ne présentent que peu ou pas d’intérêt.
Deathstroke nous montre une vision alternative de ce super soldat : ici c'est un super pirate qui erre sur les mers de l’Europe engloutie par Aquaman, sur son navire, le Ravager.
Son équipe est composée de despérados, on y trouve Gueule d’Argile et Sonar. Il est à la recherche de sa fille, Rose Wilson, kidnappée par des pirates concurrents. Sa mission n’aura rien de facile, il devra se confronter à Aquaman, à son propre équipage très rapace et à ses concurrents. La lecture est plaisante, sans plus.
L’histoire qui justifie l’achat de ce volume est
Batman : Knight of Vengeance.
Le scénario de ce récit, en trois volets, a été confié à Azzarello qui a déjà travaillé sur Batman de façon plus ou moins directe dans ses
Joker,
Luthor : Man of Steel,
First Wave et surtout l’inoubliable
Broken City. Le dessinateur n’est autre que son complice de
100 bullets, E. Risso. Un programme alléchant, non ?
Tous les lecteurs de Flashpoint auront été frappé par le Batman crépusculaire de ce monde qui n’est pas Bruce Wayne, mort, enfant, à Crime Alley, mais son père, le docteur Thomas Wayne.
Mr. Wayne, qui n'exerce plus, est un homme à la cinquantaine finissante, il est aigri, bougon, impoli, voire grossier : on ne peut s’empêcher de penser au vieux Bruce Wayne de la série animée "Batman Beyond" ou à W. Kowalsky de Gran Torino. Il possède une fortune colossale qu’il fait fructifier dans des casinos gérés par son homme de confiance, Oswald Cobblepot. La ville est à lui. Depuis longtemps, la police est privatisée à son compte, à sa tête il a placé l'ancien flic Jim Gordon, son seul et unique ami.
Thomas n’est pas qu’un homme d’affaires despotique. La nuit, il devient le Batman, un justicier vengeur, cruel, sans compassion, qui a déjà liquidé bon nombre d’assaillants et de monstres sans le moindre remord :
voyez ce qui arrive à Killer Croc.
Après le décès de son fils unique, Bruce, assassiné par le voleur minable Joe Chill, il en est arrivé à la conclusion qu’il était préférable que de tels individus pourrissent entre quatre planches…Gordon est au courant de son activité, comme l’Oracle (je vous laisse le "plaisir" de découvrir son identité) et ils le laissent faire, pire (ou mieux), ils l'aident.
Au début de ce récit, on apprend que le Joker, une nouvelle fois échappé de Gotham, a enlevé les deux enfants du Procureur Harvey Dent. Wayne et Gordon assurent qu’ils vont les retrouver et les ramener.
Mais, il y a un hic, si dans le monde du Flashpoint, le Joker est toujours un monstre, il n’est autre que Martha Wayne qui a totalement perdu la raison après le décès de son fils Bruce… Une réunion de famille s’impose dans ce qu'il reste du Manoir Wayne.
Azzarello excelle dans les scénarios complexes, cruels, impitoyables et surtout dans la peinture psychologique de personnages ambigüs au bord de la folie. Le Batman de Flashpoint est assurèment aussi dérangé que le Joker :
les deux sont inconsolables du décès de Bruce ; mais l’un a choisi de massacrer les salauds qui tuent les enfants, alors que l’autre préfère assassiner les enfants qui vivent alors que Bruce, lui, n’est plus.
La description de ce couple qui en vient à se haïr à mort (littéralement) et se reprocher mutuellement le décès de leur enfant est touchante, sinistre, cruelle et crédible à souhait. Leur dernier contact, quand Thomas révèle à Martha que, grâce à Barry Allen, tout pourrait changer et que le Flashpoint, donc la mort de Bruce, serait effacé, est un déjà un classique.
Le dessin, magnifique, sert à merveille cette histoire sombre, violente, mais d’une justesse humaine rare.
Batman : Knight of Vengeance est de très loin la meilleure série dérivée de Flashpoint.
Dans l’absolu, c’est également une des meilleures histoires hors-continuité de Batman que l’on peut ranger à coté de Gotham By Gaslight ou Dark Knight Returns. Espérons que la DC redemande aux auteurs de nous replonger dans ce Gotham crépusculaire.