Je reviens de
The Revenant et bon sang, qu'est-ce que j'ai trouvé ça mauvais !!
J'admets, j'ai de gros a-prioris contre le cinéma prétentieux d'Iñárritu, mais j'ai quand même voulu tenter... pour voir... des fois que... au cas où... pour ne pas avoir de regrets.... Mais non.
Une chose à sauver du film, tout de même : la photographie. Il faut dire qu'elle est signée Emmanuel Lubezki (collaborateur de Malick depuis
Le Nouveau Monde et de Cuaron depuis deux fois plus longtemps que ça, notamment), donc le contraire aurait été dommage, pour ne pas dire un comble. Quand la caméra tournoyante d'Iñárritu se lasse un instant de chercher à nous filer la nausée, c'est effectivement très beau. Grands paysages, lumière naturelle, tout ça.
Mais pour quoi ? Le réalisateur a un grand message à nous faire passer mesdames messieurs : la Nature, voyez-vous, est belle, mais dure, soit le contraire de la nature de l'homme qui est d'une saloperie crasse ("Nous sommes tous des sauvages", en français dans le texte), mais qui parfois arrive à... euhh.... faire des trucs.
Voilà. Bon, en vrai, le scénario aurait pu être écrit par Mel Gibson qu'on n'aurait pas bien vu la différence. Derrière les grands airs du Mexicain, on reste fondamentalement au niveau d'un survival maso avec option équarrissage et boucherie charcutière.
DiCaprio et sa demi-douzaine de doublures en font des tonnes dans un rôle-performance "à Oscar" (ça a marché, tant mieux pour lui), mais franchement à part éructer, serrer les dents, ou regarder dans le vide, pendant deux heures et demi, y a pas grand chose. Histoire de ne pas être en reste sur l'héritage Actor's Studio, tout le monde rivalise à qui arrivera à parler avec l'accent ou la prononciation la plus imbitable, perso je m'en serais pas sorti sans les sous-titres. De toute façon, c'est sûr que c'est pas en défendant la profondeur psychologique de leur personnage qu'ils vont faire impression, vu que les plus fouillés d'entre eux peuvent être décrits en trois mots maxi. La musique est signée par pas moins de trois personnes (dont un Ryūichi Sakamoto en mode cachetonnage complet) alors qu'il n'y a pas une seule note à en retenir. Je passe rapidement sur les moments de symbolisme lourdingue -- genre le petit oiseau qui s'envole de dedans le giron de l'épouse indienne tuée...
Et puis, en parlant d'Indiens, il faudrait quand même en dire deux mots. Les Indiens Ara... Ari... je sais plus. Appelons-les les Indiens MacGuffin. Je ne sais pas à quand remonte la dernière fois que j'ai vu un groupe de personnages, un groupe ethnique, en plus, réduits à ce point à l'état d'outil scénaristique flagrant. Des super guerriers qui arrivent à planter une flèche dans l'œil d'un mec qui court au milieu du chaos de tout un campement, en tirant depuis l'autre bout de la forêt en équilibre sur une branche d'arbre, mais PAS à toucher DiCaprio se traînant mutilé à cinq mètres de distance en s'y mettant à dix. Une fille de chef enlevée qui n'existe que pour donner un prétexte à la présence continue des "sauvages" traquant les Blancs, et pour se faire violer devant la caméra -- ce sera sa seule scène à l'écran, à part un court plan à la fin. Ah ! cette fin, justement ! une réapparition des mecs sortis d'absolument nulle part en forme de
deux ex machina qui permet
in extremis au héros de nous délivrer la leçon de morale du jour : tuer un homme, c'est mal, tandis que lui découper les doigts à la hachette, lui retailler le portrait, lui ouvrir le bide au poignard, MAIS au final le balancer dans la rivière pour qu'il puisse être scalpé et achevé par les Indiens qui attendent sur l'autre rive (et qui n'ont absolument aucune raison d'en vouloir particulièrement à ce type, eux), ça, mes agneaux, ça s'appelle "laisser la vengeance à Dieu", et c'est la rédemption, et c'est Beau, et ça justifie un dernier regard face caméra plein de.... de... de... d'émotion ? non... de sens ? de... quelque chose, en tout cas, sûrement.
La violence du film est tellement
over the top, de même que certains de ses rebondissements (j'ai vu le moment où le pauvre Léo allait, en plus, se prendre une avalanche dans la tronche, j'aurais adoré), que certains dans la salle n'ont pu s'empêcher de pouffer régulièrement. Ce qui m'a rappelé, pour conclure hardiment par une digression, que c'étaient sans doute les mêmes qui encensaient ce
Revenant et qui ont descendu (c'était dans le thème, soit, mais quand même) les
Huit Salopards de l'ami Tarantino. Lequel, au moins, ne se cache pas de faire dans le grand guignol. Et sait placer une caméra. Et écrire un scénario, avec une intrigue et des personnages consistants. Détails... Iñárritu, lui, il ne fait pas dans le divertissement, non, lui, il fait de l'Art. Avec un grand C. Comme dans "Cache-misère" et "Complètement Creux".