Je lis partout de nombreux avis qui soulignent la beauté visuelle/la qualité des effets spéciaux, et qui enchaînent aussitôt avec des commentaires sur le scénario qui serait le point faible du film ou juste un faire valoir pour les effets spéciaux, et qui concluent que les critiques sont à côté de la plaque ou "aveuglées" par la beauté des images et surestiment le film. Je pense honnêtement que ces gens se fourvoient un peu...
A mon avis, le scénario, les métaphores, le parcours de l'héroïne (qui se reconstruit dans l'épreuve, avec au final le retour à la gravité et le fait qu'elle se remet sur ses jambes enfin, au propre comme au figuré), et l'émotion qui s'en dégage est le point fort du film, la prouesse visuelle venant apporter la cerise sur le gâteau. Si le film avait été bien moins pensé et écrit au départ, ça aurait juste fait un navet de plus avec des effets spéciaux réussis mais rien à raconter et rien à se raccrocher au niveau humain. Or là, si le film fonctionne si bien et touche les gens, c'est justement qu'il est bien écrit et bien interprété, et qu'on peut s'identifier à l'héroïne, aux épreuves qu'elle traverse pour surmonter son deuil et se remettre à vivre. L'histoire est certes simple, mais pleine de symbolique et particulièrement bien racontée. Le rythme du film, alternant moments de tension, de suspense, et aussi moments d'introspection ou de contemplation de la beauté de l'espace, est aussi un point fort qui en fait un film très bien construit et monté sur 90min (là où d'autres auraient tenté de rallonger absolument la sauce pour faire durer ça 2h30).
Après, oui, c'est clairement une réussite extraordinaire d'un point de vue de mise en scène et de réalisation, mais tout le monde sait que ça ne fait pas forcément un très bon film, encore moins un chef d’œuvre. Pour moi, ce qui fait que ce film est clairement un des meilleurs de l'année, peut être un film marquant de notre époque et destiné à devenir culte et une date de l'histoire du cinéma, c'est justement qu'il propose une expérience sensorielle inédite et une mise en scène impressionnante, mais qui sont au service d'une histoire et d'idées clairement pensées en amont, et pas l'inverse.
J'invite tous ceux que ça intéresse à aller lire les articles de capturemag à ce sujet, et en particulier l'entretien avec le scénariste:
http://www.capturemag.net/sur-ecoute/et-meme-ton-fils/http://www.capturemag.net/etat-critique ... si-proche/http://www.capturemag.net/sur-ecoute/le-pionnier/J'aime beaucoup la conclusion de cette critique : "
On a beaucoup comparé GRAVITY avec 2001, L’ODYSSÉE DE L’ESPACE. Et il est vrai que la parenté entre ces deux chefs-d’œuvre terminaux est indéniable, ne serait-ce que pour des raisons triviales : prouesse technologique, retranscription ultra réaliste de l’exploration spatiale, personnage unique pendant une large partie du métrage qui se heurte contre les murs métaphysiques qui plombent son essor. Mais là où Dave Bowman avait besoin d’un recours extérieur pour passer à un niveau supérieur de conscience, c’est en son for intérieur que Ryan Stone trouve son salut. Kubrick prônait l’exploration vers l’au-delà pour que l’humanité progresse. Cuarón préconise un recentrage sur notre vérité intérieure. Kubrick avait un penchant pour la misanthropie. Alfonso Cuarón, lui, a une foi indéfectible en l’humain. C’est, à n’en point douter, l’un des éléments du film qui explique le gigantesque succès de ce chef-d’œuvre amené à devenir une date dans l’Histoire de l’art."
"I dont know half of you half as well as I should like, and I like less than half of you, half as well as you deserve"
-- Bilbo Baggins, The Lord of the Rings - the Fellowship of the Ring --