Je vois le passage avec Huppert comme un pendant à l'épisode des hooligans bas du front.
Ce qui se passe avec Huppert et son frère (si je me souviens bien), ça n'a en effet pas le moindre intérêt. Mais c'est l'âne en arrière-plan qui compte. L'âne en observateur désabusé (c'est le point de vue anthropomorphique) mais aussi et surtout l'indifférence totale face à lui.
Comme pour bien montrer que, quelle que soit la classe sociale ou l'origine, les humains vivent dans la violence et l'indifférence par rapport à ce qui ne ressort pas de leur petit monde étriqué.
EO est un film d'une profonde misanthropie et empreint du sentiment que la vie et la mort sont absurdes
(la scène du camion en est un bon exemple, tout comme l'abattage final d'un âne parmi des vaches).
La facilité, ça aurait été de juste montrer les bas du front violents. Ils sont bêtes, ils sont violents, ils se torchent à la bière dans des bars minables. OK.
Mais avec la séquence Huppert, Skolimowski montre une autre forme de violence et de mépris de la vie et sa vision misanthrope devient plus vaste.
Vu selon cette perspective, je trouve que la séquence Huppert enrichit le film et lui donne une plus grande portée.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"