Ma fillotte nous a téléchargé "Carnet de voyage", un film brésilo-argentino-américain de Walter Salles, avec l'excellent Gael Garcia (qui m'avait scotché dans un autre film que je recommande, "Même la pluie") et Rodrigo de la Serna. Un film à classer dans le genre road movie, qui retrace le voyage qu'entreprirent en 1952 le jeune carabin Ernesto Che Guevarra (G.Garcia) avec son vieux copain le biochimiste Alberto Granado (R.de la Serna). Sur l'antique 500 Norton mono de Granado qu'il avait pompeusement nommée "la vigoureuse", les deux potes entendaient traverser l'Argentine, le Chili, le Pérou où une longue halte était prévue pour donner un coup de main dans une léproserie, puis la Colombie pour finir par le Vénézuéla.
Pour le Che, jeune et joyeux étudiant déjà très porté vers des idées de partage, de rassemblement des nations pauvres, d'union de leurs forces vives vers un projet sud-américain communautaire, ce périple prend valeur de voyage initiatique donnant force et enracinement à ses convictions, au départ encore intuitives. C'est surtout au contact des lépreux que ses aspirations à plus de justice trouveront à s'exprimer, notamment grâce à la naissance d'amitiés fortes avec des membres de l'équipe soignante, dont le généreux et chaleureux médecin chef.
Ce qu'encaisse le mono antédiluvien (un modèle 1939 je crois), sur les pistes défoncées où la fourche à parallélogramme a bien du mal à faire son travail d'amortisseur, tout au long des interminables lignes droites de la pampa argentine aussi bien que dans les cols montagnards du Chili à l'approche de l'hiver, tout cela est un calvaire mortel, puisque "la vigoureuse" finit par rendre l'âme après quelques crashs assez foutraques. Vieux motard que jamais, j'ai été curieux de voir cette vieille meule sur des pistes pour lesquelles elle n'était pas spécialement conçue, faut dire qu'à l'époque les trails n'existaient pas trop...
Les deux copains continuent à pied et en stop, bien obligé. Commence alors pour Ernesto la vraie prise de conscience de la misère de son peuple, sur laquelle il n'avait pas eu jusqu'alors le loisir de s'attarder vraiment, trop occupé par les affres du pilotage ou la vitesse de son déplacement (sûrement des pointes à 70 à l'heure, haha !).
Les temps forts en humanité du film arrivent alors, au contact des déshérités que la misère jette sur les routes, et pendant le séjour à la léproserie. Le Che nous est présenté comme un idéaliste généreux et désintéressé, ce qu'il était peut-être dans sa joyeuse jeunesse un peu dorée.
Le film se termine à la fin de son trip de soignant humanitaire, et un autre lui fait suite que je n'ai pas vu, pour dévoiler son époque de combattant (avec Benicio del Toro dans le rôle du Che). Comme chez tout guerrier, je suppose que chez le Che le côté obscur prenait le pas sur la bienveillance plus souvent qu'à son tour. Dans ce premier volet ça n'apparaît jamais.
Je vais vite essayer de me dégoter le tome deux, et quoi qu'il en soit je vous recommande ce tome un, ne serait-ce que pour le vaillant (du moins au début
! ) poum poum du gromono "la vigoureuse" et l'exotisme parfois grandiose des ambiances traversées...