de jolan » 30/01/2021 23:09
La Stratégie de l'Araignée – Bernardo BERTOLUCCI – 1970
Bon alors j'aime bien la réalisation, ample, organique, comme je les aime, les travellings, les mouvements lents, la recherche stylistique, le travail de Storaro, les décors naturels de la belle Italie. Je ne peux m'empêcher de penser à ce que fera Tarkovski dans la décennie suivante. Mais je me suis terriblement ennuyé devant cette histoire dont je me suis fiché royalement. Le fond et la forme toussa.
On assiste à des bribes de scènes, avec un mélange entre deux temporalités (1966 et 1936, entre lesquelles les personnes gardent le même aspect), et on ploie sous les références : Athos, les Trois Mousquetaires, Hernani, Shakespeare, Jules César, Macbeth, le prélude et des airs de l'opéra Rigoletto de Verdi, le lion, l'animal de Mussolini, Dreyfuss qui donne son nom à la maîtresse du père Draifa, le gamin qui récite « La Cavalla Storna » de Giovanni Pascoli (poème sur l'assassinat jamais élucidé du père du poète).
En bref, nous sommes noyés dans un grand maelström foutraque de références pseudo littéraro-musico-intellectuelles, de messages subliminaux, de codes, de sous-texte métaphorique, une sorte d'énigme, avec des scènes et des personnages étranges, mais qui n'est jamais ludique pour le spectateur. Un Antonioni aurait intégré une histoire d'amour (ou au moins un début de, comme Tarkovski dans "Nostalghia"), or là nous n'avons comme personnage féminin qu'une vieille à moitié folle, hantée par cette soif de vérité, puis de vengeance. Mais tous les éléments sont là pour expliquer la "fabrique du héros" qu'on découvrira plus tard.
Le héros, tel Diogène avec sa lanterne cherche un homme dans la nuit du passé fasciste, celui qui a tué son père, et bientôt il s'en désintéresse, comme nous depuis longtemps. Et encore plus lorsque la lumière se fait sur ce retournement bizarre. Il est venu pour aider Draifa, mais en fait il n'a rien à faire de ces histoires d'un passé qu'il veut oublier. Alors oui, c'est certainement intéressant pour un pays qui a vu monter ce fascisme, comme les films sur le nazisme en Allemagne, ou la résistance et la collaboration en France, mais bon, à part dire que tout n'était pas si simple, tout blanc ou tout noir, et que le pays va/veut oublier ses errances passées, comme ce petit village isolé et oublié où les journaux n'arrivent même plus... relié au reste du monde par le seul petit train (le plan final où l'herbe repousse sur les rails), ce village peuplé de vieux (la mémoire) alors que les jeunes ne font qu'y passer (le marin en permission, l'avenir, loin de là, déraciné de ce passé honteux), replié sur sa fausse figure héroïque passée et sa légende. A part cela... en tout cas ça ne m'a pas trop enthousiasmé.
En fait, c'est un film esquisse qui s'essaie à être autre chose qu'un film déroulant une histoire, c'est plus un exercice de style, parfois intéressant, mais jamais captivant. J'ai envie de dire, plutôt que « la stratégie de l'araignée », « la solitude de la pastèque ».
2/6
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