makidoo a écrit:Bande à Part, Godard, 1964
Bon, je n’ai pas grand chose à dire sur ce film que je n’ai pas aimé.
On a l’impression que Godard n’avait pas grand chose à raconter non plus et que ça se voit.
Les acteurs jouent mal (seul Samy Frey arrive péniblement à tirer son épingle du jeu), ou sont mal dirigés, ou les deux.
Le son est épouvantable, il m’a été très pénible de regarder ce film également à cause de ça. Les dialogues sont parfois inaudibles à cause du son environnant trop fort.
Alors oui il y a LA scène du bar, avec cette vraie minute de silence et cette danse synchronisée. Mais c’est un peu maigre pour trouver un intérêt à ce faux polar. Godard en casse les codes, ok, mais pour dire quoi du coup ?
1,5/6
Je suis complètement d'accord avec toi, mais moi j'aime beaucoup le film.
Avec Le mépris, Godard avait rabattu le clapet de ses nombreux détracteurs qui prétendaient qu'il était incapable de faire un film. Il n'a dès lors plus rien à prouver à personne. Mais sa relation avec Anna Karina bat de l'aile et Karina n'est pas bien dans ses bottes. Il décide donc de tourner très rapidement un film pour elle, avec un tout petit budget .
Pour cela, il jette son dévolu sur un petit roman de gare paru à la Série Noire. En fait, il se contrefiche de ce livre et de son histoire, c'est juste pour donner une vague ossature à son film.
A partir de cela, il va broder des séquences improbables en les empilant les unes sur les autres de manière assez lâche.
Bande à part est certainement le film le plus relâché de Godard, le plus consciemment désinvolte.
Ce n'est pas un grand film et ça n'a jamais eu vocation à l'être. Mais c'est justement ça qui pour moi lui donne un charme particulier et qui irritera beaucoup de monde sur le mode "tiens ,v'là encore Godard qui se fout de notre gueule".
Mais paradoxalement, c'est aussi peut-être le Godard de cette époque dont je garde le plus vivement en mémoire de nombreuses images et séquences. Toute la scène du café avec la danse évidemment, le record du monde de la visite du Louvre, Karina qui fredonne Aragon dans le métro (magique), ou des trucs typiquement godardiens avec le jeu sur les textes à l'écran (station Libertés, Garder ses yeux d'enfant dans les toilettes) ou aussi le jeu sur le commentaire en voix-off.
C'est un film dérisoire, largement improvisé à partir de trois fois rien. Ca donne un assemblage improbable et bordélique qui rend pour moi le film vraiment jubilatoire alors qu'il en agace beaucoup d'autres.
Bon sinon, j'ai aussi une expérience personnelle qui me rend le film très cher.
Bande à part, c'est le premier Godard que j'aie vu, quand j'étais ado en rhéto (l'équivalent belge de terminale en France, je pense). J'avais un prof de français très anticonformiste (dans un établissement catho bien propre sur lui, il était considéré par beaucoup comme un individu extrêmement dangereux). Beaucoup dans la classe le détestaient mais il va de soi que, moi, je l'aimais beaucoup. Le gars, genre, à son examen oral, il mettait des points pour l'originalité des réponses. Beaucoup d'élèves étaient complètement perdus. Moi, j'adorais et je lui fourguais des réponses remplies d'idées délirantes pêchées dans mes lectures de bouquins de science-fiction.
Et on a vu Bande à part dans le cadre de son cours. Après, il nous a fait découvrir Resnais, Rivette mais aussi les bd de Fred, des bouquins de Duras, la philo de Gilles Deleuze, la musique de Thiéfaine,... Genre, le mec qui te met le cerveau à ébullition.
Mais tout est parti de Bande à part en début d'année, vu pendant un temps de midi au lieu d'aller en récréation.
Je me souviens encore aujourd'hui du choc que m'avait procuré ce film, du champ des possibles qu'il avait ouvert en moi qui ne connaissait rien à l'époque du "cinéma d'auteur" (ni même du cinéma tout court - j'habitais à l'époque dans un bled complètement perdu avec aucune possibilité d'aller au cinéma). Le cinéma franchouillard à la télé m'emmerdait déjà profondément. J'étais juste un petit gars qui bouffait des bouquins de sf au kilomètre et qui tout d'un coup se prenait un trip avec ce truc bizarroïde de Godard. C'était du style "Putain, le mec, il peut faire une minute de silence dans un film !!!!", ça se fait, ça?, c'est quoi ce machin ?"
Depuis, j'ai revu plusieurs fois ce Bande à part.
Je comprends qu'on trouve le film à chier, je comprends qu'on trouve que Godard se fout de la gueule du spectateur avec un truc fait très largement par-dessus la jambe mais personnellement, je trouve toujours autant de charme à ce film.
Alors oui, parmi les karinades godardiennes, je préfère Pierrot le fou, Vivre sa vie ou surtout Alphaville mais Bande à part aura toujours une place à part.
Ma note : 4.5/6
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"