de jolan » 01/03/2021 01:53
Le Notti Bianche - Luchino Visconti - 1957
Un beau film. Un beau drame romantique. Un film que j'aurais adoré plus jeune.
J'aime beaucoup les drames romantiques empêchés. J'aime beaucoup les films de nuit, d'ambiance, de ville italienne en bord de mer, d'automne pluvieux, d'hiver neigeux. J'aime beaucoup les romances où la femme est dans l'erreur et se trompe d'histoire, aveuglée par un amour qui n'est pas fait pour elle, qui se sert d'elle, alors qu'un jeune homme parfait pour elle l'aime à côté. Ca me parle beaucoup.
Très belle réalisation, très belle mise en scène (les scènes qui mélangent moment présent et narration passée), très belle lumière, très beaux cadres, très beaux décors. Ce brouillard, cette pluie, cette neige, c'est magnifique. En effet, c'est cet aspect qui ressort le plus à la vision de ce film, avec ce noir et blanc sublime. Un noir et blanc de rêve fabuleux qui uniformise tout et permet de faire se côtoyer le beau et le sordide dans cette ville à moitié bombardée par la guerre, qui se reconstruit, entre les prostituées et les sans abris. Quelques bons petits dialogues romantiques également.
Marcello Mastroianni est parfait en romantique un peu dépassé par cette jeune femme qui le fascine, autant dans l'attirance que dans les moments de répugnance. Mais surtout Maria Schell est absolument magnifique en jeune femme enfant perdue dans sa recherche du père, de l'amour qu'elle ne connaît pas, elle ne connaît d'ailleurs rien de la vie, et sans doute son aveuglement va-t-il l'accompagner ainsi toute la vie et causer son malheur perpétuel, ou son bonheur illusoire. Elle a des yeux d'enfant devant un jouet, elle pleure sans arrêt comme une enfant, elle fait des caprices d'enfant, elle ne sait pas ce qu'elle veut, elle attend le retour de son locataire, le locataire de son cœur et son esprit, elle ne peut détacher son regard du pont où elle veut voir son rêve se réaliser, mais dès qu'elle rencontre le jeune Mario elle ne peut s'empêcher de le suivre et de s'en faire aimer, malgré elle. On a envie de la baffer, de la raisonner, de l'abandonner, de l'oublier, mais impossible, on ne peut pas baffer, raisonner, abandonner, ou oublier une enfant perdue. On ne peut pas lui causer de la peine, on voudrait l'aider. On voudrait l'aimer, même si elle nous excède par son ignorance d'innocente ingénue.
La dernière nuit blanche est sublime, entre le rapprochement corporel de leurs deux corps au dancing, de leurs deux solitudes presque libres, attirées l'une vers l'autre – puis le glas fatidique des 22h qui emporte tout sur son passage, jusqu'aux journaux du marchand de rue, et qui envoie le beau Mario aux gémonies. Mais en bas des gémonies sur le bord du fleuve, c'est une autre mort qui l'attendrait, et pas des plus sensuelles. Enfin la jeune femme comprend qu'elle a eu tort de croire en cet amour absolu. Il lui faut se résoudre à aimer moins, mais aimer quand même, ce jeune homme qui lui plaît fera finalement l'affaire. La neige de l'enfance va enfin pouvoir recouvrir ce souvenir et ses sentiments trop purs, cette innocence du passé, leur histoire va enfin pouvoir se construire, même après un malentendu. Mais non, la fatalité avec son sourcil froncé et sa dureté de père (Marais, dans un rôle doublé creux et négatif, symbolique) vient mettre un terme à ce moment d'égarement enfantin. Natalia peut retomber dans son aveuglement, comme sa grand mère. Elle redevient le chien de son maître, et Mario retrouve temporairement son statut de chien abandonné. Heureusement, il va vite oublier cette femme qui n'aura pas eu le bonheur de l'aimer et dont le souvenir noircira de loin en loin ses rares nuits blanches.
3,5/6
Jolan, le gars qui n'a le droit de ne rien dire, sinon ses posts sont supprimés illico par Nexus.