de jolan » 30/11/2020 20:35
Dragonwyck (Le Château du Dragon) – Jospeh MANKIEWICZ – 1946
Un beau drame romantico-gothique tourmenté comme il y en avait beaucoup à cette période (Citizen Kane, Splendeur des Amberson, Jane Eyre, Les Hauts de Hurlevent, Rebecca, Soupçons, Gaslight, Experiment Perilous, etc).
Gene Tierney illumine bien évidemment de toute sa splendeur à nul autre pareil ce film en clair/obscur qui sombre du plus clair au plus obscur. Cependant, malgré sa très belle prestation dans ce rôle, je n'arrive pas à comprendre que cette femme intelligente et indépendante d'esprit tombe dans le piège du faux amour de son faux cousin, uniquement obsédé par son sort et la pérennité de sa descendance, ou plutôt de son nom puisque sa fille n'est qu'une ombre à ses yeux. Elle voit qu'il méprise les fermiers et la religion (ce dieu qu'elle vénère, tout comme son père, fermier lui-même), qu'il vit dans un monde où tout ce qu'elle représente est moqué et réduit à néant (comme lorsqu'il voulait congédier Peggy), mais elle se persuade néanmoins qu'elle aime cet homme dans ce grand et beau manoir qui personnalise son rêve de jeune fille. Alors qu'elle a rencontré un homme qui est bien plus proche d'elle et lui a montré dès le début ses sentiments, contrairement au cousin qui s'interdit tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un quelconque sentiment, tout ce qui à ses yeux n'est que faiblesse. Bon, il nous faut quand même une histoire et un scénario, alors soit, même si je pense qu'une plus grande rivalité entre les deux hommes et plus de doutes amoureux en elle auraient pu donner lieu à un meilleur récit.
Je regrette aussi que certains éléments soient un peu mis de côté, le sort de la fillette, l'étrange malédiction d'Azilde, qui aurait pu ouvrir davantage de scènes et de rebondissements. La brève scène de retour chez ses parents lors de la demande en mariage me semble ratée aussi, et pourtant on en a besoin pour monter son égarement que ressentent bien ses parents, alors qu'elle est aveuglée par son orgueil de jeune fille pauvre.
Mais malgré tout cela on atteint peut-être ici une sorte de perfection formelle - pour ce qui est je le rappelle le premier film du sieur, à la demande de Lubitsch (qui selon moi ce serait totalement viandé sur ce projet, comme on l'a vu ici-même avec "Heaven Can Wait" et comme il le fera par la suite sur des films n'ayant pas sa touche comique). La photo est splendide, peut-être la plus belle parmi tous les films de ce genre. Lumières et cadres de même aloi. La musique est parfaite. Le montage aussi. L'interprétation (la gamine est épatante). Bref, un beau film, dans la forme, le fond étant un peu convenu et un peu suranné. L'insistance à nous montrer le laurier-rose, ce genre de choses, oui bon on n'est pas débiles, contrairement aux protagonistes. Ce sera donc la même note que le précédent, un peu au-dessus de la moyenne, mais pas pour les mêmes raisons, par goût "esthétique" disons.
3,5/6
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