jolan a écrit:Oui mais à mes yeux non, avec un personnage aussi cynique, comme on l'a tous dit, je ne crois pas une seule seconde qu'il puisse aimer June, il la manipule tout du long, il la drague et se marie avec elle uniquement pour son argent, il joue avec elle comme Stella joue avec lui, il la méprise lorsqu'il doit passer sa nuit de noce avec elle, il préfère se jeter sur des verres d'alcool et s'échapper pour voir sa véritable proie, puis lorsqu'il décide de s'enfuir, il la voit comme un moyen de fuir plus facilement, avec son argent, toujours et encore.
La nuit où il se confie à elle, il se parle à lui-même, il fait le point sur sa vie, un beau parleur apprécie le fait d'être écouté, mais jamais il ne lui parle à elle ou ne s'intéresse à elle. A aucun moment il ne lui manifeste la moindre attention, la moindre estime. Tout au plus du dégoût.
Elle se fait prendre, je le rappelle, au moment où ils se rendent à la banque. Donc, non, je ne crois pas que tout ce que le film nous montre s'avère être le contraire de la réalité du personnage parce qu'il se dit que finalement il va pouvoir rester un peu avec elle après le dernier plan. Il n'en a strictement rien à faire de cette femme, aussi lumineuse et amoureuse soit-elle. Il la dupe, et le spectateur qui pense in fine qu'il va l'aimer est dupé également.
Si encore la deuxième partie nous le montrait en train de changer et de tomber amoureux d'elle, en effet ça aurait été intéressant, mais il n'en est rien. Elle est trop creuse et à l'opposé de ce qu'il recherche chez une femme. Il ne pense qu'à fuir, à éviter la prison et la chaise électrique, et il n'est libéré de cette obsession que lorsqu'il découvre le criminel. Mais pas pour profiter de sa vie avec elle, elle est déjà là avec lui et il s'en contrefout. Pris d'un sentiment de liberté retrouvée il vit un moment d'euphorie et se repose sur celle qui l'a aidée, mais c'est tout. J'aurais aimé voir ce revirement et cette fin, je la verrai peut-être dans une future vision, mais là définitivement non.
Ce happy end (qui n'en est pas un à mes yeux) est sans doute le plus éphémère qui soit au cinéma. A la fin du générique il est déjà reparti avec trois billets volés dans le sac à main posé dans la boîte à gants. Ou alors il va passer ses soirées à ruminer le souvenir de Stella dans l'alcool. Je me doute bien qu'il va oublier cette femme qu'il n'a pas eue et qui est morte, mais de là à tomber dans les bras de June, franchement je n'y crois pas un instant. Ce n'est pas Sarkozy, il n'a pas changé
jolan a écrit:Mais en tout cas le film reste après la vision, son charme opère encore deux jours après.
Lobo et sa sélection de films britanniques ?
Je viens de vérifier, il n'a présidé qu'une seule fois, et c'était "Kiss Me Deadly", ça fait un fameux bail.
euh... si vous le dites a écrit:jolan a écrit:Mais en tout cas le film reste après la vision, son charme opère encore deux jours après.
Pareil pour moi, même si nos visions furent très différentes.
Ceci dit, je suis aller un peu fureter sur le net après des critiques du film et il en ressort que la vision qui semble communément admise est plutôt la mienne.
Sous l’intrigue policière, rondement menée, Preminger questionne en profondeur et très méthodiquement l’institution du mariage. En s’installant du côté de l’arnaqueur Eric Stanton, ex-publicitaire en rupture de ban, homme médiocre et souvent détestable qui ne voit dans le mariage qu’un moyen, un levier pour parvenir à ses fins, il soumet la chose à rude épreuve. Le mariage, c’est avant tout un contrat, un deal que Stella, rompue aux sérénades de dragueurs minables, conclut avec Stanton : elle ne lui cédera que s’il l’épouse et lui livre un foyer clés en mains. Ainsi entravé par un accord, le désir de Stanton vire à l’obsession. Pour Stella le mariage se brandit comme un bouclier ou se lance comme un hameçon : c’est le lieu d’un marché entre son corps et une situation sociale. Puis l’institution est clairement désignée comme une escroquerie : Stanton n’épouse June que pour lui dérober son magot. Il faut voir sous cet angle l’évolution de leur relation. Tout miel pour la séduire, bellâtre excessif, il devient irascible et vexant une fois marié, traitant sa femme comme une moins que rien, la blessant à la moindre occasion. Sous le contrat social, on ne déniche guère qu’une brutale pulsion d’égoïsme. [Otto Preminger – Sept ans de saute-mouton par Mathieu Macheret – Ed. Capricci (2012)]
cicerobuck a écrit:il me semble que le projet du film est clairement de ne pas créé plus de tension mais de l'évacuer si possible, grâce au personnage de June.
arcarum a écrit:la mort de Stella était presque trop tardif et finalement pas assez marquant pour imprégner l'histoire ou les perssonages. C'est une péripétie qui n'a que peu, voire pas d'impact.
cicerobuck a écrit:Ah, et j'ai lu que le perso de June à justement été charcuté au montage par Zanuck, précipitant la fin de carrière de Faye, délicieuse ironie sur le fond du film, Hollywood estropiant ainsi la seule source dépourvue d'artifices du film,...
euh... si vous le dites a écrit:Oui, c'est une péripétie qui n'a que peu d'impact.
Tout simplement parce qu'à ce stade du film, Stella est un personnage qui n'est plus utile à l'intrigue.
Elle est construite à la fois pour planter et définir la version ratée de Dana Andrews et également pour apporter un contrepoint complet au personnage de June.
Dès lors que le propos du film se déplace vers la relation entre Eric et June, qui va mener à l'ouverture sur le monde de June et la rédemption d'Eric, le personnage de Stella vivante n'a plus aucune utilité. Sa mort, par contre, en provoquant la fuite d'Eric et June, va permettre de faire évoluer et cristalliser la nature de leur relation.
La résolution policière du meurtre de Stella, expédiée en fin de film, n'a ni plus d'impact ni plus d'intérêt que sa mort (on se contrefiche d'ailleurs complètement de savoir qui l'a tuée). Le film est tout simplement parti ailleurs avec la prise de pouvoir sur le film du personnage de June.
arcarum a écrit:Point de vue intéressant. il n'en demeure pas moins que cet événement est à mes yeux trop tardif et empêche de voir la construction du couple, voir naître cette relation qui doit naître entre eux. C'est quand même un sacré mariage en carton pâte.
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