Ivanna a écrit:Je suis d'accord quand tu dis que la surexploitation d'un sujet, épuise le sujet, mais pour autant ça ne veut pas dire qu'il faut se priver d'utiliser un personnage, un évènement, si l'auteur à quelque chose à dire sur le sujet, ou qu'il peut aborder les nazis dans le cas présent sous un angle intéressant (je ne dis pas nouveau,) cela ne me dérange pas.
Non, il ne faut se priver de rien. Je suis d'accord. Mais les nazis sont devenus un genre de poncif ultra-rabâché à mon sens. Dans l'intro de
Fantasio se marie, j'aime beaucoup cette histoire de collier qui me donne très envie de découvrir la suite. Ce côté mystérieux m'interpelle. J'ai lu l'entretien de Féroumont qui dit qu'il a choisi 1942 parce que c'est une référence qui parle à tous. Soit, mais en ce qui me concerne, je trouve ça justement beaucoup trop facile d'aller encore utiliser cette référence "comme tout le monde". Ça manque cruellement d'originalité.
En fait, je trouve ça vulgaire
*.
Ivanna a écrit:Je n'ai pas eu cette sensation à la lecture des oeuvres de Spirou dont tu parles, c'est peut-être une question de perception.
Certainement, mais je me souviens très bien de passages où Spirou pleure de joie en nous disant que c'est le plus beau jour de sa vie lorsque les Allemands se font bombarder dans
Le Groom vert-de-gris, ou dans le suivant des tas de dialogues bien appuyés typiques de Yann dans l'esprit de "Ouais toi t'as pas eu tes parents morts à Auschwitz" ou "Combien d'étoiles ont péri prématurément durant cette affreuse guerre" ou encore "Moi pendant la guerre j'ai fait ceci et cela alors que vous, vous étiez des sales collabos".
Ivanna a écrit:Après personnellement je ne considère pas qu'il est moralisateur ou vaniteux de s'opposer à un régime, à une personne, des années après les faits.
Certes pas, mais la manière de faire peut l'être. Comme Yann ci-dessus, par exemple.
Ivanna a écrit:Faire preuve d'humilité est une bonne chose j'en conviens, mais si tu as des choses à dire sur un sujet, pourquoi se taire, surtout si c'est intéressant?
Tout le problème est là. Est-ce que tout ce que tout le monde raconte ou estime avoir à dire sur la question est intéressant et mérite d'être publié, filmé, diffusé, exposé, etc...
Je ne pense pas. Encore une fois : rabâchage la plupart du temps.
Ivanna a écrit:Une partie de ma famille a vécue l'arrivée de l'armée allemande et mes arrières-grands parents paternel furent victime de cette arrivée, du côté de ma mère, c'est la guerre du Pacifique qui a fait des dégâts dans ma famille à cette époque. Avec un tel background, tu arrives à te positionner sur ce que tu ferais ou non à cette époque, tout le monde est différent j'en conviens et on ne peut jamais être sur de rien, mais quand même. Ce que je veux dire par là, c'est que des auteurs se positionnant sur le sujet, peuvent avoir de vraies raisons de le faire, certains émettent une opinion par opportunisme, d'autres non.
Si j'avais vécu à l'époque, j'aurais été soit collabo, soit résistant, soit autruche. Je ne le saurai jamais. Donc la question de savoir ce qu'on aurait fait n'a pas de sens à mon avis. Je ne me la pose donc pas. En revanche, je perçois dans ce matraquage - et
par ce matraquage - sur la question de la part d'artistes, d'intellectuels, etc... une volonté de prouver aux autres qu'ils pensent "comme il faut", et que si eux avaient vécu à cette époque, ils auraient été du bon côté de la barrière. C'est souvent la sensation que ça me fait.
Je doute souvent de la sincérité des gens qui crient trop fort leurs convictions (je ne parle pas que de BD). Surtout lorsqu'ils ne risquent rien et qu'on ne leur demande rien.
Ivanna a écrit:Il y a encore des nazis aujourd'hui... bon tu me diras ils sont grabataires.
Oui, il doit en rester une dizaine en train de finir de se liquéfier en Amérique du Sud.
Ivanna a écrit:Sinon s'opposer à des régimes ou des groupes terroristes actuels, ça se fait, que ce soit dans la bande dessinée ou les romans et leurs auteurs, interrogés sur le sujet n'hésite pas en parler.
Oui, il y a plein de gens qui s'expriment lorsqu'on le leur demande, mais je ne suis pas sûr qu'il y en ait tant que cela qui aillent d'eux-même aborder la question. Il y en a, c'est certain, et j'ai un profond respect pour eux parce que ça, ça nécessite du courage.
Ivanna a écrit:Tout le monde ne pas faire une fixette sur un groupe Daech même si c'est une menace actuelle.
Je trouverais plus normal qu'il y ait une fixette sur daech & co, parce que c'est vivant et qu'on peut donc agir, que sur des fantômes nazis contre lesquels il est vain de s'agiter et de prêcher des convertis (
i.e. les Européens qui savent de quoi il retourne puisqu'ils les ont subis).
Ivanna a écrit:On ne peut pas ressusciter des gens j'en conviens, mais on ne doit pas pour autant les oublier, comme on ne doit pas oublier les victimes actuelles.
Ben justement. Il serait peut-être temps "d'oublier" (dans une certaine mesure, bien sûr) le passé et de penser au présent et à l'avenir au lieu de se complaire dedans. Lorsqu'on fait un deuil, on ressasse puis on accepte petit-à-petit jusqu'à non pas oublier, mais assimiler et vivre avec. A propos de la Seconde Guerre Mondiale et des nazis, on en est toujours à ressasser. En tout cas en France. Il serait temps de passer à l'étape suivante, je trouve.
Enfin bref, je pense que sur la plupart des choses, on doit être assez d'accord en fait. Ce qui apparaîtrait plus évidemment de vive voix qu'à l'écrit sur ce forum où les autres doivent être en train de se demander "ce qu'il se passe dans
Spirou" (on va bientôt se faire traiter de trolls - surtout moi, je le crains).
Mais bon, en même temps, la bédé (ou quoique ce soit d'autre d'ailleurs) est aussi un point de départ qui permet d'élargir les discussions à d'autres sujets. Ça change des habituels "Franquin était tellement dépressif que son poisson rouge s'est pendu dans son bocal" ou "Morris a claqué la porte de
Spirou parce qu'il trouvait Goscinny plus sexy qu'Yvan Delporte"...
Désolé pour la longueur donc.
*: j'utilise vulgaire dans son acception normale (c-à-d vulgaire = commun, ordinaire, banal, rebattu), pas dans son acception populaire - et fausse (c-à-d vulgaire = grossier).
"Un gentleman est quelqu'un qui sait jouer de l'accordéon et qui s'abstient" (Tom Waits)